L’agenda parlementaire est déjà chargé pour 2021, une période stratégique pour l’exécutif car c’est la dernière année complète avant l’élection présidentielle de 2022, et donc la dernière année du quinquennat pour faire voter des lois importantes au Parlement.
Séparatisme, Convention citoyenne pour le climat : un premier semestre embouteillé
Plusieurs grands textes annoncés par le gouvernement fin 2020 doivent se concrétiser en 2021.
- Le projet de loi luttant contre le séparatisme (rebaptisé projet de loi confortant les principes républicains), présenté le 9 décembre en Conseil des ministres, doit être examiné par le Parlement au premier semestre. Il débute son examen au Parlement à l’Assemblée a priori au mois de février. Ce texte sensible d’une cinquantaine d’articles entend réaffirmer les principes de laïcité et s’attaquer à l’islamisme radical. Enrichi en matière de lutte contre la haine en ligne et de protection des fonctionnaires face aux actes d’intimidation après l’assassinat de Samuel Paty, le projet de loi promet des débats enflammés au Parlement. Le gouvernement espère un examen au Sénat fin mars-début avril.
- Le Projet de loi constitutionnelle visant à intégrer la défense de l’environnement dans l’article 1er de la Constitution fait aussi partie des priorités du gouvernement. Cette réforme a été confirmée par Emmanuel Macron le 14 décembre devant la Convention citoyenne par le climat : le président de la République a annoncé sa volonté de soumettre à référendum l’intégration de la préservation de l’environnement et de la biodiversité dans l’article 1 de la loi fondamentale. Ce texte, qui ne comporte qu’un article, sera présenté en Conseil des ministres fin janvier puis doit être adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat avant de pouvoir être soumis à référendum. Or, la majorité sénatoriale a déjà annoncé son hostilité à une telle réforme. Le passage au Sénat est prévu a priori pour le mois de mai.
- Autre texte issu de la convention citoyenne pour le climat, le projet de loi qui doit en découler. Là encore, l’objectif est de présenter le texte en Conseil des ministres fin janvier et de lancer les discussions au Parlement en février pour une adoption d’ici l’été. Le 29 juin 2020, le président de la République avait promis de reprendre 146 propositions sur 149 « sans filtre ». Le texte va néanmoins passer par le filtre du Parlement. Les 7 et 8 décembre, l’exécutif a organisé 5 réunions réunissant ministres, parlementaires (mais pas de sénateurs, Gérard Larcher s’y étant opposé) et membres de la Convention citoyenne. Des ateliers qui ont repris 5 thématiques (se déplacer, se loger, consommer, se nourrir, produire et travailler) que l’on retrouve comme têtes de chapitres dans l’avant-projet de loi. Un texte que la Haute Assemblée pourrait examiner en juin.
D’ici fin mars, des urgences au Sénat : report des élections, bioéthique, état d’urgence sanitaire
Au-delà de ces grands textes annoncés fin 2020, le premier trimestre 2021 au Sénat va être consacré à des urgences.
- La loi reportant les élections départementales et régionales va être débattue en première lecture au Sénat le 26 janvier avant d’être examinée par l’Assemblée. Elle doit être impérativement adoptée par le Parlement avant mi-mars, date à laquelle devaient se tenir ces élections, qui sont reportées au mois de juin en raison de la pandémie.
- Le 26 janvier, le Sénat débattra aussi de la réforme de la justice des mineurs, un texte qui ratifie l’ordonnance du 11 septembre 2019 et qui crée un code pénal de la justice des mineurs.
- Le 2 février, le Sénat examinera en 2e lecture la loi de bioéthique, l’un des rares textes qui échappe à la procédure accélérée. Ce projet de loi, qui prévoit notamment l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, a été adopté par le Sénat en février 2020 d’une courte majorité. Mais cette fois-ci, la moitié du Sénat a été renouvelée, ce qui rend l’issue du vote incertaine.
- L’état d’urgence sanitaire ayant été prolongé jusqu’au 16 février, on peut s’attendre à un nouveau projet de loi prolongeant cette situation d’exception dans les jours précédant cette échéance. Un tel texte dépend également de la situation sanitaire. Quant au projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, un texte qui a suscité bien des inquiétudes ces dernières semaines car susceptible de restreindre les libertés de ceux qui refusent de se faire vacciner, il ne doit pas être examiné avant la fin de la pandémie, a promis Olivier Véran.
- La proposition de loi sur la sécurité globale, dont l’article 24 fait polémique, doit être débattue en mars au Sénat. En attendant, les sénateurs ont déjà présenté leurs grands axes de travail au mois de décembre : refonte de l’article 24, mais aussi encadrement des nouveaux aménagements prévus en matière de vidéosurveillance et des pouvoirs des polices municipales.
Semaine de contrôle et semaine sénatoriale : la reprise au Sénat
Les deux premières semaines de reprise au mois de janvier au Sénat sont des semaines de contrôle (qui permet aux sénateurs de débattre et d’évaluer les politiques publiques du gouvernement) et sénatoriale (consacrée aux propositions de loi présentées par les différents groupes).
Le 12 janvier, les sénateurs débuteront l’année avec un débat sur la montagne (à la demande du groupe LR). L’occasion pour de nombreux sénateurs concernés par les restrictions imposées aux stations de ski de faire entendre leur voix et leur opposition aux décisions du gouvernement.
Le 13 janvier, le Sénat va nommer les dix-neuf membres de la mission d’information « destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités ». L’occasion, après la commission d’enquête covid-19 consacrée à la gestion de la crise sanitaire, de s’intéresser de plus près au volet économique de la crise.
Le 19 janvier, deux propositions de loi sénatoriales LR seront débattues dans l’hémicycle, consacrées aux squats (après l’affaire de Théoule-sur-mer) et aux gens du voyage. Les 20 et 21, les sénateurs débattront de textes sociétaux sensibles : la proposition de loi renforçant le droit à l’IVG, adoptée par l’Assemblée et qui permet d’allonger de 12 à 14 semaines le délai pour avoir recours à l’avortement. Le lendemain, les sénateurs débattront de la proposition de loi présentée par la présidente de la délégation aux droits des femmes Annick Billon pour mieux protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels.
2021 : quels textes sacrifiés ?
La fameuse grande loi sur la dépendance, annoncée plusieurs fois et reportée plusieurs fois, va-t-elle pouvoir être au programme de 2021 ? Ce texte à 10 milliards d’euros paraît pour l’instant enlisé. Brigitte Bourguignon, la ministre chargée de l’autonomie, a eu beau entrer au gouvernement l’été dernier pour porter cette réforme, beaucoup craignent un nouveau report.
La loi 4D, particulièrement attendue par le Sénat et par les collectivités, pourrait, elle aussi, faire les frais du calendrier encombré en cette dernière année utile du quinquennat. Tout comme la réforme des retraites, dont l’opportunité fait débat au sein de la majorité. La pandémie a en effet tout bousculé et l’exécutif s’interroge sur la voie à tracer, entre apaisement nécessaire après une telle crise sanitaire et économique, et poursuite des réformes mises entre parenthèses par la covid-19-19.