Air France-KLM : Le nouveau directeur général Benjamin Smith fait son grand oral au Sénat

Air France-KLM : Le nouveau directeur général Benjamin Smith fait son grand oral au Sénat

Le nouvel homme aux commandes du groupe aérien a fait sa première apparition publique au Sénat. Situation économique et sociale de l’entreprise, impact des gilets jaunes, stratégie du groupe, privatisation d’ADP : l’ancien membre d’Air Canada a répondu pendant près de deux heures aux interrogations des sénateurs.
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C’est l’autre audition du jour, dans l’ombre de la commission des Lois et de ses travaux sur la commission Benalla qui reprennent cet après-midi. Les questions des sénateurs de la commission de l’Aménagement du territoire au nouveau directeur général du groupe Air France-KLM, Benjamin Smith, étaient elles aussi un évènement ce mercredi au palais du Luxembourg.

Plutôt discret depuis sa prise de fonctions le 17 septembre, le successeur Jean-Marc Janaillac, désavoué en mai dernier lors d’un référendum social, était très attendu pour sa première apparition publique, d’autant plus en face de parlementaires. La « mitraille photographique » du nouveau dirigeant de la compagnie aérienne n’a pas échappé à Hervé Maurey, le président de la commission. « Même le président de la République, dans mon beau département de l’Eure hier, n’a pas eu un tel succès médiatique. C’est dire combien sa présence ici est appréciée, remarquée et observée. »

Après une année 2018 marquée par un long conflit social au printemps pour Air France, la nouvelle direction a présenté devant les sénateurs les grands axes de sa stratégie pour le groupe, tout en abordant les prochains défis majeurs à venir : le projet de privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) ou encore les réflexions menées dans le cadre des Assises nationales du transport aérien.

Apaisement du climat social, après un printemps sous tension

En lisant un propos liminaire en français qui n’est pas sa langue natale, le Canadien a d’abord insisté sur la « résolution » du conflit salarial qui avait éclaté l’an dernier. « La signature de cet accord salarial intercatégoriel a permis un apaisement du climat social », s’est félicité Benjamin Smith. Le document prévoit une hausse des salaires de 2% en 2018, comme en 2019. Un autre accord avec les pilotes est encore en cours de négociation. Pour Benjamin Smith, qui a qualifié les discussions avec les pilotes « d’excellentes », la notion de « confiance » des salariés et le retour à un « environnement social » durable sont la priorité des priorités, et la condition sine qua non pour permettre au groupe de se développer et d’affronter ses concurrents.

Le conflit a fortement pesé sur les résultats du groupe. Les 15 journées de grève de février à mai 2018 ont causé un manque à gagner de 350 millions d’euros à la compagnie, dans un contexte international difficile. La concurrence des low cost et des compagnies du Golfe « ne faiblit pas », a insisté le directeur général, ajoutant à la liste le renchérissement du coût du kérosène sur les trois premiers trimestres.

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Les neuf samedis de mobilisation des gilets jaunes partout en France et leur impact sur les réservations a aussi été évoqué au cours de l’audition. « Ce n’est pas bon pour Air France, je ne peux pas vous dire le contraire », a répondu Benjamin Smith. « Tout ce qui peut être négatif en termes d’image entame notre attractivité. » La présidente d’Air France-KLM Anne-Marie Couderc, qui l’accompagnait, a précisé que le groupe était encore en train d’évaluer les conséquences financières, mais a néanmoins donné un ordre de grandeur. « On peut craindre que ce soit un impact de plusieurs millions d’euros sur le mois de décembre. »

Les espoirs du directeur général dans les Assises du transport aérien

Désireux de faire d’Air France-KLM « le groupe aérien le plus fort en Europe » et de le hisser « parmi les puissants du monde », le nouveau dirigeant d’Air France-KLM a également partagé ses attentes pour les Assises du transport aérien, qui s’étaient ouvertes en mars et dont les conclusions se font attendre. Son principal espoir : que les compagnies domiciliées en France « évoluent dans un environnement économique du même niveau » que celui des principaux concurrents européens.

