Chute du mur de Berlin : le 9 novembre 1989 « a été la plus grande libération de ma vie »

Chute du mur de Berlin : le 9 novembre 1989 « a été la plus grande libération de ma vie »

Harald Hauswald a photographié toute sa vie les « Ossis », ces Allemands de l’Est dont il fait partie, 30 ans après la chute du mur, il revient sur le Berlin Est qu'il a documenté, et les errements de la réunification. Rencontre…
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Par Pauline Vilchez et Béatrice Fainzang

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Béatrice Fainzang : Votre Leica et vous étiez inséparables, ce qui vous a valu le surnom de l’œil de Berlin est. Quelle ambiance émanait de cette partie-là du mur ?

Harald Hauswald : J'avais un regard critique sur les circonstances de l’époque. Je me sentais enfermé en RDA, privé de liberté, avec le poids d’une pression politique forte. La photographie a été pour moi le moyen d’exprimer mon désaccord. La plus grande différence entre l’est et ouest était le système politique.

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Pour moi, tout le bloc de l’Est était une sorte de cloche à fromage, posée artificiellement sur une partie du monde. Une partie où on a voulu essayer le système socialiste, ce qui est une connerie. Globalement, nous étions une communauté en détresse, une société de privation. Les gens avaient besoin les uns des autres, l’argent était sans importance puisqu’il n’avait pas de valeur. C’était une communauté solidaire, chaleureuse. Ce n’était pas comme maintenant où il faut jouer des coudes pour s’imposer. Tout cela est dû à l’effet cloche de fromage, la société isolée devait fonctionner par elle-même, ce qui n’a été possible que grâce à la solidarité entre les gens.

« Ça a été la plus grande libération de ma vie »

B.F. : Qu’avez-vous ressenti le 9 novembre 1989, quels étaient vos attentes et vos espoirs ?

H.H. : Ça a été la plus grande libération de ma vie. On était enfin débarrassé des pouvoirs politiques. On s’attendait à un changement radical et profond mais à une réunification aussi rapide. Pouvoir voyager librement a été le plus important pour moi. Travailler et voyager en toute liberté a été la plus grande délivrance, mais à part cela, rien n’a changé. J’ai vécu et je vis ma vie de la même façon qu’en RDA, je ne travaille pas différemment et c’est pareil pour la publication de mes photos. La seule différence c’est que la Stasi ne me court plus après lorsque je prends des photos.

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Malgré cela, je m’attendais à un changement de système. Après la réunification, tous les aspects sociaux que l’ancien régime voulait mettre en place, ont disparu. Ce n’a rien changé pour moi, à part que mon loyer et la vie en général sont beaucoup plus onéreux, mais beaucoup de gens en RDA n’étaient pas habitués à cette indépendance. Ils se sont laissés guider par le système.

« Ce n’était pas une réunification ! L’ouest s’est jeté sur l’est »

B.F. : Certains quartiers de l’est sont laissés à l’abandon. Peut-on parler de réunification, ou même de réunification réussie ?

H.H. : Je pense que non, c’était trop rapide, trop radical. Ce n’était pas une réunification ! L’Ouest s’est jeté sur l’Est, on le remarque d’ailleurs grâce aux partis politiques. Je les trouve indicibles, et cela découle de l’aplatissement de l’est. C’était trop radical, la Treuhand (organisme de droit ouest-allemand chargé de la privatisation des biens de la RDA après la réunification du pays N.D.L.R.), était une organisation criminelle. Avec plus de réflexion et de discernement on aurait pu sauver beaucoup plus de l’Est.

On pourrait presque l‘exprimer comme ça : la réunification était absolument nécessaire, mais finalement, il n’y a que pour l’Ouest que ça s’est bien passé. Quand on compare les deux côtés, à l’Ouest presque rien n’a changé alors qu’à l’Est tout a changé, c’était simplement trop radical, il y aurait eu besoin de beaucoup plus de temps pour fusionner en harmonie. Dire que la réunification est un échec, je ne sais pas. On sent des conséquences négatives maintenant car elle est allée trop vite, mais il faudra voir cela avec les générations futures.

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« Ce n’était pas une réunification ! L’Ouest s’est jeté sur l’Est »

B.F. : Votre rêve pour l‘Allemagne de demain est de former la jeunesse ? Pour unifier l’Allemagne ?

H.H. : J’ai entendu parler de deux Berlinois qui ont eu l’idée d’offrir à chaque citoyen de 18 ans de l’union européenne un ticket InterRail d’un mois. Je trouve cette idée géniale car ceux qui n’ont pas d’argent pour voyager pourraient découvrir un bout de l’Europe. Je crois qu’en Allemagne ils ont commencé à la mettre en œuvre mais il faudrait introduire cela au niveau européen, ça nous débarrasserait du racisme de manière très simple. Ce programme permettrait de faciliter les projets scolaires, les partenariats entre écoles et créer de l’échange. Pour moi c’est l’échange qui nous amènera vers une Europe soudée, et c’est par la jeunesse qu’il faut commencer.

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