A Majastres, quatre habitants et 19 électeurs pour choisir le « papa » du village
Majastres, quatre habitants permanents, 19 électeurs, sept conseillers municipaux et un maire, "Jeannot": "Dans un village comme ça, être maire,...

A Majastres, quatre habitants et 19 électeurs pour choisir le « papa » du village

Majastres, quatre habitants permanents, 19 électeurs, sept conseillers municipaux et un maire, "Jeannot": "Dans un village comme ça, être maire,...
Public Sénat

Par Olivier LUCAZEAU

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Majastres, quatre habitants permanents, 19 électeurs, sept conseillers municipaux et un maire, "Jeannot": "Dans un village comme ça, être maire, c'est être le papa de tout le monde", sourit l'élu, candidat à un second mandat.

Troisième plus petite commune de France, Majastres survit au bout de 17 km de lacets au-dessus de Digne-les-Bains. Le boulanger ne monte plus son pain à bicyclette depuis des années et le seul passage quotidien reste celui du facteur.

Artisan maçon à Digne, fraîchement retraité, Jean Sevenier, 61 ans, termine son premier mandat dans la minuscule mairie adossée à l'église. Accroché au mur, face à la photo du président de la République, Emmanuel Macron,un tableau noir usé: ici, avant, c'était l'école.

Mais le dernier élève est parti il y a près de 40 ans. Les deux bars ont fermé leurs portes, comme les deux moulins à farine. Et le village s'est vidé, inexorablement, loin des 276 habitants d'avant la Révolution. La lavande sauvage et les ovins ne font plus vivre les Malejactois depuis longtemps.

Revenu dans son village en 1972, comme cantonnier, et désormais retraité, Raoul Chauvin, un des conseillers municipaux, est l'un des quatre derniers habitants permanents du village, avec Eric et José Cruvellier, deux cousins "montés" d'Aix-en-Provence dans la maison de leur grand-mère, et Marie, l'épouse d'Eric.

Jean Sevenier, lui, a découvert Majastres il y a 35 ans, à l'occasion d'un chantier sur le pont du village. A force de monter les week-ends pour chasser le sanglier, le chevreuil ou la grive, il y a acheté une maison, l'a retapée, et s'est retrouvé élu.

Jean Sevenier, maire de Majastres, le 24 février 2020
Jean Sevenier, maire de Majastres, le 24 février 2020
AFP

"Quand je suis arrivé à Majastres, il y avait encore 10 habitants, mais ils étaient tous fâchés", se souvient le "papa" de la commune. "Ici, il n'y en a qu'une de rue, alors il faut que les gens se parlent. Je suis émerveillé d'être arrivé à faire ça".

"Il a créé une fratrie, une famille", confirme Eric, berger l'été, bricoleur le reste du temps.

- "Pas comme un dictateur!" -

Et dans dix jours, la "famille" élargie va voter, pour le premier tour des municipales: 19 électeurs en tout sont inscrits, pour la plupart les habitants des résidences secondaires, venus de Digne, d'Aix ou de Marseille. Et une seule liste, avec neuf noms: parmi eux, "Jeannot" bien sûr, mais aussi Raoul et Eric.

"Neuf candidats, c'est beau, avec notamment deux jeunes qui ont envie de faire avancer les choses, moi ça me ravigote", insiste Jean Sevenier: "Le village en choisira sept. C'est la liberté. Je n'ai pas voulu présenter une liste avec sept noms seulement, comme un dictateur!"

S'il est à nouveau candidat, ce n'est pas pour les 658 euros d'indemnité mensuelle --il a d'ailleurs laissé 200 euros pour les heures supplémentaires de la secrétaire de mairie. C'est pour le village: "Il était à l'abandon. Le premier chantier, ça a été de tout débroussailler, d'évacuer les carcasses de voitures".

Le village de Majastres, en février 2020
Le village de Majastres, en février 2020
AFP

Puis ce fut le temps des grands travaux: enterrer les câbles électriques qui obstruaient le paysage; mettre en sécurité le puits; et surtout créer une station d'épuration et raccorder tous les foyers au tout-à-l'égout.

Problème: les ressources du village sont minuscules. Quelques centaines d'euros versés par deux bergers qui viennent sur le territoire de la commune avec leurs brebis l'été; 90 euros de loyer mensuel pour un gîte appartenant à la municipalité. Le reste vient de la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat, environ 19.000 euros, et de quelques aides.

D'où la nécessité d'aller chercher les subventions: "C'est ça le plus difficile. Les dossiers qui n'en finissent pas, la paperasse qui s'accumule! Moi je pensais qu'être maire, c'était comme gérer mon entreprise. Les soucis, je les ai vus après!".

Mais s'il est reconduit comme maire, "Jeannot" a encore des projets: refaire la petite place du village et créer un monument pour les 13 citoyens de Majastres tombés lors de la Grande Guerre, alors que le hameau comptait encore 90 habitants.

"Majastres , c'est une belle histoire, mais elle a failli mourir cette histoire", conclut-il.

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01059366_000001
7min

Politique

Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : « Ce n’est pas la gauche contre la droite, mais un modèle démocratique contre un modèle illibéral »

Le paysage audiovisuel français est en train de se fracturer en deux blocs. L’animateur vedette, Pascal Praud a accusé la patronne de France Télévision, Delphine Ernotte de mettre « une cible » sur les journalistes sa chaîne, après que cette dernière a qualifié CNews de « chaîne d’extrême droite ». A moins de deux ans de l’élection présidentielle, l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, subit une pression inédite. Son président, Martin Ajdari sera, auditionné dans quelques jours au Sénat.

Le

A Majastres, quatre habitants et 19 électeurs pour choisir le « papa » du village
5min

Politique

Mobilisation du 18 septembre : « Soit une politique de rupture est menée, soit on continue à mettre la pression »

A l’appel de l’intersyndicale, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue partout en France pour protester contre le projet de budget pour 2026. Dans le cortège parisien, les manifestants, pas convaincus par la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, sont déterminés à maintenir la pression sur l’exécutif. Reportage.

Le

SIPA_01229633_000009
1min

Politique

Info Public Sénat. Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : une délégation de sénateurs LR reçue à Radio France le 30 septembre

Alors que le ton se durcit entre les dirigeants de l’audiovisuel public et la chaîne CNews de Vincent Bolloré, qualifiée « d’extrême droite » par Delphine Ernotte, une délégation de sénateurs LR sera reçue par la patronne de Radio France Sibyle Veil le 30 septembre. Le 1er octobre, le président de l’Arcom, Martin Ajdari sera, lui, auditionné par la commission de la culture et de la communication de la chambre haute.

Le