CHU de Bordeaux : l’hôpital a-t-il le droit de trier les patients ?

CHU de Bordeaux : l’hôpital a-t-il le droit de trier les patients ?

Face au manque de personnel soignant entraînant la fermeture des urgences au CHU de Bordeaux, le syndicat Sud Santé dénonce un « tri des patients à l’entrée ». Juridiquement, ils ont à la fois tort et raison. Décryptage avec nos partenaires Les Surligneurs.
Public Sénat

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Pour faire face à la pénurie de personnels soignants, les urgences du CHU de Bordeaux seront désormais fermées la nuit pour les adultes, qui ne pourront y accéder qu’en passant par le Samu via le 15. Le Syndicat Sud Santé déplore une réorganisation qui touche une « population en détresse » par manque de moyens, et a dénoncé un « tri des patients adultes à l’entrée ».

Créer un circuit d’admission aux urgences fait partie de l’organisation d’un hôpital

Sauf qu’en droit, cela est faux. Si l’agence régionale de santé n’avait pas pris cette mesure, elle serait responsable : si par exemple une personne admise aux urgences venait à décéder faute de personnels suffisants, ses proches pourraient demander une indemnisation en justice.

Il n’y avait donc pas, à court terme, d’autre solution, sauf à recruter Toutefois, l’hôpital est particulièrement sous tension, faisant face à un manque cruel de personnels.

Le tri peut faire des victimes qu’il faudra indemniser

Pour autant, il y a des limites à la rationalisation des soins d’urgence. D’abord, si une personne en péril se présente aux urgences la nuit, il est hors de question pour les personnels de l’éconduire en lui demandant de passer par le 15.

Cela serait une non-assistance à personne en péril, un délit selon le Code pénal. Aussi, cela serait contraire à la déontologie des personnels soignants, ce qui peut valoir la radiation de l’ordre des médecins ou des infirmiers.

Enfin, l’agence régionale de santé ne peut pas mettre en place une réorganisation qui présenterait manifestement trop de risques pour la population, et serait donc contraire au droit à l’accès aux soins, un droit protégé par la Constitution.

Fermer des services de santé peut priver certains usagers de l’accès aux soins

La question s’est déjà posée à propos des regroupements de maternités, qui nécessitaient d’en fermer certaines. Or rationaliser peut parfois amener à priver les usagers de l’accès aux soins. La justice avait ordonné en 2009 de rouvrir une maternité dans le Gard en raison de l’éloignement excessif du seul établissement qui restait apte à prendre en charge les femmes sur le point d’accoucher et qui auraient des complications.

Mais il faut aussi raisonner en aval : une nouvelle organisation est mise en place, et la pratique montre des carences aux conséquences directes sur certains patients dont la prise en charge n’a pas été suffisamment rapide au vu de leur état. Dans ce cas il peut y avoir ce qu’on appelle une « perte de chance » pour le patient, et la justice peut obliger l’hôpital à l’indemniser.

Rationaliser l’accès aux soins peut permettre à l’État de faire des économies, mais si c’est mal fait, cela peut aussi lui coûter cher.

 

» Voir aussi notre reportage sur la maternité des Lilas, menacée de fermeture

RETROUVEZ TOUS LES ÉPISODES DE LEGAL CHECKING

 

Dans la même thématique

Weekly cabinet meeting at Elysee Palace, Paris, France – 12 Jan 2024
5min

Société

Prostitution : un nouveau plan de lutte présenté ce jeudi, huit ans après la loi pénalisant les clients

Alors que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, peine encore à produire ses effets, le gouvernement a annoncé la présentation d’un nouveau plan pour lutter contre la prostitution, à l’aube d’une augmentation inquiétante des chiffres chez les mineurs. Selon les associations, ils seraient entre 7 000 et 10 000 à être aujourd’hui prostitués, un chiffre qui a doublé ces dernières années.

Le

Enfants et ecrans
4min

Société

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».

Le

A national gendarmerie van entering the Paris courthouse
7min

Société

Meurtre de Matisse à Châteauroux : qu’est-ce que l’excuse de minorité, que le gouvernement souhaite réformer ?

Alors que de multiples faits divers concernant des mineurs font l’actualité ces dernières semaines, le dernier en date, le meurtre de Matisse, 15 ans, poignardé à mort, samedi dernier à Châteauroux, par un mineur afghan âgé lui aussi de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire, cinq jours avant le meurtre, Gabriel Attal a annoncé, le 18 avril dernier, souhaiter « ouvrir le débat » sur l’excuse de minorité. Mais au fait, à quoi fait référence cette qualification pénale, qui revient régulièrement dans les discussions ?

Le