Apprentissage : le plan de Muriel Pénicaud fait débat
Ce matin, Muriel Pénicaud lançait sa campagne sur les métiers de l’apprentissage au Musée des Arts et Métiers, à Paris. L’occasion pour la ministre du Travail de promouvoir son projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, qui sera présenté au Parlement dans quelques semaines.

Apprentissage : le plan de Muriel Pénicaud fait débat

Ce matin, Muriel Pénicaud lançait sa campagne sur les métiers de l’apprentissage au Musée des Arts et Métiers, à Paris. L’occasion pour la ministre du Travail de promouvoir son projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, qui sera présenté au Parlement dans quelques semaines.
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Par Alice Bardo / Sujet vidéo : Aurélien Romano

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Avec #DemarreTaStory, Muriel Pénicaud espère « casser les codes et idées reçues » sur l’apprentissage. « Ce sont les jeunes qui en parlent le mieux » a-t-elle expliqué ce matin au Musée des Arts et Métiers de Paris, à l’occasion du lancement de sa campagne sur les métiers de l’apprentissage.

Yves Marie Le Bourdonnec - Boucher
00:20

Grâce à ce hashtag, actuels et anciens apprentis peuvent témoigner de leur expérience en entreprise afin de montrer que « l’apprentissage est un vrai tremplin pour l’emploi ». En effet, d’après les données du ministère du Travail, 70% des apprentis trouvent un emploi dans les sept mois suivant leur formation. La voie de l’apprentissage pourrait donc permettre de lutter contre le chômage des jeunes Français, qui s’établit à près de 25%. « Tous les pays qui ont vaincu le chômage de masse des jeunes ont une grande filière d’apprentissage », assure Muriel Pénicaud, chiffres à l’appui. En effet, la France compte en seulement 400 000 apprentis, soit près de 7% des jeunes de 17 à 25 ans, contre environ 15% en Allemagne, où le taux de chômage des jeunes est largement inférieur (environ 8%).

Faire sauter les « verrous de rigidité du système »

Une communication bien rodée en vue du passage au Parlement, « dans quelques semaines », de son projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, qui contient, entre autres, une réforme de l’apprentissage. « Le but est que beaucoup plus de jeunes aient cette chance d’aller vers des métiers de passion et d’excellence » en faisant sauter les « verrous de rigidité du système » explique la ministre du Travail. Pour ce faire, elle a prévu une trentaine de mesures. Parmi celles-ci : la barrière de l’âge repoussée à 30 ans (elle était fixée à 25 ans jusqu’alors), une aide financière de 500 euros « pour payer une partie du permis de conduire » afin d’enlever le « frein à la mobilité géographique », la possibilité de moduler la durée du contrat d’apprentissage selon le niveau de qualification atteint par l’apprenti, l’augmentation de la rémunération (30 euros nets supplémentaires par mois pour les apprentis de 16 à 20 ans et une rémunération minimum au Smic pour ceux âgés de plus de 26 ans), ainsi que la possibilité d’entrée en apprentissage en cours d’année et non plus seulement entre septembre et décembre, ou encore celle de bénéficier du programme Erasmus.

Donner à l’apprentissage ses « lettres de noblesse »

La ministre veut « faire le buzz » en mettant l’apprentissage « sur le même plan que les autres voies » grâce à un travail « main dans la main avec la ministre de l’Enseignement supérieur et le ministre de l’Éducation nationale ». Si plusieurs gouvernements s’y sont essayés, en vain, Bernard Stalter est confiant car « on n’a jamais fait un grand plan comme celui qui est fait en ce moment ». « 700 000 emplois sont non pourvus dans l’artisanat car on n’a jamais donné ses lettres de noblesse à l’apprentissage », renchérit le président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Un argument dont fait également usage Muriel Pénicaud, qui souhaite « relier l’intelligence concrète et cérébrale » : « En France on croit toujours  que mains et cerveau ne fonctionnent pas ensemble. L’intelligence de la main, ça existe. » Et d’ajouter, en citant Thierry Marx : « D’abord faire pour apprendre. »

Un financement simplifié et national

Si redorer l’image de l’apprentissage ne peut que faire l’unanimité, il en est autrement s’agissant du financement de cette réforme, que la ministre veut simplifier et national. Le projet de loi prévoit de financer les centres de formation des apprentis (CFA) « au contrat », c’est-à-dire en fonction du nombre d’apprentis qu’ils accueillent alors que jusqu’à présent ceux-ci étaient financés en grande partie auprès des régions, grâce aux recettes qu’elles perçoivent au titre de la taxe d’apprentissage. De fait, Hervé Morin, président de l’Association des régions de France et de la région Normandie craint que cela se fasse au détriment des zones rurales : « Avec un tel système, les centres de formation seront suffisamment dotés là où la démographie est forte et, inversement, dans les milieux ruraux et semi-ruraux, les centres de formation qui ont moins d'élèves ne s'en sortiront pas.» Plus encore, il est allé jusqu’à dire au micro de Sud Radio, le 11 avril dernier, que cette réforme allait être « une catastrophe pour les territoires »

Une réforme « néfaste »

Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte D’Azur (PACA), a quant à lui demandé à la ministre de Travail de « se ressaisir », estimant que sa réforme était « néfaste ». Le 19 avril dernier, il lui a même adressé une lettre ouverte en réponse aux accusations que la ministre avait formulées à son encontre. Elle l’avait accusé de « prendre en otage les jeunes et les entreprises » en gelant les investissements dans les CFA de la région PACA. « Dois-je vous rappeler, Madame la Ministre, que c’est la réforme que vous portez qui m’a contraint à prendre ces mesures que je suis le premier à regretter ? », lui avait écrit Renaud Muselier.

Ce matin, la ministre lui a implicitement répondu : « Quelques régions, peu nombreuses, ont décidé éventuellement d’handicaper la rentrée pour des jeunes. J’appelle à la responsabilité et à l’intérêt général : en 2018 et en 2019 les régions auront plus d’argent pour l’apprentissage. Il n’y a jamais eu autant d’argent, en PACA par exemple, pour le faire. Et cette région n’utilise pas tout l’argent de l’apprentissage pour l’apprentissage. » Et d’ajouter, amère : « On ne peut pas handicaper l‘avenir de jeune et de l’entreprise pour des bisbilles institutionnelles. »

En outre, elle assure que « les compétences des régions en matière d’investissement seront maintenues et que leur compétence sera renforcée en matière d’orientation ».

« L’argent dévolu à l’apprentissage ne partait pas en totalité à l‘apprentissage »

Martin Lévrier : "La taxe d’apprentissage était excessivement dangereuse pour la gestion des UFA "
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Martin Lévrier, sénateur LREM des Yvelines, s’est voulu rassurant au micro de Public Sénat : « La taxe d’apprentissage était excessivement dangereuse pour la gestion des UFA (Unités de formation des apprentis) car c’est une recette sans facturation. Donc c’est une très bonne nouvelle pour les UFA et les CFA d’être facturés à leurs apprentis.  Les régions gardent une compétence d’orientation, qui est un des moteurs indispensables de l’apprentissage, et tout le suivi d’investissement pour UFA et CFA, donc elles ont un vrai rôle. »

Et d’ajouter, en écho aux propos tenus par la ministre du Travail ce matin : « Qu’elles soient inquiètes, je peux le comprendre, mais je suis plus dubitatif sur certaines régions qui se plaignent, car l’argent dévolu à l’apprentissage ne partait pas en totalité à l’apprentissage. » Les débats au Parlement s’annoncent animés.

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