« Ce qui disparaît dans le service public, c’est aussi un rapport humain » estime le géographe Hervé Le Bras

« Ce qui disparaît dans le service public, c’est aussi un rapport humain » estime le géographe Hervé Le Bras

Invité de l’émission « On va plus loin », Hervé Le Bras, géographe et directeur d’étude à l’EHESS, analyse les conclusions du rapport 2018 du Défenseur des droits, qui pointe du doigt un effacement des services publics en France. 
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Si dans son rapport annuel, publié mardi, Jacques Toubon, Défenseur des droits, alerte sur un « renforcement de la répression » en France, et un « affaissement » des libertés, il met également en garde contre un effacement progressif des services publics.

Ce constat, le géographe et directeur d’étude à l’EHESS, Hervé Le Bras le fait également : « Le sentiment d’isolement est de plus en plus grand parce que, ce qui disparaît dans le service public, outre qu’il est éloigné, c’est aussi un rapport humain. Beaucoup de personnes, ça m’arrive aussi, sont un peu désarmées devant un grand nombre de démarches administratives. C’est pour ça qu’un certain nombre de prestations sociales ne sont pas demandées par ceux qui y auraient droit. C’est le cas du RSA (…) On manque de personnes qui facilitent. »

Le géographe rejette l’idée d’une opposition métropoles/périphéries, sur toutes ces questions : « Ce n’est pas du tout vrai dans des départements comme la Vendée, la Loire-Atlantique (…) C’est vrai dans une zone qui s’étend des Ardennes au Cantal et puis dans des poches au sud de la Normandie, au centre de la Bretagne. Ce n’est donc pas une périphérie, c’est une partie de la périphérie. Et c’est une partie sur laquelle il faudrait concentrer les efforts. Il y a une demande - c’est le titre du livre du géographe Jacques Levy - de « justice spatiale » »

Et si les services publics sont en berne, « c’est parce qu’on décide de faire des économies » estime Hervé Le Bras. « Ça fait un peu boule de neige (…) Dans les zones qui se dépeuplent (…) on commence, dans un service public, à fermer l’après-midi. Et puis, on ouvre seulement le lundi et le mardi. Et puis, comme cela devient très compliqué de savoir quand c’est ouvert, on n’y vient plus du tout. Et donc, la clientèle est encore plus faible et à ce moment-là, on ferme. Donc, il y a un mécanisme cumulatif qui est lié cette fois-là, à la dépopulation. »

 

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Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.

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