Bureau politique des LR sur la primaire : « Entre aujourd’hui et mercredi, le téléphone va chauffer ! »
Bruno Retailleau veut un débat mercredi au bureau politique sur sa proposition de primaire. Alors que le bureau a été renouvelé, chacun compte ses appuis et deux lignes risquent de s’affronter. Comme résume un sénateur, « Retailleau, c’est accélérons, Jacob c’est freinons. De là à se foutre sur la gueule, il ne faut pas exagérer… »
2022 est encore très loin pour les Français. Mais chez les LR, Bruno Retailleau presse son parti de définir les règles internes pour la désignation du candidat pour la présidentielle. Et vite, sans attendre après les régionales, reportées en juin, comme le souhaite Christian Jacob, président du parti.
Le patron des sénateurs LR, qui rêve d’être le candidat de la droite, a écrit à tous les membres du bureau politique pour leur soumettre son idée : un système de départage, autrement dit une primaire organisée en octobre, avec un seul vote préférentiel, où on peut « choisir plusieurs candidats en indiquant un ordre de préférence ». Manière aussi d’éviter les divisions d’un second tour, en cas de primaire classique. Ce système serait ouvert à tous les candidats, membres de LR ou pas, comme Xavier Bertrand, et ouvert aux militants comme aux sympathisants.
« Le bureau politique est très Assemblée nationale, beaucoup plus que Sénat »
En mettant sa proposition sur la table, Bruno Retailleau veut forcer son parti à décider et débattre du sujet, dès le bureau politique (BP) qui se tient ce mercredi 16 décembre. Prévu à l’origine en fin de journée, il a été avancé à 10h30. Le sujet n’était pas au programme, mais il compte bien l’imposer.
Reste à voir si les dirigeants de LR sont prêts à suivre. Le président du parti, Christian Jacob, a déjà fait savoir son opposition. « Le débat sur la présidentielle, aujourd’hui, chez nous, n’a aucun sens » soutient-il dans Le Figaro. « Qui peut dire dans quelle situation on sera dans six mois ? C’est totalement hors sujet. Faisons preuve d’humilité et de modestie » ajoute le député.
Avant le bureau, Christian Jacob prépare le terrain. « Christian a passé quelques coups de fil. Et le bureau politique est très Assemblée nationale, beaucoup plus que Sénat. Il y aura un débat, mais les députés sont plutôt contre le principe de la primaire » estime-t-on du côté du groupe LR de l’Assemblée. L’idée de Bruno Retailleau n’a en effet pas la cote chez tout le monde. « Je suis contre le système de départage. Les conditions ne sont pas réunies pour organiser une primaire. Elle sera dégradée, avec moins de participants, moins de pognon » estime l’un des dirigeants des LR, sur la ligne Jacob.
« Qu’on définisse rapidement comment on désigne notre candidat »
Le match, ou plutôt le débat, est-il joué d’avance ? Une chose est sûre : « Entre aujourd’hui et mercredi, le téléphone va chauffer ! » lance un sénateur LR. Un élément va jouer dans la balance : il s’agit d’un nouveau bureau politique, qui vient d’être renouvelé par Christian Jacob le 4 novembre dernier. « Des proches sont entrés au bureau » souligne-t-on. De quoi tout garder sous contrôle ? « Il a tenu compte des différentes tendances. Il n’a pas bétonné. Il l’a fait loyalement » tempère un sénateur LR. Quelques sénatrices font leur entrée au BP, comme Valérie Boyer, qui est proche de la ligne Retailleau, Jacqueline Eustache-Brinio, Dominique Estrosi-Sassone ou Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.
« Bruno Retailleau a raison, et c’est aussi la position de Gérard Larcher, de demander qu’on définisse rapidement comment on désigne notre candidat » soutient cette dernière. « Le sujet doit être tranché rapidement » ajoute Catherine Deroche. « Les sénateurs craignent un trou d’air d’ici les régionales. Et mon petit doigt me dit qu’en juin, on n’est pas sûrs de les avoir à cause du Covid-19 » lâche un autre. Soutien aussi de Jacqueline Eustache-Brinio, qui est « sur la ligne Retailleau. La présidentielle va venir rapidement, donc il faut de nouvelles règles ». Elle ajoute :
On a déjà un président de la République un peu en campagne mine de rien, qui surfe sur notre électorat. Il faut aller le rechercher. Donc il ne faut pas perdre trop de temps.
