Agriculture : le Sénat rejette le budget du gouvernement

Agriculture : le Sénat rejette le budget du gouvernement

Ce jeudi, les sénateurs examinaient le budget alloué à l’agriculture par le gouvernement dans le projet de loi de finance 2018. Si Stéphane Travers peut se targuer d’un budget en hausse de près de 2% pour son ministère, les sénateurs estiment que l’effort est loin d’être suffisant compte tenu de la « fragilité » du secteur agricole.
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Par Alice Bardo

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« Une vision d’un certain nombre d’entre vous c’est noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » lance le ministre de l’Agriculture pour répondre aux critiques des sénateurs sur son budget. Et d’ajouter, comme deuxième clin d’œil à Johnny Hallyday : « Je veux vous inviter à avoir envie d’avoir envie d’une agriculture performante, dont nous soyons fiers, qui porte un certain nombre de principes, dont les Français doivent être fiers et qui porte la fierté du travail de l’ensemble des agriculteurs ».

« Une vision d’un certain nombre d’entre vous c’est noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » lance le ministre de l’Agriculture pour répondre aux critiques des sénateurs sur son budget
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Sur les bancs de l’hémicycle, personne n’est convaincu. Pour Alain Houpert (LR), « le budget ne traduit en aucun cas la nécessaire prise de conscience de la fragilité de l’agriculture française ». Le rapporteur spécial de la commission des finances estime même que « le budget agricole relève de l’insincérité budgétaire » malgré une hausse de presque 2%.

Pour Alain Houpert « le budget agricole relève de l’insincérité budgétaire »
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Un budget dans la « continuité » des précédents

L’une des critiques récurrentes est celle d’un budget dans la « continuité » des précédents. Une accusation dont se défend Stéphane Travers, qui souligne « des crédits en hausse pour la formation », « le maintien voire l’augmentation de ceux destinés aux organismes de recherche », ainsi que l’introduction d’une « provision pour aléas » à hauteur de 300 millions d’euros. Cette dernière constitue bel et bien une nouveauté destinée à faire face aux crises sanitaires et climatiques, mais pour Alain Houpert « il semble d’ores et déjà que cette provision sera absorbée par des dépenses tout à fait prévisibles, à commencer par les refus d’apurement des aides de la PAC par l’Union européenne ». Le sénateur socialiste Yannick Botrel (PS) confirme, et va même jusqu’à considérer que « l’apurement des aides européennes est susceptible d’absorber la totalité de cette ligne budgétaire ».

Pour Alain Houpert « il semble d’ores et déjà que cette provision de 300 millions d'euros sera absorbée par des dépenses tout à fait prévisibles, à commencer par les refus d’apurements des aides de la PAC par l’Union européenne »
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Par ailleurs, les sénateurs déplorent une diminution des crédits d’investissement, qui pourrait « mettre un coup fatal à l’objectif d’assurer la compétitivité de nos exploitations agricoles » selon Laurent Duplomb (LR).

Les crédits destinés à la recherche et à l’innovation cristallisent eux aussi l’inquiétude des sénateurs, qui pointent leur insuffisance compte tenu notamment de l’interdiction récente des néocotinoides et de la nécessité qui en découle de trouver des substances alternatives.

« L’État continue à soutenir l’agriculture bio »

Autre sujet, qui fait polémique depuis son annonce : celui de la suppression des crédits d’aide au maintien des agriculteurs biologiques, qui n’est « pas un bon signal » aux yeux de Jean-Claude Tissot (PS). La sénatrice communiste Céline Cukierman a déposé un amendement visant à les rétablir et a obtenu le soutien de la commission des finances, de celle des affaires économiques … et du gouvernement. « Cela permettra de démontrer que l’État continue à soutenir de l’agriculture bio », justifie Stéphane Travers pour expliquer son changement de position.

Concernant la formation, le Sénat salue des crédits « en hausse ». Une hausse de 3%, rappelle François Patriat. Céline Cukierman formule toutefois une réserve : « Nous apprécions les efforts budgétaires concernant la formation mais il ne faut pas transformer les agriculteurs en managers : la source du problème n’est pas là ! ». Pour Jean-Pierre Decool (Les Indépendants – République et Territoires), celle-ci se situe au niveau de « l’indécence » de leurs revenus. « Comment assurer des revenus dignes aux agriculteurs sans avoir les moyens adaptés ? » renchérit la sénatrice communiste.

« Une occasion ratée »

Les sénateurs s’inquiètent aussi de la suppression de la cotisation maladie des exploitants agricoles. Une mesure qui s’inscrit « dans le cadre d’une réforme structurelle portée dans le cadre du PLFSS », laquelle a conduit « le gouvernement à décider d’harmoniser le barème des agriculteurs indépendants avec celui des autres travailleurs » explique le ministre de l’Agriculture. « Le nouveau barème est progressif et donc plus social : il permettra un allégement des prélèvements sociaux pour 60% des agriculteurs en 2018 par rapport à ceux de 2017, et permet de mieux amortir toute baisse de revenus d’une année donnée », poursuit-il pour rassurer son auditoire.

Stéphane Travers : "Le nouveau barème est progressif et donc plus social : il permettra un allègement des prélèvements sociaux pour 60% des agriculteurs en 2018"
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Des amendements ont toutefois été déposés contre la suppression du fonds destiné à pendre en charge la hausse des cotisations sociales et leur adoption a permis la suppression de l’article qui la consacrait.

Enfin, la diminution des crédits alloués au fonds stratégique de la forêt et du bois a aussi fait l’objet d’un amendement visant à rétablir leur niveau de 2017. Une majorité de sénateurs a été convaincue.

« Le gouvernement a voulu faire naître l’espoir avec les États généraux d’alimentation, mais le budget 2018 est une occasion ratée », conclut Daniel Gremillet, vice-président de la commission des affaires économiques. Espoirs déçus, mais également « manque d’anticipation » du gouvernement sur certains aspects, telle la réforme de la PAC. « Comment cette anticipation se traduit-elle dans le budget 2018 ? », interroge le socialiste Franck Montaugé.

Pour toutes ces raisons, le Sénat a refusé de donner son aval pour l’adoption du budget agricole proposé dans le projet de loi de finance 2018.

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