Bonnets d’âne et bons points: les classements de députés en question
Bonnets d'âne pour les "cancres" et bons points pour les autres: les classements de députés, régulièrement publiés par certains...

Bonnets d’âne et bons points: les classements de députés en question

Bonnets d'âne pour les "cancres" et bons points pour les autres: les classements de députés, régulièrement publiés par certains...
Public Sénat

Par Charlotte HILL

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Bonnets d'âne pour les "cancres" et bons points pour les autres: les classements de députés, régulièrement publiés par certains médias, sont critiqués comme ne reflétant pas la réalité du travail parlementaire... même si les élus les mieux placés en font volontiers écho.

La nouvelle Assemblée n'y a pas échappé, avec un premier pointage des moins assidus dès juillet par L'Express, puis Capital recensant en décembre ceux "qui glandent" ou "qui bossent".

Comme souvent, ces palmarès s'appuyaient sur les données recueillies depuis 2009 par le collectif Regards citoyens sur "nosdeputes.fr": présence en commission, prises de parole en séance, amendements... Le site, qui ne fait pas lui-même de classements, a fait des émules, comme "L'observatoire de la démocratie", de militants LFI.

Pour Olivier Costa, chercheur au CNRS (Sciences Po Bordeaux), si "les sites comme nosdeputes.fr font du très bon boulot", les classements "strictement quantitatifs" ne sont "pas sains", portant toujours un peu d'antiparlementarisme derrière.

S'il juge qu'il y a "de vrais cancres" à l'Assemblée, il trouve l'impact de ces palmarès, souvent déclinés localement, "parfois très injuste", plaidant pour un travail "plus qualitatif".

Pour montrer leur "côté imparfait et déformant", le chef de file communiste André Chassaigne évoque la rédaction de rapports, "activité longue et très importante" ou les déplacements "non seulement pas pris en compte mais pénalisants".

Cet élu chevronné reconnaît néanmoins que "les députés sont toujours très attentifs à leur rang" car les électeurs y voient "l'appréciation de leur activité". Il admet avoir relayé un classement où il était premier.

L'association Regards citoyens est elle-même "assez critique" concernant ces palmarès, explique à l'AFP l'un de ses administrateurs, Tangui Morlier.

"Une partie des données nous semblant importantes ne sont pas disponibles", dit-il. "Le problème des classements est qu'ils homogénéisent les pratiques" et reviennent à appliquer "un point de vue éditorial ou militant à des activités très diverses".

Que les députés en tête les relaient est "de bonne guerre", mais, dit-il, "on a vu aussi des parlementaires bien classés qui relativisent ce travail".

Après l'article de Capital, Matthieu Orphelin (LREM), a ainsi dit vouloir profiter de sa "bonne position" (40e) pour souligner le côté potentiellement "trompeur", avec des rapporteurs avantagés par exemple car ils prennent plus la parole.

- "Baromètres à la noix" -

Tout en observant un palmarès "très flatteur" pour son groupe, le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a aussi dénoncé "une comptabilité à deux balles!".

Laurent Pietraszewski, nouveau chef de file LREM de la commission des Affaires sociales, estime que cette évaluation "fait vivre la démocratie" même si "c'est incomplet", mais juge qu'il faut "faire gaffe à ne pas déclencher de l'antiparlementarisme".

Lors de ses vœux mi-janvier, le président de l'Assemblée François de Rugy (LREM), a d'ailleurs mis en garde vis à vis de ces classements. Jugeant les données "utiles", il a estimé que "force est de constater que ni les associations citoyennes qui les traitent, ni les médias, qui parfois disons-le les maltraitent, n’ont réussi jusqu’ici à traduire, à travers ces chiffres, la réalité du travail parlementaire".

Dénonçant des "baromètres à la noix", Richard Ferrand, a plaidé dimanche sur France 3 pour que l'évaluation du travail des députés soit "repensée, et ce sans poujadisme". Le président des députés LREM a indiqué avoir "suggéré que soit créé un outil informatique" indiquant leur "activité réelle".

Tangui Morlier ne dit pas non, pour peu que l'Assemblée ne "tombe pas dans les travers" des classements en "imposant un point de vue", ni que cela impacte certaines pratiques, comme cela s'est vu au Parlement européen.

Il y a déjà "des députés qui savent très bien utiliser le système en déposant, ou faisant déposer par leurs assistants, des amendements par kg", observe Olivier Costa, ce qui "non seulement truque le jeu, mais devient nuisible au travail parlementaire".

En commission, "pour être comptabilisés présents, beaucoup sont amenés à re-poser une question déjà posée", souligne aussi André Chassaigne, concédant que les classements, "ça booste les députés pour être plus présents".

Partager cet article

Dans la même thématique

Bonnets d’âne et bons points: les classements de députés en question
4min

Politique

Réforme des retraites : « La suspension est un leurre, elle sera retoquée en commision mixte paritaire », avertit Cécile Cukierman (PCF)

Au Sénat, la droite et une partie de la gauche tombent d’accord sur une chose : la procédure parlementaire permettra à la droite et le centre d’enterrer la suspension de la réforme des retraites. Un fait qui inspire de la sérénité à Claude Malhuret (Horizon) sur la possibilité de réécrire la copie de Sébastien Lecornu, et pousse au contraire Cécile Cukierman (PCF) à enjoindre les députés de gauche à le prendre en compte dans leur vote de la censure ce jeudi.

Le

Paris: Questions au gouvernement Assemblee nationale
4min

Politique

Budget : l’abandon du 49.3 va-t-il prendre les socialistes à leur propre piège ?

Avec le non-recours au 49.3, les socialistes ont été entendus par Sébastien Lecornu. Mais ils sont désormais contraints à voter le budget de la Sécurité sociale pour valider la suspension de la réforme des retraites. Un véhicule législatif confirmé par le Premier ministre, ce mercredi. Sans cette arme du parlementarisme rationalisé, les budgets de la Sécurité sociale comme celui de l’Etat seront également amendés par la droite. Ce qui pourrait amener à des copies finales difficiles à assumer pour les socialistes.

Le

Direct. Suivez la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu devant le Sénat
30min

Politique

Sébastien Lecornu accueilli froidement au Sénat : revivez les temps forts de la déclaration de politique générale

Le Premier ministre s'est exprimé devant les sénateurs pour sa déclaration de politique générale. Suspension de la réforme des retraites, décentralisation, budget...Le discours de Sébastien Lecornu était différent de celui prononcé à l'Assemblée la veille. Si l'ambiance était plus calme qu'au Palais Bourbon, l'accueil des sénateurs n'en était pas pour autant très enthousiaste.

Le

Bonnets d’âne et bons points: les classements de députés en question
9min

Politique

Budget : « Incertain » en 2029, le passage à 3 % de déficit arrivera « au mieux en 2031 », alerte Pierre Moscovici

« Le scénario économique pour l’année 2026 repose sur une hypothèse optimiste », affirme devant le Sénat Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques. Il doute de la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs, avec un budget dont la copie finale est très incertaine. Seule « bonne nouvelle » : « Un début d’amélioration de nos finances publiques » en 2025, après « le bug majeur de 2024 ».

Le