Au Pontet, le Front national en terrain conquis
Le Pontet, banlieue d'Avignon dirigée par le FN depuis trois ans. Ici, l'extrême droite fait campagne en terrain conquis, sur des terres où s...

Au Pontet, le Front national en terrain conquis

Le Pontet, banlieue d'Avignon dirigée par le FN depuis trois ans. Ici, l'extrême droite fait campagne en terrain conquis, sur des terres où s...
Public Sénat

Par Francois BECKER

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Le Pontet, banlieue d'Avignon dirigée par le FN depuis trois ans. Ici, l'extrême droite fait campagne en terrain conquis, sur des terres où s'expriment à haute voix un sentiment de déclassement et du ressentiment envers les musulmans.

"Les musulmans, il y en a trop! On a été envahis", s'exclame Jean-Louis Vidal, 62 ans, qui saisit un tract pour Marine Le Pen, sur la vaste place sans charme où se tient le marché.

Des partisans du FN distribuent des tracts de campagne sur un marché au Pontet le 9 mars 2017
Des partisans du FN distribuent des tracts de campagne sur un marché au Pontet le 9 mars 2017
AFP

En ce jour de mars, les marchands de saison qui écoulent les premières fraises de Carpentras voisinent avec les stands de vêtements dégriffés, dont l'un vend des voiles islamiques sous blister, généralement tenus par des commerçants d'origine maghrébine. Ce mélange, des électeurs du Front national ne le supportent plus.

"J'aime pas tout ce qui est voilé", s'exclame Thierry Leroy, 52 ans, qui tient un bar-loto. "Faut virer cette racaille, les drogués, les machins..." ajoute ce commerçant qui votera Marine Le Pen, les yeux fermés: "A côté d'elle, il y a que des tocards".

"On est très bien accueillis", se félicite Patrick Suisse, élu municipal FN, qui souligne n'avoir "aucun problème" avec les différentes communautés.

- 'Sentiment d'abandon' -

Le Vaucluse est un terrain fertile pour le FN, depuis l'époque de Jean-Marie Le Pen déjà. Sa petite-fille, Marion Maréchal-Le Pen, élue députée, s'y est implantée. Au Pontet, le maire Joris Hébrard a été élu sur le fil en 2014, puis réélu dès le premier tour après l'annulation du premier scrutin.

"On n'est pas des politiciens de premier plan", explique l'élu, un kinésithérapeute de 35 ans. "On est tout d'abord des élus de terrain qui soutiennent Marine Le Pen."

Le maire du Pontet Joris Hébrard visite le quartier du Camp Rambaud, le 9 mars 2017
Le maire du Pontet Joris Hébrard visite le quartier du Camp Rambaud, le 9 mars 2017
AFP

Christèle Marchand-Lagier, spécialiste du FN à l'université d'Avignon, connaît bien ces élus "issus de la société civile qui tirent profit du "fort ressentiment" envers les politiques traditionnels.

"Derrière les propos" xénophobes ou anti-musulmans des électeurs du Pontet, "il y a souvent autre chose": "un sentiment de relégation à la périphérie, d'abandon", explique-t-elle à l'AFP.

Si le FN attire, c'est que, déçus de la droite et de la gauche, "les gens essaient juste de changer", abonde Etienne Marcel, 86 ans. Au Pontet, "le maire FN a été le premier à écouter les gens": avant, "des notables" dirigeaient la ville, analyse cet électeur proche du PS.

Derrière les cheveux gris de cet ancien de l'usine Saint-Gobain pointe de la nostalgie, quand il évoque les commerces qui ont fermé dans le centre-ville. "Avant il y avait des épiceries, des boucheries, des marchands de chaussures, tout ça a disparu", témoigne également Patrick Suisse. A la place, un hypermarché a poussé.

- 'Quelqu'un à poigne' -

Avec ses zones commerciales et sa prison, Le Pontet ne peut rivaliser avec sa voisine Avignon et la splendeur gothique de son Palais des Papes. La ville comporte plusieurs quartiers déshérités, immeubles décatis et voirie vieillie. Le chômage et la pauvreté sont supérieurs de plus de cinq points à la moyenne nationale - mais moins élevés qu'à Avignon.

