Asile: six semaines pour trouver un « équilibre » au sein de la majorité

Asile: six semaines pour trouver un « équilibre » au sein de la majorité

Enfin en possession du projet de loi asile et immigration, les députés de la majorité ont six semaines, d'ici au début des débats parlementaires...
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Par Fabrice RANDOUX

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Enfin en possession du projet de loi asile et immigration, les députés de la majorité ont six semaines, d'ici au début des débats parlementaires, pour trouver avec le gouvernement un "équilibre" sur ce texte, le premier à les bousculer depuis le début du quinquennat.

Après le passage en conseil des ministres, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb se rend dans l'après-midi devant les groupes LREM et MoDem, où sa ligne de fermeté crée des remous depuis deux mois, pour présenter son texte visant à réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile et à faciliter la reconduite à la frontière des déboutés.

Dans la foulée des polémiques sur la circulaire visant à recenser les migrants dans les centres d'hébergement d'urgence, un premier pic de tension entre le ministre et les élus était intervenu avant Noël.

Des migrants kurdes et afghans dorment dans un gymnase de Grande-Synthe, dans le Nord, le 7 février 2018
Des migrants kurdes et afghans dorment dans un gymnase de Grande-Synthe, dans le Nord, le 7 février 2018
AFP/Archives

M. Collomb avait alors dû renoncer à la notion contestée de "pays tiers sûr" permettant de renvoyer un candidat à l'asile vers un pays de transit. Lors d'une séance de questions au gouvernement le 19 décembre, il s'était fait interpeller de manière inhabituellement incisive par une députée LREM, Sonia Krimi, elle-même émigrée de Tunisie.

"Les centres de rétention deviennent des centres de détention et sont indignes de notre République", avait-elle lancé, alors même que le projet de loi prévoit l'allongement de la durée maximale de rétention administrative avant une expulsion.

Le texte "pose une difficulté majeure qui est celle du ressenti de chacun par rapport à des parcours de vie", avait alors commenté le député Sacha Houlié, soulignant que le groupe LREM réunit "des policiers, des membres d'associations, des psychiatres, des avocats..."

En janvier, le ministre a continué à travailler au corps les députés, les recevant en petits groupes et intervenant lors du séminaire LREM de rentrée, puis devant le groupe fin janvier.

Le ministre français de l'Intérieur Gérard Collomb à Maris, le 14 février 2018
Le ministre français de l'Intérieur Gérard Collomb à Maris, le 14 février 2018
AFP

Mais en dépit de cette "pédagogie intensive", une nouvelle montée de tension a eu lieu lors du vote la semaine dernière d'une proposition de loi facilitant la rétention des étrangers "Dublin", du nom du règlement européen qui confie le traitement d'une demande d'asile au premier pays où la personne a été enregistrée.

Une dizaine de députés LREM ont pris la parole en séance pour critiquer le vote "conforme", comme le souhaitait le gouvernement, d'un texte qui avait été durci par le Sénat. "Il n'est pas interdit de mettre un peu d'humanité dans un texte de loi", a lancé ainsi Jean-Michel Clément (ex-PS).

Pour tenter de réunir ces différentes sensibilités, les commissaires aux Lois ont choisi de désigner comme rapporteure une ancienne socialiste et avocate engagée dans le milieu associatif, Elise Fajgeles.

- 'Sortir des postures' -

Avant le début de l'examen en commission début avril, puis en séance mi-avril, Mme Fajgeles compte se livrer "à un mois intense d'auditions (magistrats, avocats, policiers, associations, etc) ouvertes à tous les députés de tous les groupes".

"A partir du moment où on prend le temps de s'approprier les enjeux, les procédures, les chiffres, on sort des postures et la tension va baisser", prédit-elle.

Elle se réjouit déjà qu'Edouard Philippe ait annoncé son intention de reprendre "les grands axes des propositions" du rapport remis lundi par Aurélien Taché (LREM) sur l'intégration des étrangers: il plaide notamment pour un doublement des heures de français et un meilleur accompagnement vers l'emploi et le logement.

Mais la rapporteure "entend qu'il y a un vrai doute" sur plusieurs points, comme la crainte que la réduction des délais se fasse au détriment des droits du demandeur d'asile.

Autre point "problématique" selon Matthieu Orphelin, l'allongement du délai maximal de rétention de 45 à 90 jours. "S’il devait être confirmé, il devrait s’accompagner obligatoirement d’une évolution en profondeur des conditions de rétention" qui ont choqué nombre de députés ayant visité ces centres récemment, prévient-il.

Néanmoins, la majorité n'a guère de doute qu'elle parviendra au final à trouver un "compromis ambitieux", selon Matthieu Orphelin, car c'est "dans l'ADN d'En marche". "Nous sommes capables de nous rassembler une fois qu'une décision a été prise sur la ligne que nous définissons collectivement", assure la présidente de la commission des Lois Yaël Braun-Pivet.

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