Bateaux polluants à Marseille : les sénateurs des Bouches-du-Rhône partagés

Bateaux polluants à Marseille : les sénateurs des Bouches-du-Rhône partagés

Alors que la pollution de l’air inquiète fortement dans la cité phocéenne, les navires de croisières sont en ligne de mire d’une pétition lancée par le maire de Marseille, Benoît Payan. Les avis des sénateurs des Bouches-du-Rhône divergent.
Public Sénat

Par Clara Robert-Motta

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« Les Marseillais suffoquent. » Benoît Payan, maire de la cité phocéenne ne mâche pas ses mots quand il appelle ses administrés à signer sa pétition pour lutter contre la pollution marine. Sa cible : les paquebots de croisière, ces géants des mers qui amènent à Marseille des millions de touristes, mais aussi une pollution importante.

Parmi les 40 000 personnes à avoir signé la pétition du maire, on compte les trois députés Nupes de Marseille, Hendrik Davi, Manuel Bompard et Sébastien Delogu. Dans un communiqué, les trois insoumis fustigent ces « industries du tourisme [qui] engendrent des bénéfices colossaux, en échappant aux législations sur le travail, à l’impôt, aux règles environnementales » et émettent l’idée d’amener ce sujet sur les bancs de l’Assemblée. Qu’en est-il au Sénat ?

Des tentatives législatives pour interdire les navires

Samia Ghali, ex-sénatrice socialiste des Bouches-du-Rhône avait déjà tenté de faire passer un amendement dans le cadre du texte énergie et climat en 2019. L’amendement qui a été rejeté prévoyait d’interdire totalement des ports les navires les plus polluants. Une position un peu plus radicale que ce que propose aujourd’hui Benoît Payan à Marseille qui réclame aux pouvoirs publics « la mise en œuvre d’une interdiction des escales pour les navires les plus polluants durant les pics de pollution ».

« C’est la moindre des choses. » Guy Benarroche, sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône, se dit solidaire de la démarche du maire marseillais. Il fait d’ailleurs partie des signataires. « Lorsqu’il y a des pics de pollution, on demande aux automobilistes de réduire leur vitesse, et on ne dirait rien aux gros paquebots qui crachent leur fumée polluante ? Non, on ne peut pas faire ça, c’est aberrant. » Le centre-ville de Marseille va, en effet, être doté d’une zone à faibles émissions (ZFE) à partir du 1er septembre 2022.

Si le sénateur écologiste ne défend pas une interdiction totale des navires de croisières, sa position paraît radicale à certains. Stéphane Le Rudulier, sénateur Les Républicains des Bouches-du-Rhône, s’inquiète d’une démarche « démagogue ». « L’argument écologique est louable, mais attention aux fausses bonnes idées et aux mesures radicales. » Pour Stéphane Le Rudulier, avant d’interdire ou limiter l’amarrage des croisiéristes, il faut penser aux conséquences économiques.

Un tourisme qui ne profiterait pas au local ?

La question des retombées économiques des navires de croisières revient régulièrement sans que les acteurs ne s’accordent réellement. Cette année, 550 navires devraient accoster sur le port de la cité phocéenne, contre 200 l’année d’avant et 505 avant le covid, selon le Club de la Croisière Marseille Provence. Il est compliqué de connaître le montant exact qui revient dans les poches de Marseille et de la région pour chaque croisiériste qui accoste, mais la CCI l’estimait, en 2015, à 150 euros par tête. Ce montant comprend dépenses de coque, pilotage du bateau dans la rade, lamanage, droits de port, prestations réalisées par les partenaires qui font venir le bateau, et agents réceptifs qui organisent des excursions, selon nos confrères de La Provence. L’argument qui assène que le tourisme local profiterait de l’arrivée des croisiéristes est régulièrement attaqué par le collectif « Stop Croisières ».

Le sénateur communiste, Jérémy Bacchi, ne veut pas choisir entre emploi et environnement. « Il existe une troisième voie », juge-t-il. S’il loue la démarche du maire de Marseille d’informer les citoyens et de mettre à contribution les croisiéristes, il ne veut pas « tout amalgamer ». « Il faut contraindre les armateurs à se moderniser et à avoir des installations plus propres, mais il ne faut pas tout détruire, explique Jérémy Bacchi. Il y a un grand port industriel dont nous avons besoin. »

Les pouvoirs publics ont mis en place des aides pour moderniser et décarboner le secteur. La région a mis 31 millions d’euros pour développer un projet d’électrification des quais Escales zéro fumée, auxquels viennent s’ajouter 10 millions d’euros de la ville de Marseille. Une « charte bleue » du port de Marseille oblige depuis 2019 quatre des principaux opérateurs de croisières à utiliser un carburant moins polluant et une vitesse réduite aux abords du port. Mais les avancées ne sont pas assez rapides pour les opposants aux croisières.

Une pollution de l’air mortelle

Par principe de précaution, ne faudrait-il pas attendre que les navires et les ports se dotent de ces fameuses solutions innovantes et moins polluantes ? Le sénateur LR, Stéphane Le Rudulier, tranche : « Payan confond Marseille et Venise. Nous n’en sommes pas au même point. Il n’y a pas de danger de mort immédiat pour la ville, on a le temps de mettre en place des solutions adaptées. » La pollution de l’air serait responsable de 2500 morts par an à Marseille selon l’ONG France Nature Environnement PACA. A Marseille, on attend aussi impatiemment les résultats de l’étude d’impact santé-environnement sur les quartiers proches du port de l’Agence Régionale de Santé.

 

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