Bénévoles dans les hôpitaux : le Sénat reste sur ses gardes

Bénévoles dans les hôpitaux : le Sénat reste sur ses gardes

Lors de l’examen de la proposition de loi Ségur de la santé, issue de l’Assemblée, les sénateurs ont refusé la possibilité que des volontaires interviennent dans un établissement de santé en dehors d’un cadre associatif. Ils ont également encadré le recours à des praticiens bénévoles.
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L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Cette règle de conduite a parfois présidé les débats sur la santé au Sénat dans la nuit du 17 au 18 février. La Haute assemblait examinait la proposition de loi « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ». Ce texte de la majorité La République en marche (LREM) de l’Assemblée nationale entend notamment redonner des marges de souplesse aux hôpitaux, et à répondre à une partie des accords du Ségur de la Santé, signés en juillet dernier. Les sénateurs se sont notamment distingués des députés sur le cadre juridique applicable aux bénévoles qui interviennent dans les établissements de santé, qu’ils soient praticiens ou non. Ils sont revenus sur leur copie.

Premier point de divergence : le cas des bénévoles dans les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux. L’Assemblée nationale avait inséré lors de l’examen un article ouvrant la voie à l’intervention de bénévoles, à titre individuel, dans les établissements publics et privés de santé. Ces derniers interviendraient donc en dehors de tout cadre d’une association. Chaque volontaire serait amené à conclure une convention avec un établissement pour fixer le cadre de son intervention. Comme l’ont souligné les députés, il s’agissait de tirer les leçons de la crise sanitaire que traverse la France. Beaucoup d’établissements ont bénéficié de l’aide spontanée de volontaires. Il leur est apparu « essentiel » de développer ces pratiques en posant un cadre légal.

Le Sénat contre le contournement des associations et « l’ubérisation » du bénévolat

Les sénateurs ont supprimé cet article (4 bis) lors de l’examen commission, jugeant qu’il était susceptible d’ouvrir la voie à des « dérives », malgré des « intentions louables ». Le rapporteur avait notamment rappelé que l’hôpital n’était pas un lieu public comme les autres. En séance, l’hémicycle s’est opposé à la tentative de réintroduction de l’article, portée par les sénateurs LREM. Ces derniers avaient, par la voix de Dominique Théophile, introduit des garde-fous : la nécessité d’une formation de ces bénévoles individuels, et la « non-interférence avec la pratique des soins médicaux et paramédicaux ». La ministre Brigitte Bourguignon les a soutenus, considérant que les bénévoles individuels étaient une « pratique courante » et qu’ils avaient été « particulièrement utiles » dès la première vague du covid-19.

Le rapporteur LR Alain Milon est resté sur son refus en séance. « Cela entraîne beaucoup de problèmes de responsabilité […] Nous souhaitons que le bénévole puisse être formé par une association. » Son point de vue est partagé dans beaucoup de groupes. Véronique Guillotin (RDSE), forte de son expérience de médecin en exercice dans un établissement avec des personnes âgées, en était témoin. Un bénévole isolé peut être « plus dangereux » qu’une association « que l’on peut cadrer », selon elle. Philippe Mouiller (LR) a souligné que les associations avaient pris la proposition de l’Assemblée nationale comme « un mauvais signe » et « une perte de reconnaissance ». Quant à la communiste Laurence Cohen, l’article en question aurait laissé la « porte ouverte à beaucoup de choses ». « Là, on est sur de l’ubérisation du bénévolat », s’est-elle indignée.

Le Sénat redoute que la solidarité de praticiens bénévoles se substitue à de vrais postes rémunérés

S’agissant cette fois des cas d’interventions des praticiens bénévoles, le Sénat a précisé les choses au cours de l’examen en séance. Un article introduit par les députés (le 4 ter) avait posé un cadre légal clair pour l’intervention de praticiens bénévoles (médecins, sages-femmes ou odontologistes) dans les établissements de santé, pour des activités médicales. Selon les députés à l’origine de l’article, ces bénévoles contribuent au « renforcement des ressources médicales des établissements publics de santé, dans l’intérêt du service public hospitalier », dans un contexte difficile de pénurie de médecins.

La commission des affaires sociales du Sénat avait approuvé l’article sans modification. L’hémicycle s’est donc opposé dans un premier temps à deux propositions de suppression de l’article, portées par les socialistes et les communistes. « Pérenniser ce statut [de praticien bénévole, ndlr] revient à considérer le bénévolat comme supplétif aux carences en ressources humaines constatées depuis de longues années », a expliqué la socialiste Annie Le Houerou, y voyant là du « salariat déguisé ». « Je ne vois pas d’opposition à donner à un cadre juridique à cette intervention », lui a opposé le rapporteur Alain Milon. Le sénateur médecin a souligné que ce recours restait « marginal ».

Un amendement de repli de Bernard Jomier (apparenté PS) a cependant été adopté par les sénateurs, afin d’éviter tout effet pervers. Il sera précisé dans la loi que « les contrats conclus avec les médecins, sages-femmes et odontologistes exerçant à titre bénévole ne se substituent pas aux postes de titulaires laissés vacants. » La ministre, Brigitte Bourguignon, défavorable à l’amendement, a expliqué que l’article de la proposition de loi ne prévoyait « en aucun cas de pallier une pénurie de moyens » mais bien de « répondre à une volonté d’engagement citoyen ».

Les débats sur cette proposition de loi, qui provoque beaucoup de déception chez les sénateurs (relire notre article), vont se poursuivre dans la journée du 18 février.

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