Affaire Girard : la majorité parisienne mise à rude épreuve

Affaire Girard : la majorité parisienne mise à rude épreuve

L’ex-adjoint à la culture, Christophe Girard, a annoncé sa « mise en retrait » du Conseil de Paris. Déjà fragilisé par les accusations de complaisance envers son ami Gabriel Matzneff, l’élu est désormais visé par une enquête pour « viol sur mineur par personne ayant autorité ».
Public Sénat

Par H.L. avec AFP

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« Par souci de sérénité et du bon fonctionnement de la majorité au sein du Conseil de Paris, j'ai proposé à Anne Hidalgo (...) ma mise en retrait le temps de l'enquête préliminaire et pour mieux me défendre », a annoncé Christophe Girard via son avocate.

Le sénateur PS et chef de file de la majorité au Conseil de la Paris, Rémi Féraud, a affirmé sur Twitter qu’il avait invité l’ex-adjoint à la Culture à quitter les bancs de l’Hôtel de Ville.

L’ancien bras droit d’Anne Hidalgo, déjà critiqué pour ses liens avec l'écrivain Gabriel Matzneff, est visé par une enquête pour « viol sur mineur par personne ayant autorité », ouverte par le parquet de Paris, ce mardi.

Christophe Girard, accusé d’une vingtaine de rapports sexuels contraints

Dans un article publié dimanche par le New York Times, l'accusateur de Christophe Girard, Aniss Hmaïd, raconte avoir rencontré l'élue en Tunisie, à l'été 1989, quand il avait 15 ans. La victime présumée estime avoir ensuite été entraînée, pendant près de dix ans, dans une relation abusive qui lui a laissé « des blessures psychologiques durables ».

Selon Aniss Hmaïd, 46 ans, Christophe Girard l'a agressé sexuellement une première fois à 16 ans lors d'un voyage aux États-Unis, et l'a contraint à des rapports sexuels une vingtaine de fois au cours des années suivantes.

Aniss Hmaïd assure qu’en échange Christophe Girard l'employait parfois comme domestique dans sa résidence d'été dans le sud de la France, et « lui obtenait des emplois temporaires au sein de la maison Yves Saint Laurent », dont il était l'un des principaux dirigeants avant d'entrer en politique. « C’est du racisme, un abus sexuel, une forme d’abus culturel, de colonialisme », estime Aniss Hmaïd dans les colonnes du New York Times.

L'ancien bras droit de la maire Anne Hidalgo, pilier de la municipalité depuis vingt ans, a dénoncé dès dimanche des allégations « graves » et « sans fondement », annonçant une plainte pour dénonciation calomnieuse.

Hidalgo « satisfaite »

À la mairie de Paris, ces nouvelles accusations ont conduit les derniers soutiens de Christophe Girard au sein de la majorité à changer de ton. La maire a notamment déclaré dans un tweet être « satisfaite » de l'ouverture de l'enquête tout en rappelant son « soutien indéfectible à toutes les victimes de viol ».

Jusqu’alors, Anne Hidalgo avait toujours soutenu son bras droit. Accusé de complaisance envers Gabriel Matzneff par ses détracteurs, Christophe Girard avait démissionné de ses fonctions d'adjoint le 23 juillet, à la suite d'une manifestation d'écologistes et de féministes. Entendu comme témoin, il n'était pas visé par une plainte dans cette affaire.

« Girard démission, Matzneff en prison », « déni à la mairie de Paris », « pas d’excuses, pas de remords = dehors », « pas d’adjoint à la culture du viol », proclamaient les quelques militants rassemblés sous les fenêtres de l’Hôtel de Ville.

La maire de Paris s’était à l’époque insurgée contre ces « banderoles infamantes », indiquant qu’elle « [déférerait] devant les tribunaux les graves injures publiques qui ont été dirigées contre la mairie de Paris ».

Quelques jours après la démission de Christophe Girard, la maire de Paris avait annoncé la nommination de Carine Rolland, adjointe en charge de la culture. Carine Rolland occupait jusqu’alors les fonctions d’adjointe en charge de la ville du quart d’heure, fonction qu’elle continue à porter conjointement avec Patrick Bloche, en charge, notamment, des affaires scolaires.


« Un sujet politique » selon David Belliard

Raphaëlle Rémy-Leleu, l’une des élues écologistes les plus critiques de Christophe Girard, n’a donc pas manqué d’ironiser sur le revirement d’Anne Hidalgo.

L’affaire avait fait voler en éclats la majorité municipale. « Il y avait 20 personnes (…), mais il y avait des pancartes qui étaient inadmissibles, “Bienvenue à Pédoland” et “Pédos en commun”, un détournement de notre logo de campagne [Paris en commun] », avait dénoncé Emmanuel Grégoire sur franceinfo. « Ça va être plus qu’une explication. Nous avons un problème, nous souhaitons clarifier les relations de travail, (…) il y a eu un manque de respect évident », a encore déploré le premier adjoint.

C’est « un sujet politique », avait rétorqué David Belliard, ancienne tête de liste Europe Ecologie-Les Verts aux municipales et adjoint aux transports de la maire de Paris, tout en condamnant « avec force » les pancartes et slogans « insultants et complètement inappropriés » dirigés contre la mairie de Paris.

« Nous ne sommes plus dans le contexte de 2014. Entre-temps, il y a eu #metoo, des sujets d’exemplarité, d’égalité femmes-hommes… Et nos élus sont à l’image de cette société qui bouge, de générations de militantes et de militants qui arrivent aujourd’hui sur les bancs d’une assemblée », avait fait remarquer David Belliard.

Mais jusqu’à présent, Christophe Girard siégeait toujours au Conseil de Paris. Sa mise en retrait suffira-t-elle à combler le fossé qui s’est creusé entre Anne Hidalgo et ses alliés écologistes ?

Alice Coffin, élue parisienne comptant parmi les figures de proue du mouvement contre l’ex-adjoint à la culture, a estimé dans Mediapart que cette affaire « réactive ce qu’il s’est passé en 2011 autour de l’affaire DSK » : « C’est frappant. Cela veut dire qu’en dix ans ils n’ont fait aucun travail, aucune remise en question. »

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