Budget 2020 : la Sécu « s’éloigne brutalement » de l’équilibre financier, alerte Didier Migaud

Budget 2020 : la Sécu « s’éloigne brutalement » de l’équilibre financier, alerte Didier Migaud

Le premier président de la Cour des comptes a présenté à la commission des Affaires sociales son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Il épingle une dégradation notable en seulement un an, conséquence des réponses à la crise des gilets jaunes.
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Chaque année, c’est l’audition qui marque le début du marathon budgétaire pour la commission des Affaires sociales. Ce 9 octobre, la commission des Affaires sociales du Sénat auditionnait Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, venu présenter le contenu de son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Alors qu’ils s’apprêtent à travailler sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, cet échange était l’occasion pour les sénateurs de prendre du recul sur l’évolution les comptes de la Sécu.

Le rapport fait état d’une dégradation très nette des comptes de la « Sécu ». Les parlementaires s’attendaient à un dérapage budgétaire, après avoir voté en décembre 2018 des « mesures d’urgence économique et sociale », dont beaucoup reposaient sur des allègements ou l’absence de cotisations sociales. « Alors qu’elle s’approchait de l’équilibre financier l’an dernier, la Sécurité sociale s’en éloigne désormais brutalement, en rupture avec la trajectoire de redressement poursuivie depuis 2011 », a résumé Didier Migaud, osant une comparaison avec le PLFSS pour 2019, qui prévoyait le premier retour à l’équilibre de la Sécu depuis 2001. 

Par rapport aux prévisions de 2019, les prévisions pour 2020 laissent apparaître un « écart massif » de 5,5 milliards d’euros. « En quelques mois, la donne a radicalement changé », a considéré Didier Migaud, ajoutant que le scénario de désendettement était désormais « caduc ». Le tout, dans une conjoncture économique qui ne s’est « pas fondamentalement dégradée ».

Les niches sociales (exonérations de cotisations) pèsent près de 90 milliards d’euros

Les mesures d’urgence de la fin 2018, notamment l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités et l’avancement des exonérations sur les heures supplémentaires, ne représentent que la moitié du creusement du « trou de la Sécu ». L’autre moitié s’explique par l’emploi et les salaires qui ont progressé moins vite que prévu (occasionnant là un milliard d’euros de manque à gagner) et une accélération des dépenses (+2,5% cette année).

Parmi les pistes potentielles de corrections, le premier président de la Cour des comptes est allé dans plusieurs directions dans ses observations. Il préconise ainsi d’évaluer les 90 milliards d’euros de niches sociales. Certaines exonérations de cotisations sociales ne répondent pas aux objectifs, selon lui. « Il y a vraisemblablement une marge qui peut être améliorée ». Voilà pour les recettes. Trois postes – « particulièrement dynamiques » – ont été ciblés : la question des départs à la retraite anticipés (qui concerne un salarié sur deux selon la Cour des comptes), les indemnités pour les arrêts maladie, et surtout, la prise en charge des transports de malades. « Dépourvue de mécanismes de régulation », cette dépense se chiffre désormais à 5 milliards d’euros pour la Sécurité sociale. Les écarts de prix peuvent même varier d’un à quatre, d’un département à l’autre, a souligné le président de la sixième chambre de la Cour des comptes, Denis Morin.

Malgré le cri d’alarme de la Cour des comptes, et des sénateurs, le gouvernement a tenté de rassurer sur l’avenir de la trajectoire des comptes de la Sécu. « En 2020, nous financerons nos priorités pour répondre à l’urgence sociale », a fait savoir le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin. Mais, « le retour à l’équilibre et le désendettement restent nos priorités ». Didier Migaud, lors de son audition, a souligné que le retour à l’équilibre prendrait du temps. « Il est reporté à au mieux 2023. Et une grande partie de l’effort interviendrait après 2022 ».

Dans ce PLFSS 2020, le débat entre la majorité sénatoriale et le gouvernement promet de belles joutes oratoires, sur l’absence de compensation pour la Sécurité sociale du coût des mesures sociales de l’hiver dernier. L’an dernier déjà, le sénateur centriste Jean-Marie Vanlerenberghe (rapporteur général du PLFSS) reprochait au gouvernement des coups de rabot sur certaines branches de la Sécurité sociale. « Il ne faut pas faire les poches de la Sécu avant même que celles-ci ne soient pleines », mettait-il en garde.

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