Abattoir de Mauléon : « Il a été fait en sorte que les sanctions ne soient pas trop fortes »
Le tribunal correctionnel de Pau rendait ce lundi son jugement dans l’affaire de l’abattoir de Mauléon, dans les Pyrénées-Atlantiques. Des sénateurs réagissent au jugement.

Abattoir de Mauléon : « Il a été fait en sorte que les sanctions ne soient pas trop fortes »

Le tribunal correctionnel de Pau rendait ce lundi son jugement dans l’affaire de l’abattoir de Mauléon, dans les Pyrénées-Atlantiques. Des sénateurs réagissent au jugement.
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Par Alice Bardo

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« On a voulu, une fois encore, mettre le couvercle sur la marmite » déplore Sylvie Goy-Chavent. La sénatrice centriste de l’Ain ne s’étonne même pas de la décision de justice rendue à l’encontre de l’ex-directeur de l’abattoir de Mauléon, dans les Pyrénées-Atlantiques, et de quatre de ses employés. Le premier a été condamné à six mois de prison avec sursis et à 200 euros d’amende pour « tromperie » (un non-respect du cahier des charges), les autres à des amendes allant de 80 à 910 euros pour maltraitance « sans nécessité ».

Tout a commencé en mars 2016, lorsque des vidéos tournées en secret, montrant les conditions d’abattage des animaux dans cet établissement, sont révélées par L214. Sur ces images, des « animaux frappés, mal ou pas étourdis, conscients au moment de la saignée, découpés à vif », décrit l’association de protection animale. Un « tel degré de violence » que dénonce Sylvie Goy-Chavent. La sénatrice centriste de l’Ain se dit ainsi « gré à L214 d‘avoir été lanceur d’alerte ».

« On n’inflige jamais de sanctions exemplaires »

Sur le jugement, « il a été fait en sorte que les sanctions ne soient pas trop fortes. Ce qui m’inquiète, c’est qu’étant donné qu’on n’inflige jamais de sanctions exemplaires, pourquoi vont-ils se priver de tels actes dans d’autres abattoirs ? » interroge la sénatrice. L’ex-directeur de l’abattoir encourrait jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende pour « tromperie », ses employés de 100 à 910 euros d’amende pour maltraitance animale « sans nécessité ». L’abattoir, en tant que personne morale, a été condamné à 10 000 euros d’amende, contre 50 000 euros requis. Le tribunal « n'est pas tombé dans le piège d'être pris en otage, il s'en est tenu au dossier et n'est pas rentré dans le débat idéologique » s’est satisfaite l’avocate de l’ex dirigeant, qui n’interjettera pas appel. Les peines prononcées sont en effet bien en deçà de celles qu’il encourait.

« Du point de vue de la loi il n’y a pas de sujet »

Le sénateur LR Laurent Duplomb « prend acte d’une décision fondée ». S’il admet que « les actes sont objectivement condamnables, il n’y a pas de sujet du point de vue de la loi» ajoute-t-il. « Les magistrats n’ont pas jugé des actes de cruauté, mais des mauvais traitements », explique Anne-Catherine Loisier, qui tient à la distinction entre les deux. La sénatrice centriste de la Côte d’Or est consciente qu’il existe des « dérives vers des actes de cruauté », mais rappelle qu’il n’en était « a priori » pas question au sein de l’abattoir de Mauléon. Et de poursuivre : « La justice fait bien la part des choses et le signal est fort : tout mauvais traitement fait l’objet d’une sanction. »

Du côté de Sylvie Goy-Chavent, le son de cloche est de fait bien différent. Selon elle, cette décision de justice reflète la « pitié » envers un « petit abattoir » et elle regrette que ses « collègues (lui fassent) comprendre que ce n’est pas grave de traiter les animaux comme des objets ».

« Attention au discrédit jeté sur les professions liées à l’élevage »

« Attention au discrédit qui peut ensuite retomber sur les professions liées à l’élevage » alerte pour sa part Laurent Duplomb. D’après le sénateur, « la quasi-totalité des professionnels sont respectueux des conditions imposées tant par le droit du travail que par le bien-être animal ».

Reste qu’une grande partie de la société civile s’est émue de la multitude de vidéos diffusées dévoilant des pratiques relevant clairement d’ « actes de cruauté ». Alors que faire pour encadrer ces pratiques ?

« La vidéosurveillance, on l’installe quand on n’a rien à se reprocher »

Le projet de loi Agriculture et Alimentation, définitivement adopté par le Parlement début octobre, contient quelques mesures qui attraient au bien-être animal. Ainsi la vidéosurveillance dans les abattoirs sera expérimentée sur deux ans sur la base du volontariat. Une gageure de l’avis de Sylvie Goy-Chavent : « La vidéosurveillance, on l’installe quand on n’a rien à se reprocher. Et puis qui va visionner ? Au bout de combien de temps ? »

Le texte prévoit également un doublement des sanctions encourues en cas de mauvais traitements : elles s’élèvent désormais à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Enfin, les parlementaires ont voté l’interdiction d’installer de nouveaux élevages de poules en cage.

Mais pour Laurent Duplomb, Sylvie Goy-Chavent et Anne-Catherine Loisier, l’enjeu se situe surtout au niveau de la formation des personnels en abattoirs, qui travaillent « dans des conditions particulièrement difficiles » comme le remarque le sénateur LR. Pour Sylvie Goy-Chavent, il faudrait donc « créer une formation d’abatteur » : « On ne va pas prendre le premier gars intérimaire au bout du rouleau financier pour le mettre sur une chaîne d’abattoir ! ». Plus encore, il faudrait assurer le suivi psychologique de ces « abatteurs » qui, selon elle, deviennent « blasés à mort ». Enfin, « sensibiliser aux bonnes pratiques » relève de l’ « urgence », de l’avis d’Anne-Catherine Loisier. Autant de mesures qui ne figurent pas dans le projet de loi Agriculture et Alimentation adopté par le Parlement. Quid de l’avenir avec Didier Guillaume, tout nouveau ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ? « On va voir.. » répond laconiquement Sylvie Goy-Chavent. Et d’ajouter, après avoir rappelé l’influence des lobbies de la viande : « On jugera son degré de liberté à ses actes. »

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