Accord européen sur la réduction de la consommation du gaz : « 15 %, c’est énorme ! »
Réunis ce mardi à Bruxelles pour un conseil extraordinaire, les ministres européens de l’énergie se sont accordés pour réduire leur consommation de gaz et venir au secours de l’Allemagne. Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, analyse une décision inévitable, mais difficile à mettre en oeuvre selon lui. Entretien.

Accord européen sur la réduction de la consommation du gaz : « 15 %, c’est énorme ! »

Réunis ce mardi à Bruxelles pour un conseil extraordinaire, les ministres européens de l’énergie se sont accordés pour réduire leur consommation de gaz et venir au secours de l’Allemagne. Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, analyse une décision inévitable, mais difficile à mettre en oeuvre selon lui. Entretien.
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Par Steve Jourdin

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L’accord obtenu à Bruxelles vise à réduire notre consommation de gaz. Cette décision était-elle nécessaire au regard du contexte géopolitique et énergétique actuel ?

 

Très clairement oui. 40 % du gaz en Europe vient de Russie, soit l’équivalent de 150 milliards de mètres cubes de gaz pour l’année 2021. Au regard des menaces et des prises de position russes, il était inévitable de dire que l’on doit faire des économies, et il fallait le faire de manière concertée. Vladimir Poutine joue avec les nerfs des Européens. Lundi, Gazprom a annoncé qu’il réduirait drastiquement ses livraisons quotidiennes à l’Europe. Le but est de faire monter les prix du gaz en jouant sur l’incertitude des approvisionnements futurs. En faisant ça, Vladimir Poutine chercher à diviser les pays de l’Union.

 

L’accord prévoit que chaque pays fasse « tout son possible » pour réduire, entre août 2022 et mars 2023, sa consommation de gaz d’au moins 15 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années sur la même période. Cela vous semble un objectif réaliste ?

 

15 % c’est énorme, c’est un Covid gazier ! Mais ces 15 % d’économies d’énergie compensent uniquement ce que l’on ne pourra pas remplacer par autre chose. A côté de cette réduction, nous allons en effet avoir recours à d’autres énergies pour remplacer les 40 % de gaz que la Russie fournit à l’Europe. Cela passe par le gaz naturel liquéfié (GNL), le redémarrage des centrales à charbon et, sans doute à l’avenir, davantage de nucléaire et de renouvelable. Mais à court terme, il n’y a pas d’autres choix que de jouer sur la consommation.

 

L’accord prévoit un dispositif de contrainte. En cas de risque de pénurie, un mécanisme rendra obligatoire pour les Vingt-Sept la réduction de 15 %, mais cet objectif sera adapté aux réalités de chaque pays. Certains pays vont devoir être plus solidaires que d’autres ?

 

On comprend bien la logique du dispositif, mais il sera compliqué à mettre en œuvre. Quels seront les pays qui devront faire des efforts, et à quelle hauteur ? Il y a des pays qui dépendent beaucoup moins du gaz que d’autres. Certains au contraire dépendent beaucoup de la Russie, comme l’Allemagne par exemple. Or, si l’industrie allemande se grippe, c’est l’ensemble de l’économie européenne qui sera touchée. Le mécanisme de contrainte va être politiquement très délicat à mettre en œuvre.

 

Parmi les 27, seule la Hongrie s’est opposée au texte. Victor Orban refuse que son pays exporte du gaz vers les autres pays de l’Union. Malgré cet accord, la solidarité énergétique ne fait pas l’unanimité en Europe…

 

La Hongrie est un pays un peu à part dans l’UE. On le savait déjà avant la crise énergétique. Il se trouve que c’est un pays qui a beaucoup de contrats de long terme avec la Russie, et que son approvisionnement en gaz est assuré pour les prochaines années. La difficulté pour les Européens était de maintenir la Hongrie dans le giron de l’Union. Sur ce point, on voit que ça n’a pas vraiment marché.

 

Avec cet accord, se dirige-t-on vers la fin de la crise énergétique en Europe ?

 

Non, c’est une crise qui est partie pour durer. Il faut la comparer au choc pétrolier de 1973. Nous allons ressentir les conséquences de cette crise sur le long terme, car les 40 % de gaz russe ne pourront pas être remplacés.

A cette crise gazière s’ajoute une crise électrique. Depuis l’année dernière, on observe des hausses des prix de l’énergie en Europe. En France, bien avant l’invasion de l’Ukraine, le gouvernement a réagi avec la mise en place du bouclier tarifaire, mais il va falloir aller plus loin, et jouer sur tous les leviers bas carbone.

 

Existe-t-il en France un risque de rupture d’approvisionnement en gaz pour cet hiver ?

Nos stocks sont pleins à 75 %, c’est beaucoup et ce taux va encore progresser durant l’été. Il n’y aura donc pas de rupture d’approvisionnement cet hiver. Si nous exportons du gaz à l'Allemagne, il faudra justement qu'une partie nous revienne sous forme d'électricité, car nous en aurons besoin cet hiver.

 

A terme, quel serait le meilleur mécanisme de solidarité énergétique en Europe ?

Le meilleur mécanisme de solidarité, c’est la politique. Il y a toujours un moyen de déroger aux règles du marché. Ce dernier fonctionne généralement bien, mais en cas de crise la politique doit reprendre le dessus. Il faut donc s’asseoir à une table et discuter, comme on l’a fait cette semaine.

 

Ce qui m’inquiète cependant, c’est que l’on ne parle pas suffisamment climat. Or, ces dernières semaines la victime collatérale est bien le climat. Le texte sur le pouvoir d’achat qui est actuellement discuté au Parlement est une catastrophe d’un point de vue environnemental. Il prévoit le redémarrage de la centrale à charbon de Saint-Avold, la création d’un nouveau terminal méthanier et un soutien à la consommation des carburants. Personnellement, je regrette que l’on n’applique pas de mesures de simplification administrative dans le cadre de ces lois, afin d’accélérer les raccordements et le développement des énergies renouvelables. Aujourd’hui, beaucoup de projets sont bloqués.

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