Berlin : 30 ans après la chute, des cicatrices toujours vives
30 ans que le mur de Berlin est tombé. Symbole de la séparation Est/Ouest de la ville, mais aussi du pays, cette cicatrice toujours visible dans la capitale, reste encore présente dans la mémoire des Allemands...et dans leur quotidien.

Berlin : 30 ans après la chute, des cicatrices toujours vives

30 ans que le mur de Berlin est tombé. Symbole de la séparation Est/Ouest de la ville, mais aussi du pays, cette cicatrice toujours visible dans la capitale, reste encore présente dans la mémoire des Allemands...et dans leur quotidien.
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Par Pauline Vilchez et Béatrice Fainzang

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5 min

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Dans les rues de la ville européenne, certains cherchent l’inspiration, comme Harald Hauswald. C'est le témoin précieux d’une époque encore douloureuse durant laquelle Est et Ouest étaient séparés par un mur. Toute sa vie il a photographié les « Ossis », ces Allemands de l’Est dont il fait partie : « J’avais un regard personnel sur la situation, une vision critique face aux circonstances de l’époque. Je me suis senti enfermé en RDA (République démocratique Allemande) car il n’y avait aucune liberté et la pression politique était très forte. La photographie a été pour moi, l’unique moyen d’exprimer mon désaccord. »

« Ce n’était pas une réunification. L’Ouest s’est juste jeté sur l’Est, l’Ouest a écrasé l’Est » Harald Hauswald, photographe.

Un désaccord mais surtout une critique du système politique alors en place. Harald Hauswald vivait à Pranzlauer Berg, berceau du courant artistique de l’époque. Un milieu contestataire qui attendait, comme tous les Allemands, beaucoup de la réunification.  « Ça a été trop rapide et trop radical, ce n’était pas une réunification. L’Ouest s’est juste jeté sur l’Est, l’Ouest a écrasé l’Est » affirme-t-il. Une annexion plus qu’une réunification dans l’esprit de nombreux Allemands.

Une nation retrouvée ?

Pourtant il y a 40 ans, Doreen Goldbeck n’aurait jamais pu rencontrer celui qui est aujourd’hui son mari. Lui vient de l’Ouest et elle de l’Est. À eux deux, ils symbolisent l’idée d’une « nation retrouvée ». « Nous avons un enfant qui est vraiment le parfait résultat de la réunification. Il mêle ce qu’il y a de mieux des deux côtés, la loyauté et la fidélité de l’Est, l’ambition et la détermination de l’Ouest » explique-t-elle. Malgré une vision heureuse de la réunification, les disparités demeurent. Il y a six ans, le couple se retrouve contraint de quitter le centre de Berlin devenu trop coûteux pour venir s’installer ici, à l’Est de la capitale, dans le quartier de Marzahn, fortement marqué par l’urbanisme soviétique.  « Nous n’avons pas choisi d’habiter à Marzahn, raconte Doreen Goldbeck, en 2012 quand les loyers ont explosé, c’était impossible de trouver autre chose, nous étions à la rue pendant trois mois et ici à Marzahn c’était le seul appartement disponible que nous avons réussi à avoir ».

L'AFD au plus haut à Berlin-Est

30 ans après, il y a toujours des airs de RDA. Même les trams jaunes, qu’on ne trouve qu’à l’Est de Berlin en sont les vestiges. Dans la ville, les stigmates de la séparation sont présents jusqu’aux feux de signalisation. Et cette différence, le parti d’extrême droite, Alternative pour l’Allemagne (AFD), en a fait son terreau à Berlin, en réalisant comme l'explique Rolf Kessler le président du bureau de l’AFD à Marzahn, son meilleur score dans cette ville : « Nous sommes bien implantés dans ce quartier et notre victoire électorale le démontre. Ce résultat s’explique aussi parce que personne de l’ex-République fédérale allemande n’est venu s’installer ici. »

« Tant que nous ne serons pas sur un pied d’égalité, au moins au niveau social, on ne pourra pas parler de réunification réussie. » Thomas Weidehoff, membre du bureau de l’AFD à Marzahn

L’AFD joue la carte de l’ex-RDA et surfe sur la nostalgie d’une époque où la population est-allemande vivait en totale autarcie. Une population sacrifiée au moment de la réunification, selon Thomas Weidehoff, membre du bureau de l’AFD à Marzahn. : Après la chute du mur, surtout à l´est, toutes les sociétés ont été détruites, toutes les sociétés ont fermé. Des millions de personnes se sont retrouvées au chômage. » Pour réduire ce déséquilibre présent notamment au sein des administrations, certains politiques proposent la mise en place de quotas. Mais pour lui, ce n’est pas la solution : « 30 ans après la chute du mur il y a toujours des différences significatives entre les salaires, les retraites.. qui se démarquent le long du mur. C’est là que le mur est encore visible et c’est pour cette raison que la réunification n’est pas encore réussie. Tant que nous ne serons pas sur un pied d’égalité, au moins au niveau social, on ne pourra pas parler de réunification réussie. »

Les "Eux" contre les "Nous" continuent de diviser la population allemande comme il y a 30 ans selon le photographe Harald Hauswald. Un argument qui n'a aucun sens pour lui car la réunification a bel et bien eu lieu. Et Berlin, la capitale, en est le meilleur symbole : « Le retour de Berlin comme capitale de l’Allemagne a été une étape fondamentale dans le processus de réunification. Le signe que la ville s’ouvrait de nouveau au monde ». La ville qui hier, était fracturée, est aujourd'hui plus que jamais une cité cosmopolite qui reste une source d’inspiration pour le photographe de rue.

 

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