« Le niveau des cotisations sociales en France et son absence de plafonnement constituent un handicap majeur en termes de compétitivité », a averti le Canadien, qui a aussi tiré à boulets rouges sur la « taxe Chirac » sur les billets d’avion. « La taxe de solidarité fait peser une charge injuste sur un secteur particulièrement exposé à la concurrence internationale », a-t-il prévenu.

Benjamin Smith s’est en revanche montré plus réservé sur les questions fiscales et l’une des questions nées aux origines du mouvement des gilets jaunes en matière de prix du carbone : faut-il taxer le kérosène ? « Est-ce qu’Air France va établir une position sur ces questions-là ? La réponse est non », a balayé un peu gêné le directeur général.

La privatisation des aéroports parisiens longuement évoquée au cours de l’audition

Un autre dossier brûlant d’actualité, et sensible au Sénat, est aussi revenu à plusieurs reprises dans les échanges : la question de la privatisation probable d’Aéroports de Paris. « Une éventuelle privatisation d’ADP ne saurait se faire se faire au détriment de la compétitivité », a répété Benjamin Smith, sans exprimer de préférence sur ce dossier qui sera tranché dans le débat parlementaire autour de la loi Pacte (il reprendra fin janvier au Sénat). Le « renforcement » du cadre de régulation, avec la création d’une autorité de supervision indépendante (sur le modèle de l’Arafer dans le ferroviaire) est sa principale demande.

Tout en regrettant les « temps d’attente » des passagers dans les aéroports parisiens, la nouvelle direction a réaffirmé son envie de voir le projet d’un quatrième terminal à Roissy-Charles-de-Gaulle se concrétiser, pour développer ce « hub » stratégique.

Interrogé sur le maintien des petites lignes domestiques, notamment par le sénateur (RDSE) Éric Gold, Benjamin Smith a assuré que l’engagement envers les régions d’Air France-KLM était « fort » mais que la « capacité de les servir était difficile ». « Les résultats du marché domestique ne sont pas acceptables du point de vue de la compétitivité, ni du point de vue financier », a-t-il expliqué, annonçant que des « ajustements » allaient être « nécessaires ».

L’absorption de la filiale Joon par Air France

Les conditions de la disparition de la dernière des compagnies à bas coût du groupe Air France-KLM ont été précisées. Née en 2017, la méconnue Joon sera absorbée dans Air France. « La multiplicité des marques a créé de la complexité et a sans doute affaibli la puissance de la marque Air France », a expliqué Benjamin Smith, qui plaide pour une meilleure « lisibilité » de l’offre, où sont déjà présents Hop ! et Transavia. Les appareils ne seront pas repeints avant un an et demi, a annoncé le directeur général, mais le personnel sera intégré dans Air France au cours des six prochains mois.

Problématiques environnementales et barrière de la langue

Durant la quasi-totalité de l’audition, Benjamin Smith a préféré répondre en anglais, sa langue natale, plutôt qu’en français, qu’il comprend malgré tout. La barrière de langue a toutefois créé une situation cocasse. Interrogé sur par le sénateur écologiste Ronan Dantec sur l’usage d’huile de palme dans les biocarburants, le Canadien a affirmé qu’il n’avait pas compris la question, voyant que sa réponse avait été mal accueillie par le parlementaire. « En tant que grand dirigeant international, vous ne pouvez pas ne pas avoir une position par rapport à l’utilisation de l’huile de palme dans le transport aérien », brocardait le sénateur de Loire-Atlantique.

C’est finalement Anne-Marie Couderc, qui est venue au secours du directeur général, en essayant de traduire pour lui le nom de l’huile controversée. « Nous sommes très attentifs à cette problématique », a cherché à rassurer la dirigeante, qui a indiqué que des « recherches complémentaires » étaient « en cours » et qu’un « comité spécial » avait été créé pour étudier la question. Regardez la séquence :

Audition de Benjamin Smith (Air France-KLM) : une question sur l'huile de palme mal comprise
02:59

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