Autoroutes : une proposition de loi du Sénat veut encadrer la rentabilité des concessionnaires

Autoroutes : une proposition de loi du Sénat veut encadrer la rentabilité des concessionnaires

Déposé par Bruno Retailleau, le texte fait suite au rapport de la commission d’enquête du Sénat de septembre dernier. Il dénonçait le manque à gagner de 7,8 milliards d’euros pour l’Etat lors des privatisations de 2006 et les super profits engrangés par les sociétés autoroutières depuis.
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Par Pierre Maurer

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Au-delà de 2022, « les dividendes versés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes atteindraient environ 40 milliards d’euros, dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage ». C’est l’effarant constat du rapport sénatorial du 16 septembre 2020, concluant la commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières. Décidée en janvier dernier à l’initiative du sénateur du groupe Union centriste, Vincent Delahaye, l’instance a auditionné les principaux acteurs de ce dossier sensible : Dominique de Villepin, Premier ministre lors de la privatisation polémique des autoroutes, tout comme ceux à l’origine du protocole d’accord, très favorable aux sociétés d’autoroutes, signé en 2015 : Ségolène Royal, Élisabeth Borne, qui était alors sa directrice de cabinet, Christian Eckert, ou encore Alexis Kohler, aujourd’hui secrétaire général de l’Elysée.

Des concessions ultra-rentables

Pour rappel, la privatisation de 2006 a rapporté à l’Etat 14,8 milliards d’euros, qui ont permis de réduire sa dette et de renforcer l’agence de financement des infrastructures. Mais voilà, selon les analyses réalisées pour la commission d’enquête, « il apparaît que les perspectives de rentabilité sont très supérieures aux estimations initiales », relève Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains de la Vendée. « La rentabilité des actionnaires attendue serait atteinte autour de 2022 », « autrement dit, la durée de ces concessions serait trop longue d’environ 10 ans », dit le rapport. Les dividendes cumulés sur 2020-2036 « seraient de l’ordre de 20,7 milliards d’euros »… Au terme des concessions, l’affaire, source de superprofits, devrait donc être ultra-rentable.

Face à cette situation, le rapport sénatorial entend préparer la fin des concessions et appelle à ne plus prolonger la durée de celles-ci. Les élus écartent un rachat anticipé des concessions, face au « coût prohibitif », estimé entre 45 et 50 milliards d’euros.

Des conclusions que reprend à son compte Bruno Retailleau pour présenter sa proposition de loi déposée au Sénat le 17 février dernier. Elle vise à « assurer un partage équilibré des bénéfices imprévus générés par les concessions d’autoroutes entre les usagers, les autorités concédantes et les concessionnaires », car il ressort « que le déséquilibre économique et financier n’a toujours pas été corrigé, de telle sorte que le législateur est contraint d’élaborer à intervalles réguliers de nouveaux outils pour faire évoluer les tarifs de péage en faveur des usagers », souligne le patron des sénateurs LR à la Haute assemblée. Il propose donc « d’élaborer de nouveaux outils pour que l’encadrement de la rentabilité des concessionnaires d’autoroutes soit plus efficace ».

La commission d’enquête a déjà proposé plusieurs outils afin de faire évoluer les tarifs de péage sans nouvel allongement des concessions : des « abonnements donnant droit à des réductions tarifaires pour les trajets domicile travail », ou des « modulations tarifaires à destination des véhicules légers les moins polluants » etc.

Diminuer les tarifs des péages

Composée de deux articles, la PPL Retailleau s’attache surtout à mieux encadrer les tarifs des péages. Son article premier suggère ainsi un mécanisme de clause « de péage endogène ». Concrètement, au bout d’une certaine durée du contrat, tout dépassement de 20 % du taux de rentabilité initialement prévue par le taux de rentabilité constaté conduit à une diminution des tarifs des péages, propose le sénateur de droite, afin de mieux partager le « superprofit ».

Son article 2 se focalise sur la durée des contrats de concession. Afin de ne pas revivre le même scénario à l’avenir, et pourquoi pas de mettre un terme au contrat actuel, Bruno Retailleau propose un mécanisme de clause dite « de durée endogène ». Celle-ci permettrait de mettre fin de manière anticipée à la concession. Dès lors que le chiffre d’affaires cumulé par l’exploitant atteint celui initialement prévu, le concédant pourrait résilier sans indemnité la concession. La disposition serait applicable aux concessions en cours à compter de la troisième année suivant l’application de cette loi, écrit-il. Autrement dit, elle pourrait permettre de mettre un terme au contrat en cours dans trois ans. A charge désormais pour la commission du développement durable du Sénat d’examiner cette proposition de loi qui devrait déplaire aux sociétés d’autoroutes.

Mais le Sénat part en rang serré sur la question. Le rapporteur centriste Vincent Delahaye appelait déjà les sociétés autoroutières à trouver un nouveau compromis car « si elles refusent le dialogue, elles donneront du poids aux défenseurs des solutions extrêmes, qui serait de dénoncer les contrats ». A gauche, la semaine dernière, un collectif de députés et sénateurs socialistes, dont Olivier Jacquin et Patrick Kanner, a appelé, dans une tribune au Monde, à mettre fin aux déséquilibres des concessions autoroutières en auditant les contrats, en vue d’engager un processus de résiliation.

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