Politique
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Par Thomas Mignon
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Publié le
L'harmonisation sociale de l'UE est l'un des combats du parti "La France Insoumise". Tout autant d'ailleurs que l'harmonisation fiscale.
Sur un nouveau site Web aux faux airs de fact-checking et de décodage de l'actualité, la formation politique de Jean-Luc Mélenchon dit analyser les mesures prévues par le président français Emmanuel Macron.
Par analyses, entendez critiques et contre-propositions.
Et parmi ces dernières, une phrase attire l'attention : "Les traités européens (qui ne peuvent être remis en question qu'à l'unanimité) interdisent l'harmonisation salariale par exemple".
Autrement dit, même s'ils le souhaitaient, les États membres ne pourraient pas accorder leurs "violons"salariaux. Du moins c'est l'air que nous chante ici la France Insoumise.
Alors, qu'en est-il ?
Les écarts de rémunérations sonnent comme une évidence.
Quand, au Danemark, le salaire horaire médian était de 25,52 euros en 2014, il était, à l'autre extrême, de seulement 1,67 euro en Bulgarie.
La Belgique pointe à la cinquième place avec 17,32 euros de l'heure. La France est neuvième avec 14,94 euros.
Au total, on retrouve sous la barre des 10 euros de salaire horaire médian pas moins de 15 États membres (et probablement 16, les données n'étant pas disponibles en 2014 pour la Croatie, laquelle affichait 4,86 euros en 2012).
Les disparités sont bien là.
Mais sont-elles quelque part "entretenues" par l'Union européenne ? Ou du moins, les traités européens interdisent-ils de les gommer ?
Une seule façon de le savoir : éplucher les briques conventionnelles à la recherche des dispositions concernant emplois et rémunérations. De la partition maastrichtoise à l'amstellodamoise, en passant par la lisbonnaise ou la niçoise.
Ces deux derniers textes n'en font pas mention – le Traité de Nice étant une pure réforme des institutions et celui de Lisbonne apportant des modifications à celui de Maastricht et au traité fondateur, tout en conservant les passages que nous allons tout de suite évoquer.
Ainsi, dans l'accord sur la politique sociale du Traité sur l'Union européenne (ou de Maastricht, signé en 1992), l'article 2 indique que "la Communauté soutient et complète l'action des États membres" dans toute une série de domaines liés à l'emploi (égalité hommes-femmes, protection sociale, promotion de l'emploi, conditions de travail, etc.).
Et – en vous épargnant le détail des différentes procédures – le Conseil peut prendre des directives en la matière, en respectant les spécificités de chaque État membre.
Mais l'ensemble de cet article 2 est adossé d'un dernier alinéa :
"Les dispositions du présent article ne s'appliquent ni aux rémunérations, ni au droit d'association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out (le droit de l'employeur de décider d'une fermeture provisoire d'une entreprise en réponse à une grève, NDLR)".
Le Traité d'Amsterdam, signé 5 ans plus tard, s'en tient à ce même couplet.
Et depuis lors, la recommandation de la Commission pour un socle européen des droits sociaux, publiée en avril dernier, n'a fait que réaffirmer ces positions.
Outre les principes de "salaire équitable (…) assurant un niveau de vie décent" ou encore de "salaire minimum adéquat", on peut y lire que "tous les salaires doivent être fixés d'une manière transparente et prévisible, conformément aux pratiques nationales et dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux".
"L'Union et les États membres s’attachent à élaborer une stratégie coordonnée pour l’emploi, réaffirme la Commission. (…) l'Union contribue à la réalisation d’un niveau d’emploi élevé en encourageant la coopération entre les États membres et en soutenant et, au besoin, en complétant leur action. Ce faisant, elle respecte pleinement les compétences des États membres en la matière."
Et encore une fois, il est précisé que "les dispositions desdits articles ne s'appliquent pas aux rémunérations".
Bref, l'Union n'a pas reçu des États membres le pouvoir d'intervenir ou de légiférer en matière de rémunérations. Cela reste du ressort des autorités nationales (qui, dans certains pays, fixent directement le salaire minimum) ou des accords conclus entre organisations patronales et syndicales, ou encore de la concertation directe entre l'employeur et le travailleur.
Et, on l'a vu, sur le terrain des rémunérations, l'Union tape maintes fois sur le clou des compétences ou des pratiques nationales. Pas européennes. Nationales.
Cela ne signifie pas pour autant que l'Europe interdise une quelconque harmonisation des salaires. Simplement, même si elle le voulait, elle n'en a pas la compétence en l'état actuel.
Mais, au fond, l'Union européenne en a-t-elle la prétention ? Non. Et c'est un euphémisme, tant elle juge cette idée irréalisable.
"Le coût de la vie est différent dans chaque État, harmoniser les salaires n'est donc pas possible, nous indique-t-on à la Commission européenne. Nous privilégions donc une approche qui vise à élever le niveau de vie de l'ensemble des États membres ".
S'il est donc vrai que la piste harmonisatrice n'est envisagée par l'Union et qu'aucun texte ne va dans cette direction, il n'y a toutefois pas "d'interdiction" coulée dans le bronze de ses traités. Ce que la France Insoumise affirme ici est donc plutôt faux.
Retrouvez le Check Point dans Europe Hebdo jeudi 15 juin à 18h30 et vendredi 16 juin à 7h.
Audition du ministre de l'Education nationale