Le vote Front national en France
Le vote Front national en France
AFP

Le Pontet n'est cependant pas abandonné: des industries tournent, dont l'usine de soupe Liebig, l'une des plus grandes d'Europe. Placée en zone de sécurité prioritaire (ZSP), la ville a bénéficié de renforts de forces de l'ordre. Le boulodrome couvert, climatisé l'été et chauffé l'hiver, témoigne d'années fastes.

Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, députée FN, le 9 juillet 2016 lors d'une réunion politique au Pontet
Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, députée FN, le 9 juillet 2016 lors d'une réunion politique au Pontet
AFP/Archives

Chaque jour, s'enorgueillit Guy Barbereau, un "historique" du lieu, une centaine de boulistes se retrouvent sous l'imposante charpente de bois. Bien moins qu'avant, grincent d'autres anciens.

Ici aussi, le discours du FN porte. Ce parti "dit la vérité: le tchador, il faut pas le porter" lâche, de la colère dans la voix, Yves, un chauffagiste à la retraite, en empochant quatre euros remportés en taquinant le cochonnet. "On est en France, il faut qu'ils respectent le pays", ajoute ce pied-noir d'Algérie, qui dit vivre avec une pension de 600 euros par mois. Pour "remettre de l'ordre", "il faut quelqu'un à poigne à l'Elysée", ajoute Michel Rufinatto, 78 ans.

Les boules à la main, Saad, 55 ans, né d'un père algérien et d'une mère française, "s'attriste" de ces discours. "Marine Le Pen, ça m'embêterait qu'elle passe. Mais en même temps, je voudrais qu'elle passe pour que les gens voient le résultat."

Partager cet article

Dans la même thématique

Capture
5min

Politique

Un accord de libre-échange entre la Chine et l'Union européenne serait "extrêmement dangereux" pour cette eurodéputée

Scandale Shein, restrictions sur les terres rares, déferlement d'exportations sur le Continent : ces dernières semaines ont fourni aux européens de nombreux motifs d'inquiétude dans leur relation avec Pékin. Alors que Donald Trump a scellé un accord d'un an avec le président Xi Jin Ping, l'UE semble sur le banc de touche. Un sursaut est-il possible ? Ou bien sommes-nous condamnés à rester à la remorque de la Chine ? Débat dans "Ici l'Europe" avec les eurodéputés Sandro Gozi (Renew, France) et Estelle Ceulemans (S&D, Belgique).

Le

Photo Cazeneuve
11min

Politique

Attentats du 13 novembre 2015, le récit de Bernard Cazeneuve : « Très vite, on a conscience que nous sommes confrontés à une attaque de grande ampleur »

ENTRETIEN - Dix ans après les attentats de Paris et de Seine-Saint-Denis, qui ont coûté la vie à 130 personnes, l'ancien ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, revient auprès de Public Sénat sur cette nuit de terreur, et la gestion de crise aux côtés du Président de la République et du Premier ministre.

Le

Au Pontet, le Front national en terrain conquis
3min

Politique

« Il n’y a aucune délinquance dans les écoles de musique », affirme le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus

Il est sans conteste le maestro français le plus célèbre de sa génération. A 92 ans, Jean-Claude Casadesus continue de remplir les plus belles salles du monde sans jamais renier son attachement à la région du Nord. Lui qui a créé puis dirigé l’orchestre national de Lille, s’est engagé toute sa vie pour rendre la musique classique accessible à tous. Invitée de Rebecca Fitoussi dans Un monde, Un regard, Il revient sur son immense carrière marquée par la passion et le partage.

Le

Paris: Senate pension debat
6min

Politique

Retraites : la gauche du Sénat désunie sur la suspension de la réforme

A partir du 19 novembre, le Sénat examinera en séance publique le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et sa mesure phare : la suspension de la réforme des retraites. Une concession du gouvernement faite au PS qui n’a aucune chance d’être adoptée à la haute assemblée à majorité de droite. Les socialistes ne devraient également ne pas être suivis par les communistes et écologistes sur le vote de cette mesure.

Le