Armées : le Sénat veut rendre les postes plus attractifs

Armées : le Sénat veut rendre les postes plus attractifs

À quatre jours de la Fête nationale, le Sénat alerte : les armées connaissent d’importantes difficultés de recrutement et de fidélisation. Le sénateur LR Dominique de Legge recommande dix mesures, dont la revalorisation des rémunérations, et appelle au renforcement de l’attractivité des postes militaires.
Public Sénat

Par Ariel Guez

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Après plus d’une quinzaine d’auditions et des déplacements au camp de Mailly-le-Camp, sur le porte-avions Charles-de-Gaulle et au centre d’instruction naval et force océanique stratégique de Brest, les sénateurs de la commission des finances ont rendu public, cet après-midi, leurs recommandations pour améliorer la condition militaire, qui, selon eux, est « une nécessité stratégique, opérationnelle et humaine ».

Le constat du rapporteur spécial de la commission des finances sur la gestion des ressources humaines dans les armées, le sénateur LR d’Ille-et-Vilaine Dominique de Legge, est alarmant. En effet, si le ministère des Armées ne rencontre pas de difficultés majeures à embaucher, le recrutement des militaires baisse en sélectivité d’année en année, et les viviers apparaissent de plus en plus fragiles. Les inaptitudes médicales plus fortes et l'augmentation des candidats ayant des antécédents judiciaires sont les causes données par les sénateurs pour expliquer cette fragilisation.

Le rapport sénatorial pointe un problème de fidélisation

Pourtant, les effectifs sont à la hausse depuis 2016 : le ministère des Armées recrute environ 26 000 militaires et civils par an, soit un renouvellement d’environ 10 % de ses effectifs budgétaires. Mais, le rapport sénatorial alarme sur la faible fidélisation des troupes. En 2016, plus de quatre soldats de l’armée de l’air sur dix n’ont pas renouvelé leur premier contrat. Ils étaient plus d’un tiers dans l’armée de terre. Seule la marine nationale semble être épargnée par ce phénomène de désamour, puisque plus de 85 % des marins ont prolongé leurs premiers contrats il y a trois ans, selon le Haut comité d'évaluation de la condition militaire, cité dans le rapport sénatorial.

 

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Les taux de non-renouvellements du premier contrat sont plus élevés dans l’armée de terre et l’armée de l’air que dans la marine nationale ces dernières années

Dans le même temps, la durée des contrats s’est réduite. Ceux de cinq ans ne représentent plus que 60 % des contrats initiaux des militaires du rang (qui ne sont pas officiers ou sous-officiers) en 2017, contre 77 % en 2010. Les contrats longs (plus de huit ans), se sont eux encore plus effacés : ils ne représentent plus que 0,5 % des contrats signés au sein des forces armées.

Si le rapport publié par Dominique de Legge ne fait que l’évoquer, les désertions en hausse témoignent aussi de la désaffection des jeunes soldats envers l’armée. En 2017, selon la Direction des affaires pénales militaires, citée par Le Monde, les désertions de l’armée de terre s’élevaient à 1 474 (sur 1 544 toutes armées confondues). Bien plus qu’en 2016 et ses 1 161 désertions (sur 1 213).

« Une réévaluation du niveau de rémunération paraît inéluctable »

« Des mesures indemnitaires visant à renforcer la fidélisation ont été prises, tournées vers certaines spécialités techniques. La mise en place à compter de 2019 de la prime de lien au service, spécifiquement crée pour faire face aux difficultés de fidélisation du ministère, constitue une évolution bienvenue », salue Dominique de Legge. Le sénateur et ses collègues de la commission des finances pointent le niveau de rémunération des militaires qui « apparaît faible », et dont « une réévaluation paraît inéluctable ».

Outre une revalorisation des rémunérations, les élus du palais du Luxembourg veulent améliorer le fonctionnement des centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA). Pour ce faire, les sénateurs veulent poursuivre la mutualisation des moyens de ces centres, ainsi que « l’optimisation de leur maillage territorial ».

Les élus relèvent notamment qu’en comparaison du niveau de vie annuel moyen des ménages, toutes CSP confondues, celui du ménage dont la personne de référence est militaire est inférieur de 6,8 %, tandis que lorsque la personne de référence est un fonctionnaire civil de l’État, le niveau de vie du ménage est supérieur de 12,3 %.

« Améliorer la condition militaire pour renforcer durablement la fidélisation des effectifs »

Mais surtout, ce sont les conditions de vie des militaires qui sont pointées par le rapport sénatorial. Le métier de militaire est synonyme d'importants sacrifices pour les soldats dans leur vie privée et les élus du palais du Luxembourg en sont conscients. Ils pointent la forte mobilité géographique qu'imposent les missions militaires et les difficultés de logement qu'elles impliquent. Les élus de la commission des finances mettent notamment en lumière la marine nationale, « qui fait face à des difficultés particulières en matière de conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle ».

Dominique de Legge et ses collègues appellent ainsi à lancer une réflexion visant à « limiter la mobilité aux strictes nécessités opérationnelles et à en atténuer au maximum les effets néfastes pour le personnel en privilégiant des bassins géographiques proches ». Ils souhaitent également « accroître le parc de logements du ministère des Armées et optimiser sa gestion en la ciblant sur les personnels connaissant une forte mobilité ». Concernant les marins, les sénateurs recommandent d'augmenter le nombre de bâtiments aux contraintes particulièrement fortes disposant de doubles équipages.

Aussi, le rapport sénatorial pointe les dépenses de personnel du ministère des Armées, « qui en 2018 ont été inférieures de 211 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale », indiquent les sénateurs. Les élus invitent donc à réévaluer la pertinence de l'architecture budgétaire du ministère des Armées, en « privilégiant des estimations fondées sur les exercices passés et les mouvements RH observés, plutôt que sur un modèle purement prévisionnel » et appellent à « poursuivre l'amélioration de la gouvernance RH du ministère »

Si les militaires seront mis à l'honneur dimanche prochain lors des différents défilés à l’occasion de la Fête nationale du 14 juillet, de plus en plus d'entre eux ressentent un désamour pour leur métier. Une étude de 2017 montrait même que 62 % des militaires de carrière interrogés envisagent de rendre de leur uniforme.

 

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