Abus sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat ne veut pas de seuil de consentement ?
Pas de seuil d’âge de consentement mais « une présomption de contrainte », et un allongement du délai de prescription pour les délits et crime sexuels commis à l’encontre des mineurs. Après 4 mois de travaux, les sénateurs ont présenté, ce jeudi, leurs propositions sur les infractions sexuelles commises contre les mineurs.

Abus sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat ne veut pas de seuil de consentement ?

Pas de seuil d’âge de consentement mais « une présomption de contrainte », et un allongement du délai de prescription pour les délits et crime sexuels commis à l’encontre des mineurs. Après 4 mois de travaux, les sénateurs ont présenté, ce jeudi, leurs propositions sur les infractions sexuelles commises contre les mineurs.
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« Notre démarche a été de nous méfier de cet emballement médiatique. Nous avons eu l’impression que les annonces qui ont été faites ont précédé la réflexion » estime le président de commission des lois du Sénat, Philippe Bas. En effet, à l’automne dernier, deux faits divers suscitent une vague d’indignation dans l’opinion publique et relancent le débat sur la question de l’âge du consentement sexuel et son traitement judiciaire.  Marlène Schiappa, Nicole Belloubet et même Emmanuel Macron  se prononcent favorablement pour un seuil en deçà duquel un enfant est présumé non-consentant à un acte sexuel.

« Un effet de cliquet, compliqué à mettre en place »

« Un effet de cliquet, compliqué à mettre en place dans une France toujours marquée par le syndrome Gabrielle Russier (une professeure qui s’est suicidée en prison à la suite d’une relation amoureuse entretenue avec un de ses élèves âgé de 16 ans en 1969) »  justifie, ce jeudi, l’ancienne ministre et sénatrice PS, Laurence Rossignol. « Nous voulons protéger tous les enfants et pas seulement ceux dont l’âge est fixé en dessous d’un certain seuil » complète Philippe Bas. « Pourquoi un mineur âgé de 15 ans et 1 mois devrait-il être moins protégé qu’un mineur âgé de 14 ans et 9 mois ? » interroge le rapport de cette mission d’information qui regroupe des parlementaires de tous les bords politiques. Le rapport  se demande aussi s’il faut traiter un majeur de 18 ans ayant eu une relation sexuelle avec un mineur de 14 ans, de la même manière qu’un adulte de 45 ans qui a eu des rapports sexuels avec un mineur de 15 ans.

« Une présomption de contrainte »

Raison pour laquelle, parmi les 34 propositions du groupe de travail, les sénateurs préfèrent instituer « une présomption de contrainte ». « Ce qui veut dire que ce sera à l’auteur de prouver qu’il n’y a pas eu contrainte quel que soit l’âge du mineur » résume la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie. La différence d’âge et la capacité de discernement du mineur seront les deux critères à prendre en compte pour qualifier de viol la relation sexuelle. « Le discernement, c’est avoir pleinement conscience de ce qu’on fait. Il faut laisser au juge l’appréciation du discernement. C’est pourquoi le discernement ne peut pas avoir d’âge. Vous pouvez,  à 11 ans être conscient et consentant. Et ne pas être conscient des choses à 17 ans » détaille Marie Mercier, la rapporteure LR du groupe de travail.

Marie Mercier: "le discernement ne peut pas avoir d'âge"
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Allongement de la durée de prescription

En ce qui concerne la durée de prescription, les parlementaires sont favorables à son allongement à 30 ans pour les crimes sexuels et à 20 ans pour les agressions sexuelles. « Même si nous ne voulons pas envoyer un message contre-productif qui reviendrait à dire aux victimes : prenez votre temps. Après 30 ans, 20 ans, l’administration de la charge de la preuve est très difficile et les condamnations sont rares » précise Philippe Bas. « C’est une façon de répondre aux victimes non pas forcément par une réponse pénale mais de leur dire : quelqu’un vous croit » ajoute Marie Mercier.

Et justement, les 34 propositions sénatoriales comportent différent volets dont la plupart ne passent pas par une modification de la loi. Comme par exemple, encourager la spécialisation des magistrats ou garantir les moyens d’assurer sur tout le territoire l’obligation légale d’éducation à la sexualité.

L’allongement de la durée de prescription et la présomption de contrainte vont, par contre,  faire l’objet d’une proposition de loi que les sénateurs souhaitent voir adopter « au plus tard, au début du mois d’avril ». Soit plus ou moins au même moment que l’examen du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes dans lequel le gouvernement souhaite lui fixer un âge de consentement minimum à un acte sexuel.

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