Budget 2018 : « Les classes moyennes sont vraiment les grandes oubliées », estime la droite du Sénat
Le projet de loi de finances 2018 arrive prochainement au Sénat, où la droite forme la majorité de l’hémicycle. Certains sénateurs LR considèrent que le budget ne va pas assez loin sur la maîtrise de la dépense publique. D’autres se posent en défenseur des retraités ou des propriétaires.

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Le projet de loi de finances 2018 arrive prochainement au Sénat, où la droite forme la majorité de l’hémicycle. Certains sénateurs LR considèrent que le budget ne va pas assez loin sur la maîtrise de la dépense publique. D’autres se posent en défenseur des retraités ou des propriétaires.
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L’examen du projet de loi de finances (PLF) 2018 a débuté au niveau des commissions du Sénat. Elles enchaînent les auditions et le débat se crée au sein de la droite sénatoriale, majoritaire à la Haute assemblée.

Les qualificatifs sont nombreux pour qualifier le premier texte budgétaire du quinquennat. Le rapporteur général, le sénateur LR Albéric de Montgolfier, parlait récemment d’un « budget contrasté ». Chaque sénateur distribue les bons et les mauvais points du texte, avec plus ou moins de sévérité. Et déjà, des sénateurs LR annoncent des amendements pour « rectifier » certaines mesures, qui devraient être adoptées ce mardi à l’Assemblée nationale.

Une chose est certaine à ce stade, l’ambiance a changé par rapport à novembre 2016, lorsque la majorité au Sénat refusait d’examiner en séance le budget. « La différence par rapport au précédent gouvernement, c’est que les budgets me paraissent plus sincères », déclare à PublicSenat.fr le sénateur LR Alain Houpert.

« Des bonnes choses dans ce budget »

« Il y a plutôt des bonnes choses dans ce budget », commence Philippe Dominati. Baisse de l’impôt sur certaines sociétés, instauration d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (flat tax), suppression partielle de l’ISF, et disparition progressive de la taxe d’habitation : le sénateur de Paris se retrouve dans plusieurs des propositions. « Les bonnes choses, probablement on va les adopter », explique ce vice-président de la commission des Finances.

« Il y a plutôt des bonnes choses dans ce budget », pour Philippe Dominati
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Images : Stéphane Hamalian

D’autres voient plutôt le verre à moitié vide. Bruno Retailleau se désole des « demi-mesures » comme sur l’ISF.

Pour sa part, la juppéiste Fabienne Keller salue un « budget responsable », qui annonce « un certain nombre d’économies ». La sénatrice du Bas-Rhin, elle aussi vice-présidente de la commission des Finances, précise cependant qu’elle restera « très vigilante » sur la question des collectivités territoriales. « Les communes ont déjà fait beaucoup d’efforts sous le quinquennat de François Hollande. »

Fabienne Keller salue un « budget responsable »
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Images : Stéphane Hamalian

« On s’attendait à un effort plus important »

Mais ce PLF reste souvent accueilli avec déception. Plusieurs sénateurs Les Républicains estiment que la maîtrise de la dépense publique est insuffisante. Pour le président du groupe, Bruno Retailleau, il faut aller bien plus loin que les suppressions de postes dans la fonction publique d’État proposées par le gouvernement. 1600, « ce n’est rien du tout », pointait-il le 12 octobre dans l’Épreuve de Vérité. « Ça a sans doute été un marchandage pour les ordonnances. »

« On s’attendait à un effort plus important », renchérit Philippe Dominati, « on va expliquer notre inquiétude, notamment sur l’importance du déficit. »

Jean-François, Husson, également vice-président à la commission des Finances, regrette lui aussi que ce budget 2018 en « demi-teinte » manque d’ambition. « C’est un budget d’attentisme, qui n’affiche pas encore, selon moi, la stratégie budgétaire et fiscale pour le quinquennat », explique-t-il à PublicSenat.fr. Pas le signe non plus d’une « grande ambition réformatrice » favorisant la compétitivité économique, selon lui.

