Budget de la Justice en hausse : un rattrapage « tardif mais bienvenu »
Jeudi soir, le Premier ministre, Jean Castex a annoncé une augmentation de 8% du budget de la Justice pour 2021. Au Sénat, on s’interroge sur le fléchage de ces crédits. En 2018, la Haute assemblée avait rejeté la loi de programmation et de réforme de la justice en raison de l’insuffisance des crédits alloués.

Budget de la Justice en hausse : un rattrapage « tardif mais bienvenu »

Jeudi soir, le Premier ministre, Jean Castex a annoncé une augmentation de 8% du budget de la Justice pour 2021. Au Sénat, on s’interroge sur le fléchage de ces crédits. En 2018, la Haute assemblée avait rejeté la loi de programmation et de réforme de la justice en raison de l’insuffisance des crédits alloués.
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« En 2017 et en 2018, nous avions déjà dit qu’il fallait plus de budget pour la Justice. On a toujours tort d’avoir raison trop tôt » résume François-Noël Buffet, vice-président LR de la commission des lois, rapporteur du projet de loi de programmation et de réforme de la justice, lorsqu’on l’interroge sur l’annonce d’une hausse du budget de la justice en 2021.

Jeudi soir, invité de l’émission « Vous avez la parole » sur France 2, le Premier ministre, Jean Castex a annoncé une augmentation de 8% pour 2021 « du jamais vu depuis 35 ans » selon lui. Une hausse « historique » a appuyé, ce vendredi, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti sur RTL. Avec 7,5 milliards d’euros cette année, le budget devrait atteindre 8,2 milliards en 2021.

« Du jamais vu ? Il me semble avoir présenté un budget pour 2017 (hors compte d'affectation spécial pension – CAS) de 6,892 milliards d'euros en crédits de paiement ce qui représentait une progression est de 9 % par rapport à 2016 » a dans la foulée tempéré, l’ancien ministre de la Justice, socialiste, Jean-Jacques Urvoas.

Éric Dupond-Moretti pratique une ‘trumpisation’ de la politique

« C’est une annonce à laquelle nous n’avons pas été associés. Sur le principe on ne peut que se réjouir de la hausse du budget mais nous nous ne savons pas où vont aller les crédits » s’interroge Ludovic Friat, délégué de l'USM (Union syndicale des magistrats) à Bobigny avant d’ajouter : « En tant que syndicat majoritaire, il aurait été plus constructif, dans le cadre du contradictoire, cher à notre ministre, de nous consulter. Éric Dupond-Moretti est dans la mise en scène, il pratique une ‘trumpisation’ de la politique où il classe d’un côté les bons et de l’autre les mauvais ». C’est peu dire que le torchon brûle entre les magistrats et Éric Dupond-Moretti, une semaine après l’annonce d’une enquête administrative visant trois membres du parquet national financier (PNF) et au lendemain d’une manifestation de magistrats, venus exprimer leur colère à l’encontre de l’ancien avocat.

 « Le gouvernement essaye de donner quelques signaux pour calmer la colère. Je ne sais pas si ça mérite qu’on s’en félicite au-delà du raisonnable. On va attendre le prochain projet de loi de finances et un bon débat parlementaire pour voir ce qu’il y a sous le capot » estime le sénateur PS, membre de la commission des lois, Jérôme Durain.

Recrutement « 900 personnels tout de suite »

En effet, peu de détails ont accompagné le fléchage de ces crédits. Le Premier ministre a évoqué « des moyens pour faire reculer la violence » et l’embauche de « 900 personnels tout de suite ». Une partie du budget va être « fléchée vers des juges pénaux de proximité », pour traiter les « petits délits » qui, « compte tenu de l'embouteillage (des tribunaux), passent complètement sous le radar, c'est-à-dire qu'une forme d'impunité s'est installée sur tous ces petits faits ».

Pour François-Noël Buffet, « la Justice a besoin d’un effort considérable de modernisation de son matériel numérique. Certains de ses logiciels datent de 1989 et on a vu à quel point c’était problématique pendant le confinement. Il y a également un manque criant de greffiers pour rendre les décisions plus rapidement. En matière d’exécution des peines, ce sont des lieux privatifs de liberté adaptés qui font défaut ».

Quand le Sénat préconisait près de 9 milliards de budget en 2022

Des manques constatés par la Haute assemblée dès 2017 dans un rapport intitulé « Cinq ans pour sauver la Justice ». Le Sénat préconisait une augmentation des crédits de 33,8% sur la période 2017-2022, pour atteindre 8,99 milliards d’euros en 2022. Fin 2018, la Haute assemblée avait rejeté le projet de loi de programmation et de réforme de la justice qui prévoyait une augmentation de 23,5% sur l’ensemble de la période 2018-2022, passant de 7 milliards à 8,3 milliards à la fin du quinquennat. « Cette loi n’a d’ailleurs même pas été respectée » rappelle le président LR de la commission des lois, Philippe Bas. En juillet 2019, le gouvernement avait, en effet, annoncé la baisse des crédits du budget de la justice pour les années 2020 à 2022, portant l’effort 8,12 milliards d’euros en 2022, contre 8,3 milliards d’euros votés dans la loi de programmation.

 « Le changement de politique décidé par le Premier ministre est tardif puisqu’il intervient en fin de mandat, mais il est le bienvenu. Il faut maintenant inscrire ce redressement dans la durée en adoptant une nouvelle loi de programmation. L’effort engagé ne doit pas être sans lendemain sinon il sera vain » demande Philippe Bas.

 

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