Banlieues : inquiétudes avant le discours de Macron

Banlieues : inquiétudes avant le discours de Macron

Du sens plutôt qu’un nouveau grand plan. Le discours d’Emmanuel Macron sur les banlieues la semaine prochaine ne reprendra pas point par point le rapport Borloo sur les quartiers. Les acteurs du milieu tirent la sonnette d’alarme et demandent des mesures spécifiques.
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Il ne faudra pas s’attendre à un grand plan Marshall pour les banlieues. Mardi prochain, un grand raout est organisé à l’Elysée sur le thème des quartiers populaires, trois semaines après la remise d’un rapport sur les banlieues par Jean-Louis Borloo. Emmanuel Macron tiendra un discours. Mais ceux qui espéraient une reprise des propositions de l’ancien ministre de la  Ville devraient être déçus.

« Toute la politique du gouvernement concourt à l'amélioration de la vie dans les banlieues »

Le chef de l’Etat n’annoncera pas de « grands dispositifs » qui « viennent d'en haut », affirme ce vendredi l’Elysée. L’exécutif pourrait bien annoncer quelques mesures concrètes, mais le président de la République va surtout s’attacher à « rappeler sa vision et insister sur le fait que toute la politique du gouvernement concourt à l'amélioration de la vie dans les banlieues ». Selon France Info, Emmanuel Macron va « "redonner du sens", mais sans parler de financement ».

Une annonce qui passe mal chez les acteurs ou spécialistes du sujet. « C’est inquiétant. Car les populations de ces quartiers populaires représentent 6 millions d’habitants. Ils ont besoin de décisions  concrètes, d’engagements et non pas d’un discours général. C’est très inquiétant » réagit auprès de publicsenat.fr Patrick Jarry, maire de Nanterre (ex-PCF, Gauche citoyenne). « Ça faisait un moment qu’on entendait une petite musique de fond qui laissait entendre cela » souligne Philippe Dallier, sénateur LR de Seine-Saint-Denis et ancien maire de Pavillons-sous-Bois.

« Dire que ça va mieux pour les quartiers quand ça va mieux pour le pays, c’est faux »

Son collègue Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR du Nord et ancien ministre de la Ville, s’étonne de la manière de faire de l’exécutif. Mardi, il avait répondu présent à l’invitation de Jean-Louis Borloo qui a rassemblé plusieurs anciens ministres de la ville sous forme d’un club informel. Marc-Philippe Daubresse ne cache pas son amertume : « Emmanuel Macron avait missionné Jean-Louis Borloo, et déjà, lors de la remise du rapport, ce n’est pas le Président qui l’a reçu mais le premier ministre… Ce n’était pas très encourageant. Jean-Louis Borloo n’avait rien demandé. On lui demande d’apporter son expertise, un peu sa caution morale. Il fait le job et il est plébiscité par les acteurs. Au minimum, on s’attendait à ce que le Président le reçoive… » Il ajoute que l’ancien ministre de la Ville qu’il est n’a reçu aucune invitation pour le discours du Président. Jean-Louis Borloo se retrouvera lui simplement au milieu des autres invités.

Sur le fond, Marc-Philippe Daubresse met en garde : « On ne peut pas continuer comme ça. Les ingrédients sont réunis pour que ça se passe mal, on est au bord de l’explosion dans les quartiers ». La volonté de l’Elysée de mettre en avant l’ensemble de la politique du gouvernement laisse largement sur sa faim Patrick Jarry. « Dire que créer des emplois, ça résoudra le problème, n’est pas suffisant. Dire que ça va mieux pour les quartiers quand ça va mieux pour le pays, c’est faux » recadre l’élu local. « A côté de Nanterre, on a La Défense, avec beaucoup d’emplois, et pas que des emplois pour bac +5. On voit bien que l’accès à l’emploi de nos habitants ne se règle pas automatiquement. S’il n’y a pas de démarche particulière, de filière de formation, ça ne fonctionne pas. Et à l’arrivée, ce sont toujours les mêmes, quand il y a une crise, qui la subissent » témoigne le maire de Nanterre.

« Le constat de Borloo est partagé par tous les maires »

Avant le discours présidentiel, les acteurs locaux montent au créneau pour soutenir ce nouveau plan Borloo. Jeudi, l’Association des maires de France, présidée par le maire LR de Troyes, François Baroin, a appelé le gouvernement à « reprendre la cohérence de ce que propose Borloo, c'est-à-dire un énorme effort, de l’ordre de 50 milliards ». « Le constat de Borloo est partagé par tous les maires de France, qui, depuis des années, constatent un effacement progressif de la puissance publique » met en garde l’ancien ministre.

Le président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, défend lui « un plan d'investissement réaliste et réalisable, (qui) répond à la fois aux impératifs de rénovation urbaine (bâti, cadre de vie) et l'humain (renforcement des politiques publiques, dotations exceptionnelles) ». « Il est pour la Seine-Saint-Denis un enjeu déterminant : 600 000 personnes vivent en quartier politique de la ville, soit 40 % de la population du département » souligne le socialiste, pour qui « les habitantes et habitants des quartiers populaires ont le sentiment d'être les grands oubliés de la politique gouvernementale ».

Borloo prépare une fondation pour aider les quartiers

Reste à voir quelles seront les quelques mesures qu’annoncera Emmanuel Macron mardi. « C’est vrai que la politique de la ville est à l’arrêt depuis un certain temps » souligne Philippe Dallier, « persuadé qu’on ne peut pas en rester là ». Mais pour le gouvernement, l’équation budgétaire rentre forcément en ligne de compte au moment des arbitrages. Mais Marc-Philippe Daubresse ne veut pas entendre que les mesures proposées par Jean-Louis Borloo coûtent trop cher. « En 2005, l’ensemble de l’argent consacré au logement et à l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) a coûté 41 milliards d’euros. Mais on oublie de dire que ça a rapporté 47 milliards d’euros. Car ça rapporte des recettes fiscales, et derrière vous créez des emplois, des cotisations sociales » souligne le sénateur LR.

Avec les autres anciens ministres chargés du portefeuille, ils ont déjà pensé à un plan B, autour de Jean-Louis Borloo : « S’il n’y a malheureusement pas de réponse, ce qu’on peut craindre, l’idée c’est de faire une fondation qui agrégera des fonds des régions volontaires, des agglomérations, qu’on ait au moins un début de réalisation du plan ». À défaut de ministre de la Ville – le gouvernement n’en a pas – Jean-Louis Borloo est prêt à se nommer lui-même pour avancer. Avec ou sans l’Elysée.

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