Arrêt de la rénovation urbaine : Jean-Louis Borloo veut une commission d’enquête

Arrêt de la rénovation urbaine : Jean-Louis Borloo veut une commission d’enquête

Auditionné au Sénat sur la politique de la ville, l’ancien ministre de Jacques Chirac et fondateur de l’UDI est sorti du silence et n’a pas ménagé ses coups à l’égard des hauts fonctionnaires du ministère des Finances et contre le trou d’air qu’a connu la rénovation urbaine jusqu'en 2018. Il espère une commission d’enquête parlementaire.
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Il est de ceux dont la parole s’est raréfiée et dont la voix « compte ». Retiré de la vie politique en 2014, Jean-Louis Borloo, l’ancien ministre de Jacques Chirac qui a eu comme portefeuilles successifs la Ville, l’Emploi ou encore l’Écologie, s’était fait très discret ses derniers temps. Notamment depuis l’enterrement d’une large partie de son rapport au printemps 2018, qui listait une série de mesures ambitieuses pour les quartiers et les territoires défavorisés. « Vivre ensemble, vivre en grand pour une réconciliation nationale », c’était le nom de l’ensemble de ses 19 programmes.

L’ancien maire de Valenciennes a fait son retour ce mercredi, devant la commission des Affaires économiques du Sénat, qui avait en quelque sorte choisi un invité d’honneur pour sa première audition de l’année. À gauche, à droite, comme chez les sensibilités du centre, la plupart des sénateurs ont apprécié cet échange « franc » et direct. La fin de l’audition, une fois n’est pas coutume, s’est même conclue sur des applaudissements. « Je ne sais pas si l’État vous manque mais vous manquez à la République », a envoyé la présidente de commission Sophie Primas (LR). « Cette année, il faut vraiment qu’on t’entende plus fort », lui conseille l’écologiste Joël Labbé.

« Ça mérite une analyse. Une enquête parlementaire. »

Jean-Louis Borloo, qui ignorait que l’audition était enregistrée et faisant l’objet d’une publicité, a précisé qu’il n’était pas « dans un agenda politique », et qu’il n’était pas là pour créer la polémique. Les propos, un peu décousus, ont pourtant été décapants. Principale indignation de celui qui, en son temps, avait lancé un large plan de cohésion sociale : le trou d’air qu’a connu jusqu'en 2018 l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) dans la conduite des programmes de réhabilitation de quartiers sensibles. Dans son rapport en 2018, Jean-Louis Borloo s'indignait d'une politique à l'arrêt depuis quatre ans, accusant la « bureaucratie » d’avoir « progressivement pris le pas sur la dynamique de projet ». Ce mercredi, il revient sur la question : « Comment un dispositif, voté à l’unanimité des sénatrices et des sénateurs, voté à l’unanimité des députés, saluée par les mamans des quartiers, les jeunes, les maires, les présidents d’agglomération, 100 % des organismes HLM, comment cette décision de la nation française a-t-elle pu s’arrêter sans que personne ne l’ait jamais décidé ? » Très remonté contre le coup d’arrêt porté à ce programme, l’ancien ministre a demandé aux parlementaires de se saisir de la question. « Ça mérite une analyse. Une enquête parlementaire. »

Pour autant, pas question pour lui d’accabler un gouvernement en particulier, ni de désigner des « coupables ». Simplement de chercher les causes du dysfonctionnement. Principal problème selon lui : la méthode, la gouvernance et la mise en œuvre de la volonté politique. « Il y a une telle dispersion des moyens ou des capacités de décision qu’il est très compliqué d’avoir une action opérationnelle. Aucune action publique n’a moins de sept acteurs […] Il y a un furieux problème de conduite de l’action publique ».

Bercy et ses « petits hommes gris »

L’ancien ministre a surtout déploré, à plusieurs reprises, la puissance du ministère des Finances, de son administration et des impératifs budgétaires. « Si on ne décortique pas ce qu’il s’est passé, la solution proposée sera combattue par les petits hommes gris, qui sont plus nombreux que vous », a-t-il mis en garde.

S’il refuse de chercher des boucs émissaires – « je n’ai pas d’enjeux […] je ne m’adresse pas à ce gouvernement-là » – Jean-Louis Borloo déplore quand même le manque d’ambition actuel pour réduire les fractures territoriales et l’exclusion sociale et économique de « dix millions de personnes ». Les coups sont portés, mais avec retenue. « Sur la politique de la ville, on ne sait plus qui est le pilote dans l’avion, et les moyens n’apparaissent pas à la hauteur des enjeux », regrette-t-il. Un an après le point d’orgue du mouvement des gilets jaunes, le centriste qui appelait à mettre le paquet pour les quartiers prioritaires comme pour les zones rurales, relève également un changement de philosophie par rapport aux années 2000 et les gouvernements Raffarin et Villepin (LR). « Chaque lundi, Thierry [Thierry Breton, ministre de l’Économie en 2005, NDLR] et ses équipes traversaient la Seine pour aller chez les pauvres, les ministères sociaux, les dépensiers comme on disait à Bercy, pour voir avec nous l'ensemble des investissements que la nation devait faire sur le champ humain », raconte Jean-Louis Borloo. 

« Je n’ai pas à commenter celui qui m’a commandé le rapport »

Dans cette querelle budgétaire, le fondateur de l’UDI estime que les moyens qui seront fléchés vers les territoires en déshérence seront un « investissement ». Source de croissance et d’économies, expliquant qu’il était « ruineux » de laisser des quartiers en mauvais état, et de laisser déraper la facture. Il en va également de « l’équité territoriale » dans des territoires qui sont des « sas de notre République », selon ses mots.

Interrogé sur le sort de son rapport et sur les arbitrages de l’exécutif pour les banlieues, et son silence qui a suivi cette époque, Jean-Louis Borloo a invoqué une sorte de respect institutionnel. « Je n’ai pas à commenter celui qui m’a commandé le rapport. Je trouve qu’un peu d’hygiène républicaine ne fait pas de mal ». Et une sorte de bienveillance. « Il faut toujours laisser sa chance au produit. On a juste perdu un peu de temps. »

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