Augmentation du salaire des enseignants : un engagement pour quelles contreparties ?

Augmentation du salaire des enseignants : un engagement pour quelles contreparties ?

Jean-Michel Blanquer a annoncé « un effort considérable de la nation sur les quinze prochaines années » pour augmenter le salaire des enseignants. Le ministre entend ainsi compenser le manque à gagner que va entraîner la réforme des retraites. Les organisations syndicales demandent des gages et craignent des contreparties, comme l’augmentation de leur temps de travail.
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Les enseignants vont-ils être les grands perdants de la réforme des retraites ? Avec des études relativement longues et un niveau de rémunération au bas de l’échelle de la catégorie A de la fonction publique, leurs pensions subiraient de plein fouet les changements à venir dans le calcul des retraites (voir notre article). « Sans compensation, le manque à gagner se situerait entre 300 et 800 euros par mois » calcule Frédérique Rolet, secrétaire générale du SNES-FSU.

Début décembre, l’exécutif promettait d’engager une « revalorisation salariale » en parallèle de la mise en place du système universel de retraites. Mais à une semaine des premières épreuves du nouveau baccalauréat, contesté par la quasi-totalité des syndicats, le gouvernement a bien compris que la période était propice pour clarifier (au moins un peu) le cadre de cette revalorisation. Après avoir achevé un premier cycle de concertations avec les organisations syndicales, Jean-Michel Blanquer a annoncé des augmentations de salaire dès 2021.

Entre 70 et 90 euros par mois d’augmentation dès 2021 pour les jeunes professeurs

« Ça touchera plus particulièrement les plus jeunes des professeurs (…) Nous avons un rattrapage à faire puisque ça fait longtemps, une trentaine d’années qu’il y a eu une dégradation du pouvoir d’achat des professeurs » a assuré le ministre de l’Éducation. Jean-Michel Blanquer a précisé que cette hausse pourrait être comprise entre 70 et 90 euros par mois pour un jeune professeur qui débute. « Un professeur qui commence aujourd’hui, il est à 1600 euros (net) mensuels environ, ce n’est pas assez, vu le niveau d’études » a-t-il souligné.

Selon la volonté du gouvernement, ces augmentations de salaires ne se limiteront pas uniquement à l’année prochaine. Dans le cadre de la négociation avec les partenaires sociaux, une loi de programmation sur les revalorisations doit être soumise au Parlement d’ici le mois de juin. Après les 500 millions consacrés à ces hausses de salaires dans le budget 2021, les revalorisations sont censées se poursuivre années après années pour atteindre environ 10 milliards à l’horizon 2037 et toucher l’ensemble du corps enseignant. Les syndicats plaident, eux, pour un processus cumulatif et non pas simplement une enveloppe de 500 millions chaque année. L’UNSA éducation calcule l’effort à 76 milliards sur 16 ans. Un chiffre à mettre à comparer aux 53 milliards du budget de l’Éducation nationale.

« Le gouvernement veut prendre des engagements alors qu’il sait très bien que ce n’est pas lui qui devra les tenir »

Mais pour le vice-président communiste de la commission culture et éducation du Sénat, Pierre Ouzoulias, ces chiffres aussi vertigineux soient-ils ne peuvent être qu’une promesse. « Il y a un principe constitutionnel qui est l’annualité du budget. Le gouvernement veut prendre des engagements alors qu’il sait très bien que ce n’est pas lui qui devra les tenir. C’est ce qu’on voit avec la loi de programmation militaire dont les engagements ne sont jamais respectés » rappelle-t-il.

Sur le fond des annonces du ministre, Pierre Ouzoulias pointe un problème de méthode. « Les enseignants et les enseignants-chercheurs savent faire des additions et des soustractions mais tant qu’ils ne savent pas ce qu’ils vont perdre avec la réforme des retraites, c’est difficile d’avancer. Et il y a un volet qui n’est pas du tout abordé, c’est celui des vacataires et des contractuels. Alors eux, ils n’ont rien. Pas d’augmentation de salaire, pas de statut » fustige-t-il.

D’autant que du côté des syndicats, on continue de demander la dissociation des deux dossiers : revalorisation salariale et la compensation due à la réforme des retraites par points. C’est ce qu’a confirmé Jean-Michel Blanquer ce matin en vantant « un effort considérable de la nation sur les quinze prochaines années ». Pourtant, dans l’exposé des motifs du projet de lois, les deux sujets semblent bel et bien liés. « La mise en place du système universel de retraite s’accompagne, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes permettant de garantir aux personnels enseignants (…) une revalorisation de leur rémunération » peut-on lire.

Une augmentation pour quelles contreparties ?

« Le ministre nous a dit que ces revalorisations excéderaient la simple compensation du manque à gagner que la réforme par points va entraîner. Pour se faire, nous demandons à ce que la loi de programmation pluriannuelle soit parfaitement détaillée : les personnels concernés, le budget global, les outils pour y parvenir » rapporte Frédérique Rolet, avant de mettre en garde sur les éventuelles compensations de ces augmentations de salaires. « Il n’est pas question d’avoir des mesures régressives qui touchent à nos statuts et nos métiers ». Les organisations syndicales craignent, en effet, que ces mesures s’accompagnent d’une augmentation de leur temps de travail.

« Passer de 18h à 20H par semaine permettrait de faire l’économie de 45 000 postes sur 900 000 »

« C’est une très bonne chose que le gouvernement réfléchisse à une revalorisation de la rémunération des enseignants qui est inférieure à la moyenne européenne. Mais il faut la lier à une augmentation de leur temps de travail. Passer de 18h à 20H par semaine permettrait de faire l’économie de 45 000 postes sur 900 000. Il faut revoir les charges et les devoirs des enseignants, repenser le métier dans le cadre d’un Grenelle par exemple » plaide pour sa part Jacques Grosperrin rapporteur LR du budget éducation du Sénat, qui précise que cette augmentation du temps de travail devrait se faire sur la base du volontariat.

Au vu du contexte social tendu et d’une réforme du baccalauréat contestée, le ministre a, toutefois, peu de marge de manœuvre pour s’engager dans cette voie. « Jean-Michel Blanquer a prévu qu’on se revoit le 24 janvier. Mais pour nous il n’en n’est pas question. Nous serons à la manifestation contre les retraites » prévient Frédérique Rolet.

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