Autoroutes : la Cour des comptes pointe « la faiblesse » de l’Etat face aux sociétés concessionnaires
Les pouvoirs publics « en position de faiblesse » face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, c’est ce qu’a relevé la Cour des comptes dans un référé publié jeudi. Les magistrats de la rue Cambon dénoncent les accords de concession passés entre l’État et le privé en échange de la réalisation de certains travaux.

Autoroutes : la Cour des comptes pointe « la faiblesse » de l’Etat face aux sociétés concessionnaires

Les pouvoirs publics « en position de faiblesse » face aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, c’est ce qu’a relevé la Cour des comptes dans un référé publié jeudi. Les magistrats de la rue Cambon dénoncent les accords de concession passés entre l’État et le privé en échange de la réalisation de certains travaux.
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C’est un référé qui pourrait donner du grain à moudre aux opposants à la privatisation groupe Aéroports de Paris. En effet, dans un référé long de cinq pages, Didier Migaud, président de la Cour des Comptes, dénonce les accords passés à trois reprises ces dix dernières années entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA).

L’État « faible » face au privé

« L’État a accepté à la demande des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), qu’elles réalisent, moyennant compensation, des travaux qui n’étaient pas explicitement prévus dans la convention de concession. Que le financement soit assuré par l’usager actuel ou futur, ces plans d’investissement sont l’objet de négociations difficiles, dans lesquelles les pouvoirs publics sont souvent apparus en position de faiblesse » note-t-il.

Régulièrement brocardée pour ses conditions jugées pour le moins déséquilibrées, la cession par l’État en 2006 des exploitations des autoroutes aux groupes de BTP comme Eiffage (APRR, AREA), Albertis (Sanef, SAPN) et Vinci (ASF, Escota, Cofiroute) revient donc au cœur de l’actualité.

Car la Cour des comptes pose trois recommandations pour éviter les « surcompensations » comme la désignation d’un « organisme expert indépendant » chargé d’encadrer les « compensations accordées aux sociétés concessionnaires d’autoroutes pour l’exécution de travaux non prévus par leur convention de concession ».

Pour mémoire, en 2010, 2015 et 2016, l’État et les sociétés concessionnaires ont convenu un programme de travaux autoroutiers non prévus dans le cahier des charges des contrats de concessions. En septembre 2016, le ministre des Transports de l’époque, Alain Vidalies, annonçait le lancement d’un plan de travaux autoroutiers d’1 milliard d’euros. « 30 opérations routières » comprenant la création d’échangeurs, d’aires de covoiturage, d’écoponts, ou de murs antibruit financés à la fois par les collectivités mais aussi par les usagers, via une augmentation du prix des péages. Un an plus tôt, des accords approuvés par 2 décrets du 23 août 2015 signés de la main de Ségolène Royal entérinaient une hausse de 1,12% sur l’ensemble du réseau autoroutier français : le résultat de « la compensation de la hausse de la redevance domaniale », soit le loyer versé par les entreprises concessionnaires d’autoroutes à l’État pour l’occupation du domaine public. Le gouvernement socialiste entérinait ainsi un plan de relance autoroutier de 3,2 milliards d'euros, en échange d'un allongement moyen de deux ans de la durée des concessions actuelles (voir nos articles ici et ici)

15 milliards de bénéfices pour les sociétés concessionnaires

Pourtant, dès septembre 2014, un rapport de l’autorité de la concurrence pointait du doigt la « rentabilité nette exceptionnelle » des sociétés concessionnaires qui « n'apparaît justifiée ni par leurs coûts ni par les risques auxquels elles sont exposées ».

La Cour des comptes ne dit pas autre chose, cette semaine. Selon ses calculs, les sociétés concessionnaires devraient tirer quelque 15 milliards d’euros de prolongation de leur concession qui leur a été accordée en 2015. Un bénéfice plus que confortable compte tenu des 3,2 milliards de travaux à réaliser.

Le Sénat rejette une proposition de loi visant à renationaliser les autoroutes

Un mois avant les nouvelles hausses des tarifs des péages (entre 1,8% et 1,9%) du 1er février 2019, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, avait exclu toute renationalisation des autoroutes. « C'est 50 milliards d'euros (…) Vous imaginez qu'on ne les a pas » avait-elle argué sur Europe 1. Le 7 mars dernier, le Sénat a rejeté une proposition de loi  du groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste au Sénat (CRCE), visant à renationaliser les autoroutes. Pour Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice membre du CRCE, le référé de la Cour des comptes « montre le bien-fondé de la revendication de la renationalisation. Ce qu’elle préconise vise à limiter la casse dans le cadre des contrats existants, de façon à indemniser le moins possible les sociétés si jamais l’État venait à reprendre la main » estime-t-elle.

Le sujet de la concession des autoroutes et son corollaire, l’augmentation des tarifs des péages, est plus sensible que jamais alors qu’est censé s’amorcer l’acte 2 du quinquennat. Ces derniers mois, les gilets jaunes ont régulièrement bloqué les péages autoroutiers pour protester contre cette hausse.

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