Dans cette affaire, Bruno Retailleau bénéficie aussi du soutien du député européen LR, François-Xavier Bellamy, proche de sa ligne politique. « Aujourd’hui, il n’y a pas de candidat à la présidentielle qui s’impose à droite. Donc il faut bien trouver une manière de départager les candidats, de trancher, non seulement une personne, mais encore plus important, sur une ligne » affirme ce matin le député européen, invité de la matinale de Public Sénat. Regardez :
Un soutien de l’ancienne tête de liste des LR aux européennes sur laquelle certains s’appuient pour justement décrédibiliser une candidature du patron des sénateurs LR. « Retailleau, ce n’est pas une bonne idée. C’est la droite Bellamy et ça finit à 8 %… » lâche un député LR de poids. Le même ajoute : « Bruno Retailleau a du talent, il a une vraie réflexion politique. Mais il a une image qui ne correspond pas à la société actuelle ». Ce responsable rêve plutôt d’un ralliement – qui semble aujourd’hui complètement virtuel – du sénateur de Vendée au président des Hauts-de-France. « Retailleau derrière Bertrand, c’est possible. Il y a une complémentarité très claire » croît ce poids lourd des LR.
Xavier Bertrand raille une « usine à gaz »
Interrogé ce matin sur Europe 1, Xavier Bertrand raille quant à lui la proposition du sénateur de Vendée. « Franchement, je n’ai rien compris à la proposition » dit-il, y voyant « une usine à gaz ». Au sein même du groupe LR du Sénat, l’idée d’une primaire ne fait pas que des heureux. « Bruno Retailleau a de la suite dans les idées et est très cohérent en étant favorable à des primaires. Mais je trouve que les Français sont en ce moment focalisés sur la crise sanitaire, leur frustration de ne pas pouvoir aller au cinéma ou assister à un spectacle, l’envie de passer des fêtes de Noël en famille ou leur inquiétude sur les conséquences économiques pour 2021 ! C’est trop tôt pour en parler » estime la sénatrice LR Laure Darcos, soutien de Valérie Pécresse, qui s’est aussi rapproché de Xavier Bertrand depuis quelques temps.
En cas de nouvelle primaire, la sénatrice de l’Essonne ne le sent pas. « J’ai un tel souvenir épouvantable de la lourdeur d’organisation de la primaire de 2016, que pour l’instant j’y suis très réticente » lance Laure Darcos.
« Est-ce que Christian Jacob roule pour Xavier Bertrand qui n’est plus chez nous ? »
Chez les sénateurs, certains s’interrogent aussi sur le rôle du président du parti. Catherine Deroche n’hésite pas ainsi à mettre un peu les pieds dans le plat : « Il faut se dire les choses. Quand Christian Jacob est devenu président de LR, on sait très bien qu’il était là pour garder la place au chaud pour François Baroin. Mais François Baroin ne veut pas y aller et il a le droit. Donc maintenant, c’est compliqué. Est-ce qu’il roule pour quelqu’un d’autre ? En gros pour Xavier Bertrand qui n’est plus chez nous ? C’est un peu compliqué… » S’il s’agissait de la stratégie, elle devrait mal passer, prévient cet autre sénateur LR :
Si le tout sauf Retailleau consiste à mettre uniquement Bertrand en face, ça consistera un problème pour un certain nombre d’entre nous.
Un autre n’y croit pas : « Jacob ne roule pas pour Bertrand ». Ce sénateur LR, qui connaît bien le parti, espère qu’aucun vote n’aura lieu mercredi sur la proposition de Bruno Retailleau. « Je suis contre le vote, pour éviter l’humiliation des uns ou des autres. Ecraser Retailleau et Larcher, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée pour la suite… » glisse-t-il. Certains espèrent que les choses se calmeront. « Retailleau, c’est accélérons, Jacob c’est freinons. De là à se foutre sur la gueule, faut pas exagérer… Entre gens de bonne foi, tout le monde s’entend ». On peut toujours prier.
Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.
La présidente des députés RN attend de voir comment se construit le futur budget avant de se positionner vis-à-vis du prochain gouvernement de François Bayrou. Assurant de pas avoir pris d’engagement, elle « ne renonce pas » à l’outil de la motion de censure.
Après l’annonce de la nomination de François Bayrou à Matignon, les sénateurs LR du Sénat sont dans l’expectative. La participation de la droite au prochain gouvernement, dépendra de l’engagement du Premier ministre sur les priorités qu’il a fixé notamment sur la maîtrise de l’immigration et bien sûr du maintien en poste du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Emmanuel Macron vient de nommer François Bayrou Premier ministre. Le président du MoDem devient ainsi le premier centriste de la Vème République à accéder à Matignon, il doit désormais composer son gouvernement et se protéger du risque de censure. Allié fidèle mais critique d’Emmanuel Macron, il devra réussir à parler aussi bien aux socialistes qu’à la droite. Analyse sur le plateau de Public Sénat.