Abandon du référendum sur le climat : le Sénat dénonce « l’instrumentalisation » du gouvernement

Abandon du référendum sur le climat : le Sénat dénonce « l’instrumentalisation » du gouvernement

Jean Castex a annoncé l’abandon de la « révision constitutionnelle » et donc du référendum visant à inscrire le climat dans la Constitution. Un dénouement écrit d’avance tant les antagonismes étaient grands sur ce sujet. Le gouvernement et la Haute Assemblée se renvoient la responsabilité de cet échec.
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« J’essaye d’y croire toujours ». L’espoir de Barbara Pompili de voir inscrire la protection de l’environnement dans l’article 1er de la Constitution n’aura pas duré 24 heures. Au moment où la ministre de la Transition écologique affichait son volontarisme, le Sénat refusait, pour la seconde fois, lundi soir, de voter en termes identiques le projet de révision constitutionnelle.

Or, en matière de révision constitutionnelle, la Haute assemblée dispose d’un droit de véto : tant que le texte n’est pas adopté dans les mêmes termes dans les deux chambres, il ne peut pas être soumis à l’approbation du Parlement réuni en Congrès ou faire l’objet d’un référendum.

Ce mardi, le gouvernement a acté l’abandon de la réforme tout en rejetant la responsabilité sur le Sénat. « Compte tenu de ce que prévoit l’article 89 de notre Constitution, ce vote (du Sénat) met hélas un terme au processus de révision constitutionnelle dont nous continuons à penser qu’il était indispensable à notre pays », a déploré le Premier ministre lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée.

« Cette main tendue n’a pas été pas saisie par le Sénat »

« L’Assemblée nationale avait décidé de faire un pas, mais cette main tendue n’a pas été pas saisie par le Sénat. Ce vote met un terme au processus constitutionnel qui était indispensable pour notre pays. C’est regrettable » a-t-il jugé.

Jean Castex comme Éric Dupond Moretti en séance lundi soir, appelle « main tendue », l’emploi du mot « agir » à la place du mot « lutte » dans la version du texte adoptée en seconde lecture par les députés. Le gouvernement et la majorité présidentielle souhaitaient que soit inscrit à l’article 1 : « La France garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ». Une légère évolution sémantique car initialement, l’Assemblée nationale avait adopté sans modification le texte du gouvernement (issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat) en inscrivant que la France « lutte contre le dérèglement climatique ».

De son côté la majorité sénatoriale rejetait farouchement l’emploi du terme « garantir ». En s’appuyant sur un avis du Conseil d’Etat, ils estimaient que ce verbe pouvait entraîner une priorité de la préservation de l’environnement sur d’autres principes à valeur constitutionnelle et ainsi porter atteinte au développement durable, en instituant pour l’Etat, une « quasi-obligation de résultat » en matière de préservation de l’environnement. Raison pour laquelle, la version adoptée en première et en seconde lecture par le Sénat mentionne la Charte de l’environnement (à valeur constitutionnelle). Un ajout qui n’est pas anodin car l’article 6 de la Charte de l’environnement impose aux politiques publiques de « promouvoir le développement durable » à savoir, « concilier la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

« Logique de décroissance »

Dans un communiqué, le président du groupe LR, Bruno Retailleau dénonce « le coup de com » d’Emmanuel Macron. « La rédaction du gouvernement mal ficelée et pour tout dire volontairement provocatrice ne pouvait qu’être rejetée par le Sénat. Pourquoi ? Parce que la rédaction sur laquelle s’est arcbouté le gouvernement portait en germe une logique de décroissance qui aurait entravé tout projet de développement et de progrès. Ce sont nos entreprises et donc les Français qui en auraient pâtis », estime-t-il en accusant le chef de l’Etat d’avoir « instrumentalisé » « à des fins politiciennes » la préservation de l’environnement.

« Les Français auront à se prononcer dans les prochains mois autrement que par référendum »

« Cette issue était prévisible puisque le gouvernement a refusé de nouer le débat de fond avec le Sénat sur la politique écologique de la France. Le gouvernement voulait graver dans le marbre de la Constitution une politique écologique  qui est dogmatique et qui n’est pas celle de la France », réagit le sénateur LR, Philippe Bas qui assure que « la majorité sénatoriale a, de bonne foi, essayer de poser sur des bases claires la question du référendum ». « La préservation de l’environnement est un enjeu national et les Français auront à se prononcer dans les prochains mois autrement que par référendum. Personne n’a pas le monopole de l’écologie. Le gouvernement en défendait une conception qui n’est pas la nôtre ».

« Comment croire que le texte tel qu’il était présenté nous emmenait vers la décroissance ? »

Entre le gouvernement et la majorité sénatoriale, la gauche du Sénat se désole de ce dénouement. « La décroissance, c’est le chiffon rouge agité par la droite du Sénat. Comment croire que le texte tel qu’il était présenté nous emmenait vers la décroissance ? Ça implique déjà d’opposer protection de l’écologie et développement économique. La droite ne peut plus se permettre de rejeter l’écologie, alors ils essayent d’opposer deux types d’écologies. Eux, seraient des écolos pragmatiques et nous des écolos de la décroissance ». C’est une opposition totalement politicienne. C’est manichéen », souligne le sénateur écologiste, Guy Benarroche. Il ajoute : « La droite nous a vendu le grand saut dans l’inconnu qu’impliquerait la version du gouvernement, alors que beaucoup de juristes que la commission des lois a auditionné, nous ont dit que le terme « garantir » n’aurait pas forcément d’incidence. Ce qui déssert la réécriture du Sénat, c’est la mention de la Charte de l’environnement. Un ajout tautologique pour dire qu’on applique ce qui est déjà appliqué »

« On a assisté à une manœuvre purement cynique de la part du président de la République »

« Le grand saut dans l’inconnu dérange moins la majorité sénatoriale quand il s’agit de libéralisme que quand il s’agit d’écologie. C’est un rendez-vous manqué pour l’environnement qui a été pris en otage par des considérations politiques de faibles ampleurs. Du début jusqu’à la fin, on a assisté à une manœuvre purement cynique de la part du président de la République et la majorité sénatoriale est tombée à pied joint dans le piège tendu, confortant les clichés sur le Sénat réfractaire à la protection de l’environnement », observe le sénateur PS, Éric Kerrouche qui relève « les délais ubuesques » dans lesquelles cette révision constitutionnelle était censée être présentée. « Il y avait un chemin. Le Congrès. Mais on ne voulait pas l’emprunter. Au final, c’est l’environnement qui paye l’addition ».

 

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