Audition du DG de Google France : les questions restées sans réponse des sénateurs

Audition du DG de Google France : les questions restées sans réponse des sénateurs

Droits voisins, revenus publicitaires, algorithmes… La commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias n’a pas obtenu, tant s’en faut, toutes les réponses à ses questions lors de l’audition du DG de Google France, Sébastien Missoffe.
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Des questions et pas beaucoup de réponses. « Allez, ce sera ma dernière tentative », conclut sans grand espoir, David Assouline, le rapporteur socialiste de la commission d’enquête sur la concentration des médias qui auditionnait le directeur général de Google France, Sébastien Missoffe.

« Chacun des éditeurs avec lequel on travaille va avoir un montant qui est basé sur l’audience »

Au cœur des interrogations de l’élu : le montant du prochain accord que doit conclure le géant d’Internet avec les éditeurs de presse en application de la loi sur les droits voisins. En 2019, la France est le premier pays de l’Union européenne à appliquer la directive européenne. Elle prévoit le versement de droits par les plateformes numériques qui utilisent des extraits d’articles de presse, notamment sur leurs portails d’actualité qui indexent automatiquement du contenu. Google a tardé à appliquer la loi et est encore en négociations avec l’Alliance de la presse d’information générale (Apig). Ce retard pris, qui pourrait passer pour de la réticence, a conduit l’Autorité de la concurrence à lui infliger une amende de 500 millions d’euros.

« On a fait une loi, qui selon le montant (de l’accord), peut être complément inopérant. Êtes-vous prêt à rendre public le montant quand l’accord sera conclu ? ça, c’est de la transparence démocratique. », interroge franchement David Assouline après plusieurs tentatives.

« On s’inscrit dans le cadre du droit d’auteur et chacun des éditeurs avec lequel on travaille va avoir un montant qui est basé sur l’audience », élude Sébastien Missoffe qui compare avec les droits d’auteur de la musique. « Je peux vous dire qu’un artiste ne veut pas savoir ce que gagne l’autre. Ce sont des informations qu’il considère comme confidentielles puisqu’elles parlent de leur audience. Il y a un sujet de concurrence entre les uns et les autres ».

Laurent Lafon, le président centriste de la commission d’enquête, tente sa chance. « Nous avons été surpris du montant de l’amende, 500 millions d’euros, que vous avez payée. Alors qu’en passant des accords avant, vous auriez pu éviter de la payer […] Les enjeux financiers doivent être considérables »

Sébastien Missoffe réfute toute mauvaise volonté de la part de Google et rappelle que la loi sur les droits voisins est rétroactive. « Le paiement qui aura lieu reviendra jusqu’au mois d’octobre 2019 ».

En ce qui concerne les autres chiffres, on apprend qu’à l’échelle européenne, 8 milliards de clics par mois renvoient les internautes à des sites de médias ». Pour autant, le DG de Google, comme son collègue de Facebook auditionné jeudi, estime que son entreprise n’est pas un média, mais un hébergeur. « Sur le moteur de recherche, on ne cherche pas l’info, on cherche où la trouver », insiste-t-il.

3,2 milliards de recettes publicitaires sur le « search » en 2021

Dans ce partenariat avec Google, les éditeurs de presse en tirent des revenus publicitaires. « En 2021, la publicité digitale totale en France représente 7,7 milliards dont 3,2 milliards sur le « search » où Google est dominant. Une estimation qui était de toute façon publique. « Pourquoi on ne peut pas avoir de chiffres vraiment validés ? » demande Laurent Lafon. La raison est simple, elle est géographique. Des annonceurs étrangers sont présents en France et vice-versa. « Il y a des flux entrants et sortants sur cette publicité », explique le patron de Google France. « Il y a quand même un enjeu fiscal », rappelle David Assouline.

« C’est le débarquement d’un nouveau monde sur un continent ancien »

La façon dont Sébastien Missoffe répond aux questions finit par inspirer le sénateur LR, Jean-Raymond Hugonet. « Ça me fait penser à la série Les Envahisseurs […] Votre présentation est très policée, très lisse, sur laquelle ne dépasse aucune aspérité […] ça donne le sentiment qu’il y a un formatage d’une idée géniale qui se place bien au-dessus de nos réflexions […] C’est le débarquement d’un nouveau monde sur un continent ancien. Nous, nous écrivons la loi. Vous, vous inventez l’avenir. Il faut que les deux se rencontrent ».

Algorithmes : la muraille de Chine

Le dernier sujet essentiel sur lequel Sébastien Missoffe ne peut rien dire concerne les algorithmes de Google qui conduisent à la hiérarchisation des contenus et donc de l’information sur le moteur de recherche. « Ce sont des équipes d’ingénieurs qui sont dédiés à ce travail-là et avec lesquels je n’ai aucun lien. C’est une muraille de Chine pour faire en sorte que les interactions que nous avons au quotidien avec un certain nombre d’acteurs n’aient aucune influence sur les résultats qui sont présentés sur le moteur de recherche. C’est le cœur de la confiance », explique-t-il.

En ce qui concerne précisément les requêtes d’information, « le principe c’est d’utiliser le moins de données possible, nous utilisons très peu de données personnelles », assure le dirigeant. Quels autres facteurs conduisent à la hiérarchisation de l’info ? « Je ne sais pas puisqu’il y a une muraille de Chine », rappelle-t-il, évoquant des critères comme le nombre de personne qui ont été sur la page, qui ont lu l’article jusqu’au bout, le fait que cet article soit cité par d’autres articles.

Et comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, David Assouline et Laurent Lafon font le test en direct. « Probablement, Laurent Lafon a secrètement la même sensibilité politique que moi car nous avons les mêmes résultats qui remontent », en sourit le rapporteur.

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