« Cette élection est un référendum social, vous êtes prévenus » : Jean-Luc Mélenchon cible l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron

« Cette élection est un référendum social, vous êtes prévenus » : Jean-Luc Mélenchon cible l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Lors d’une « marche pour la VIème République », Jean-Luc Mélenchon a fait de la prochaine élection présidentielle un « choix de société » à l’aune du programme libéral dévoilé par Emmanuel Macron en fin de semaine. Dans une campagne qui peine à mobiliser, le candidat LFI a voulu mobiliser, autant à gauche que les abstentionnistes.
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Par Louis Mollier-Sabet / Images : Quentin Calmet et Jérôme Rabier

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Dans une campagne atypique, voire parfois atone, certaines images d’Epinal font parfois du bien. C’est la troisième marche pour la VIème République organisée avant une élection présidentielle où se présente Jean-Luc Mélenchon après 2012, 2017, et maintenant 2022. La recette est maintenant connue et la mécanique bien huilée : une marche un beau dimanche de mars, qui se solde par un grand meeting à quelques semaines du premier tour, sur un des tracés classiques de la manifestation parisienne, entre la place de la Bastille et la place de la République.

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Départ de la marche pour la VIème République, place de la Bastille le dimanche 20 mars
Quentin Calmet

Et c’est pour une VIème que marchaient les Insoumis aujourd’hui, sur un rythme flâneur, mais décidé, comme la tortue que Jean-Luc Mélenchon espère imiter dans sa course face au lièvre, en cette fin de campagne. Un rythme de tortue, certes, mais de tortue festive, emprunte de toute cette culture carnavalesque qui caractérise les mouvements sociaux protestataires, auxquels la France Insoumise veut offrir un débouché politique. Des militants de Nice ont par exemple repris la tradition du carnaval de Nice du « lancer de paillassou », mais en grimant le mannequin balancé par un drap blanc en Emmanuel Macron.

Le carnaval, c’est un moment de renversement de la hiérarchie sociale, ces militants en font un moment de renversement littéral de l’ordre politique en chantant « et Macron, il va sauter, allez, allez. » L’ambiance est à la fête, mais ce sont les choses sérieuses qui commencent dans cette dernière ligne droite. Le nouveau slogan de campagne de Jean-Luc Mélenchon figure sur de nombreuses pancartes : « Un autre monde est possible. »

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"Un autre monde est possible, J-21" sur une pancarte lors de la marche pour la VIème République le dimanche 20 mars
Quentin Calmet

Retraite à 60 ans : « Un aller-retour au bureau de vote et un bulletin à mon nom suffiront »

Devant 100 000 personnes, d’après la France Insoumise, le candidat le martèle lui-même dans son discours : « Nous sommes venus dire de toutes nos forces qu’un autre monde est nécessaire et que nous le rendrons donc possible. » À trois semaines du 1er tour, Jean-Luc Mélenchon atteint maintenant souvent la troisième place dans les sondages, à quelques points de Marine Le Pen et des portes du 2ème tour. Jean-Luc Mélenchon le sent, comme en 2017 il ne lui manquera probablement pas grand-chose. Alors il mise sur une mobilisation face à l’entrée en campagne pour le moins libérale d’Emmanuel Macron : « Cette élection est un choix de société depuis que M. Macron a annoncé son programme. Ce vote est un référendum social, vous êtes prévenus. » L’entrée en campagne du Président de la République, retardée et compliquée par la crise ukrainienne, a enfin précisé ses intentions pour un éventuel second quinquennat.

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Affiches de la campagne de Jean-Luc Mélenchon à côté d'une affiche transformant Emmanuel Macron en Gilet Jaune éborgné, lors de la marche pour la VIème République le dimanche 20 mars
Quentin Calmet

Face à lui, Jean-Luc Mélenchon veut faire de certaines mesures emblématiques de la droite libérale, et reprises par le chef de l’Etat, un repoussoir pour d’éventuels électeurs qui auraient pu se laisser séduire par le « en même-temps » macronien : « Dans moins de 30 jours, la droite et l’extrême droite, de Macron, à Zemmour et Le Pen, annoncent le même passage en force vers la retraite à 65 ans. […] Avec le gouvernement de l’Union populaire, nous passerons à la retraite à 60 ans. Vous n’aurez pas besoin de faire des grèves coûteuses pour votre budget ou des manifestations rendues dangereuses par le préfet Lallement. Un aller-retour au bureau de vote et un bulletin à mon nom suffiront. » Ce dimanche, Jean-Luc Mélenchon a renoué avec la « révolution citoyenne » qu’il avait théorisée il y a quelques années, et avec ses racines mitterrandiennes du « changer la vie », en faisant du vote un acte révolutionnaire. En bon cartésien, pour la troisième marche pour la VIème République, le candidat de l’Union populaire a voulu tenter une sorte de synthèse entre le Mélenchon du Front de gauche de 2012 et le Mélenchon populiste de 2017.

VIème République : « Ce sera une vraie incitation à se réinvestir dans la vie du pays »

D’une part, le but est de mobiliser à gauche, en faisant d’Emmanuel Macron le candidat de la droite, dans une logique de gauche radicale qui avait présidé à la création du front de gauche : « Choisissez la retraite à 65 ans avec Macron ou la retraite à 60 ans avec Mélenchon. » D’autre part, le discours développé par le candidat LFI sur la VIème République joue, lui, un rôle de mobilisation des abstentionnistes et des citoyens les plus éloignés de la politique, pour aller chercher des voix qu’il aura du mal à trouver chez une gauche déjà moribonde. En plus de nombreuses allusions aux Gilets Jaunes, qu’un gouvernement « d’Union populaire » amnistierait et dédommagerait, Jean-Luc Mélenchon a vu dans sa proposition de VIème République un débouché naturel de ces aspirations populaires : « Voici venu l’heure de la VIème République. Ce sera le travail d’une Assemblée constituante et pas d’un petit comité d’expert qui viendrait vous demander si oui ou non vous êtes d’accord avec votre trouvaille. Ce sera une vraie incitation à se réinvestir dans la vie du pays. »

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Quentin Calmet

Le candidat cite ainsi le référendum d’initiative citoyenne et la révocation des élus, « quand les conditions seront réunies », notamment avec une certaine partie du corps électoral nécessaire pour enclencher ces procédures. « C’est l’occasion de se refonder lui-même, pour un peuple qui a changé depuis la Constitution de 1958 », poursuit Jean-Luc Mélenchon. Un moyen aussi de mobiliser en dehors de la gauche, politisée et déjà mobilisée, en attirant des abstentionnistes, réservoir de voix autrement plus conséquent que les quelques points de Yannick Jadot, Fabien Roussel ou Anne Hidalgo. À gauche ou chez les abstentionnistes, Mélenchon veut mobiliser, et cherche même des signes partout. « En 1981, on a d’abord gagné au rugby comme là », commentait-il hier sur twitter après la victoire de l’équipe de France de rugby dans le tournoi des VI Nations. Dans sa marche pour la VIème République, ce n’est même pas un grand chelem que vise Jean-Luc Mélenchon, mais simplement quelques points de plus que ses scores actuels dans les sondages pour accéder au 2nd tour et pouvoir se mesurer à Emmanuel Macron. Au moment où le candidat de l’Union populaire commente ces sondages devant les journalistes, la fanfare qui accompagne la déambulation se met à jouer « Superstition. » Jean-Luc Mélenchon s’aveugle-t-il sur ses chances réelles, ou bien ces « signes » annoncent-ils bien un « printemps du peuple » comme il le prétend en conclusion de son discours ? Réponse le 10 avril.

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