Budget 2019 et Agence de cohésion : Jacqueline Gourault face aux doutes des sénateurs

Budget 2019 et Agence de cohésion : Jacqueline Gourault face aux doutes des sénateurs

Auditionnée au Sénat, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités, Jacqueline Gourault, a échangé avec des sénateurs sur l’évolution du budget de son ministère mais aussi sur la naissance de la future Agence nationale de cohésion des territoires.
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Le projet de loi de finances (PLF) 2019 sera l’un des premiers moments de vérité dans la nouvelle séquence qui doit s’ouvrir entre le gouvernement et les collectivités territoriales, après des mois de mauvaises relations. La ministre Jacqueline Gourault est venue défendre, lors d’une audition devant les sénateurs, le budget de son ministère élargi lors du remaniement : celui de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Une promotion vue d’un bon œil au Sénat, mais qui n’a pas suffi à dissiper les inquiétudes des sénateurs.

« Il faut agir vraiment » pour « que l’aménagement du territoire ne soit plus le parent pauvre des politiques publiques », a réclamé le sénateur Hervé Maurey. Le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable entend « juger sur pièces » la « volonté du gouvernement d’agir en faveur des territoires ».

Selon le projet de loi de finances présenté par le gouvernement, les crédits de la mission « Cohésion des territoires » baisseront globalement, passant de 17,2 milliards d’euros en 2018 à 16,2 milliards d’euros à 2019. C’est la conséquence d’une réduction des budgets sur le Logement (hébergement des personnes vulnérables, aides au logement ou encore programme d’amélioration de l’habitat).

Les autres politiques territoriales s’inscrivent, elles, en hausse. Le programme 112 du PLF, l’impulsion et la coordination de la politique d’aménagement du territoire, bénéficiera de 201,7 millions d’euros. « C’est +8,8% par rapport à 2018 », salue la ministre. Mais en crédits de paiement (ce qui est effectivement dépensé sur une année), c’est une diminution de 4%. C’est notamment ces fonds qui vont nourrir le plan « Action Cœur de ville », censé redynamiser les centres-villes en difficulté des villes petites et moyennes.

Hausse notable des crédits pour la politique de la ville

Quant à l’argent mobilisé pour la politique la ville, il progresse lui aussi sensiblement, passant de 429 millions d’euros à 673 millions d’euros (en autorisations d’engagements).

Mais la prudence reste de mise. La tendance sur le long terme inquiète notamment la commission sénatoriale. Pour la politique d’aménagement du territoire, les moyens vont passer de 18 milliards d’euros en 2017 à 15 milliards en 2020, selon Hervé Maurey, qui se réfère à la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Sur le plan des dotations de l’État aux collectivités, plusieurs sénateurs soulignent qu’il faudra rebâtir une confiance avec les élus locaux. « 2.200 communes ont plutôt constaté des baisses de la DGF (dotation globale de fonctionnement) », rappelle le président de la commission. Un autre sénateur pose la question de la lisibilité dans le fléchage des dotations.

« Infirmière de la Macronie » (un surnom donné ce matin sur France Inter, et rappelé au cours de la séance de questions par le sénateur PS Olivier Jacquin), la ministre Jacqueline Gourault porte également un autre projet pour donner un nouvel appui aux territoires : l’Agence nationale de cohésion des territoires. C’était l’autre objet de sa venue devant les sénateurs.

« Le gouvernement a entendu l’Association des maires de France », explique-telle, en rappelant qu’il s’agissait d’une demande de François Baroin. L’acte de naissance est contenu dans une proposition de loi, selon le souhait de son prédécesseur Jacques Mézard. Le texte, porté par le sénateur (RDSE) Jean-Claude Requier, sera discuté au Sénat le 8 novembre.

Des sénateurs dubitatifs sur la future Agence nationale de cohésion

« Le gouvernement entend y apporter son soutien », précise d’emblée Jacqueline Gourault, sans fermer la porte à des « améliorations ». Elle ajoute que le gouvernement « souhaite que l’agence soit opérationnelle très rapidement ». « On ne crée pas un machin », assure-t-elle. Ce guichet national, avec les préfets comme interlocuteurs au niveau local, servira à « coordonner » les services d’ingénierie de l’État, selon la ministre. En clair, cette agence « au service » des collectivités devra apporter un appui technique, dans la réalisation de leurs projets. Une « aide sur mesure » qui partira des « besoins du terrain ». La priorité est donnée aux « territoires ruraux » et « aux plus fragiles », qui ne disposent pas de ce type de services.

De manière générale, les sénateurs de la commission de l’aménagement du territoire ont voulu donner un a priori positif à cette Agence. Plusieurs soulignent que son « utilité ne fait pas débat ». Mais beaucoup ont exprimé des doutes, sinon des interrogations.

Dans les départements qui sont déjà dotés d’agences techniques, les parlementaires s’interrogent sur le risque de doublons, voire de « millefeuille ». Le mot est lâché. Marta de Cidrac (LR) ne cache pas être « dubitative » face au projet de l’Agence nationale de cohésion du territoire.

Le spectre d’une déception dans les territoires

La crainte de doucher les espoirs des élus locaux est très présente. Le rapporteur du texte, Louis-Jean de Nicolaÿ (LR), craint que « la montagne accouche d’une souris ». Le sénateur (PS) Michel Dagbert a « un peu peur qu’elle suscite beaucoup d’attente dans les territoires ». Des questions se posent sur les effectifs et les moyens de la nouvelle structure, ou encore sur sa gouvernance. Son périmètre fait, lui, déjà débat.

Jacqueline Gourault aimerait faire reposer les bases de l’Agence sur plusieurs établissements actuels (ou une partie d’entre eux) : le Commissariat général à l'égalité des territoires, l'Epareca (Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux) ou encore l’Agence du numérique.

Et lorsqu’il est question de cohésion territoriale, l’internet haut débit et la disparition des zones blanches ne sont jamais laissés de côté dans les interventions. Le sénateur Patrick Chaize (LR) aborde la question de la réalisation du plan « France très haut débit ». L’élu de l’Ain, très mobilisé sur ces problématiques, affirme que les « 3,3 milliards d’euros [du plan] sont consommés » et qu’il « manque une rallonge financière sur le sujet ».

Quant au déploiement de la 4G sur l’ensemble du territoire, « malheureusement, on n’y est pas encore », tacle Hervé Maurey. Et d’enfoncer le clou : « On n’y sera même pas à la fin du quinquennat ». « Si », rétorque la ministre. Une audition prochaine consacrée au numérique et au déploiement du plan du gouvernement est annoncée.

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