Bruno Retailleau accuse surtout ce budget 2018 de vouloir créer des « antagonismes ». « Il est injuste, vis-à-vis des retraités, vis-à-vis des familles et des propriétaires », reproche-t-il.

Des « initiatives » en faveur des classes moyennes

Au niveau du parti, les effets de la hausse de la CSG sont d’ailleurs le premier angle d’attaque. Dans un communiqué, Les Républicains affichent leur « soutien » aux retraités, les « premières victimes du budget ». Gérard Larcher s’est lui aussi montré offensif sur la hausse de la CSG, estimant que cette dernière pouvait « créer des injustices ».

Si Philippe Dallier relève plusieurs « choses » que ses collègues peuvent « partager avec le gouvernement », il estime cependant qu’il faudra « prendre des initiatives » en faveur des classes moyennes, les « grandes oubliées » du budget 2018 (voir la vidéo de tête).

« Il y a des choses qui ne vont pas dans le bon sens, et nous essayerons de les rectifier dans la mesure du possible », annonce-t-il. Spécialiste du logement au sein du groupe LR, Philippe Dallier est également préoccupé par l’impact de la baisse des APL sur la situation des bailleurs sociaux.

« C’est un budget pour les métropoles »

Sénateur d’un département rural, la Haute-Saône, Alain Joyandet déplore que les territoires soient les « victimes de la politique fiscale » du gouvernement. « Il y a dans ce projet des mesures réservées à certains territoires, certaines classes ». « Il n’y a plus de grands projets », constatait-il la semaine dernière dans Sénat 360. « C’est un budget pour les métropoles, pas pour la France périphérique », appuie son collège de la Côte d’Or, Alain Houpert, rapporteur de la mission agriculture.

La hausse annuelle de 2,6 centimes par litre de gazole au cours des quatre prochaines années inquiète Jean-François Husson, qui aurait préféré une hausse moins brutale, en parallèle d’une baisse de la taxe sur l’essence pour réaliser la convergence tarifaire des deux carburants. « On est revenu dans la fiscalité punitive. C’est un mauvais service rendu à l’écologie », pointe le sénateur de Meurthe-et-Moselle, engagé sur la question du coût de la pollution atmosphérique.

« Le sentiment que l’État est toujours un fermier général »

On l’a vu sur le dossier de la CSG, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) comporte lui aussi un certain nombre de points susceptibles de se heurter à l’opposition de la droite au Sénat, notamment sur l’alourdissement de certaines taxes.

« On a prévu d’augmenter à dix euros le paquet de cigarettes et d’instaurer une taxe soda. Cela va gêner qui ? Les pauvres. On devrait plutôt travailler sur les causes », réagit Alain Houpert. « J’ai le sentiment que l’État est toujours un fermier général de l’Ancien régime, qui continue les prélèvements. »

Depuis que les députés ont achevé l’examen du volet « recettes » du PLF 2018, les regards sont désormais tournés vers le Sénat. Au MoDem, François Bayrou, hostile à la réforme de l’ISF par un simple impôt sur la fortune immobilière, compte sur les sénateurs pour améliorer le dispositif.

Inversement, au gouvernement, Bruno Le Maire souhaite que le Sénat ne « remette pas en cause l’équilibre de cette réforme ».

« Qu’on laisse les assemblées proposer des corrections »

Cette consigne à demi-mot de l’exécutif passe mal chez les sénateurs. « Qu’on laisse les assemblées faire part de leurs ambitions, proposer des améliorations, des corrections, c’est la vie parlementaire », réagit Jean-François Husson.

« Le Sénat a repris de l’importance auprès des Français, ils font confiance au Sénat. Au quotidien, on nous dit j’espère que vous allez redresser la barre. Si les ministres n’écoutent pas ça, ils jouent avec le feu », prévient Alain Houpert.

Ce mardi, l’exécutif affichait sa présence au palais du Luxembourg, auprès de ses rares soutiens. La ministre de la Santé Agnès Buzyn était face aux sénateurs de la République en marche, et le Premier ministre Édouard Philippe a rencontré les sénateurs du groupe Union centriste.

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