Magistrat spécialiste du droit des enfants, cela fait 20 ans que le juge Edouard Durand se dédie corps et âme à la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs. Si les enfants sont plus considérés qu’ils ne l’étaient à l’époque, l’écart entre les plaintes et les condamnations reste criant. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit le magistrat Édouard Durand, dans « Un monde un regard ».
« Ascoval : la bataille de l’acier » : Un an, au cœur de l’aciérie aux côtés des ouvriers
Par Pierre Bonte-Joseph et Yanis Darras
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L’envie de faire ce film, est née comment ?
Ce film est arrivé un peu par hasard. J’étais parti pour faire un film sur une usine qui allait fermer, celle d’Ascoval à Saint-Saulve dans le Nord. Miraculeusement, l’usine a survécu et j’ai transformé l’idée de départ du film, en estimant que c’était plus intéressant de faire un documentaire sur la survie de l’usine plutôt que sur sa mort. L’intrigue a alors changé et a soulevé une nouvelle question : est-ce que la désindustrialisation en France est une fatalité ? Et toute l’histoire de cette usine pose la question du sauvetage du travail et de cette lutte contre la désindustrialisation. Est-ce qu’il y a une fatalité à ça ? S’il n’y a pas encore de réponse à cette interrogation, moi, je suis sûr que non. Tôt ou tard on aura besoin de nouveau de produire localement de l’acier. On ne pourra pas continuer à transporter de l’acier de Chine.
Qu’est-ce qui vous a le plus fasciné durant votre tournage : le combat des ouvriers ou l’usine en elle-même ?
Ce que j’ai trouvé fascinant, c’est l’enthousiasme et l’amour des gens pour leur travail. On a toujours l’impression qu’aller à l’usine, c’est difficile. Et pourtant, j’ai rencontré des gens passionnés par leur travail, heureux et terrorisés à l’idée de le perdre… Ce sont des gens qui ont un amour profond pour leur travail et c’est pour ça qu’ils se battent et ils se battront jusqu’au bout. Il y a une grande fierté parmi les ouvriers. D’autant qu’ils font un travail qui est hautement qualifié, car c’est extrêmement difficile de faire un acier de haute qualité. Je pense que l’amour qu’ils ont pour leur travail est incompréhensible si on ne va pas sur place, voir et un peu le toucher. Et c’est justement ce que j’ai essayé de faire à travers ce film.
« En réalité, dans la technostructure de Bercy, il y a des personnages qui ont joué un double jeu et qui n’ont pas soutenu autant le projet de reprise qu’ils le devaient. »
Dans le film Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, dénonce le double discours de l’État, qui en apparence soutient le projet de reprise d’Ascoval, mais qui ne ferait pas pression sur Vallourec pour qu’elle facilite la reprise de l’usine par un tiers… vous vouliez montrer la duplicité de l’État ?
Je raconte des choses très factuelles. Il se trouve que Bruno Lemaire s’est engagé, assez sincèrement selon moi, à soutenir cette industrie. Mais le personnel de l’entreprise a fini par se rendre compte qu’il y avait des grains de sable dans la machine et que finalement, ça ne fonctionnait pas. En réalité, dans la technostructure de Bercy, il y a des personnages qui ont joué un double jeu et qui n’ont pas soutenu autant le projet de reprise qu’ils le devaient. Encore une fois, ce n’était absolument pas prévu à l’origine mais il ne s’agit que d’un simple cas d’école, et je suis tombé dessus.
Qu’est-ce que vous garderez de ce tournage, comme image forte ?
Je garderai comme image forte, l’acharnement de ces hommes et de ces femmes, à garder leur travail, à garder ce savoir-faire. C’est un très bel exemple d’acharnement et un très bel acte d’amour envers son usine. On dit souvent que les Français ne veulent plus travailler. Avec les salariés d’Ascoval, j’ai vu l’opposé. J’ai été fasciné par cette usine à laquelle les salariés sont attachés. Elle vit : il y a le bruit, la chaleur. C’est aussi un des personnages de mon film.