Claudie Haigneré : l’espace ne doit pas devenir un terrain de jeu pour milliardaires

Claudie Haigneré : l’espace ne doit pas devenir un terrain de jeu pour milliardaires

Elle est la première française et européenne à avoir volé dans l’espace. Pionnière, scientifique, femme politique puis directrice de la Cité de sciences et de l’industrie, Claudie Haigneré revient cette semaine dans « un monde, un regard » sur le métier de cosmonaute, un métier encore largement masculin. Elle égratigne au passage ces milliardaires qui entendent faire de ce terrain d’exploration qu’est l’espace un nouveau terrain de jeu.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Nous sommes en 1969, Claudie Haigneré a 12 ans et passe ses vacances dans un camping en famille. Mais de cet été-là, la petite fille garde avant tout en mémoire, les images qu’elle découvre à la télévision : celles des astronautes américains qui posent pour la première fois le pied sur la Lune.

De ce 20 juillet 1969, naîtra son envie irrésistible de voyager, elle aussi, vers l’infini, de sentir la légèreté d’un corps qui flotte en apesanteur. Dans le panthéon personnel de la cosmonaute aux côtés de Neil Armstrong, ou Buzz Aldrin figurent des femmes comme la russe Valentina Terechkova, première femme à être allée dans l’espace quelques années plus tôt.

66 femmes sur 600 astronautes

60 ans après, Claudie Haigneré regrette encore que les femmes ne soient pas plus nombreuses : « Il n’y a pas beaucoup de femmes quand même ! Aujourd’hui sur les 600 astronautes qui ont volé et je crois qu’il y a 66 femmes : donc on est un peu au-delà des 10 % ! » lâche-t-elle, avant d’ajouter que le mouvement est en train de s’inverser : « L’Agence spatiale européenne par exemple a recruté de nouveaux astronautes pour aller vers la Lune et préparer les missions pour Mars. Dans cette sélection on a eu le plaisir de voir 24 % de jeunes femmes alors qu’à mon époque en 85 on était 10 % de candidates féminines […] Et aujourd’hui, 39 % de jeunes femmes sont encore en lice dans cette sélection qui aboutira à la fin de l’année 2022 ! » se réjouit l’ancienne ministre de la recherche.

Peut-être que pour certaines de ces personnes l’espace est un terrain de jeu ! Moi je ne le considère pas comme ça ! Claudie Haigneré

L’espace ? Un terrain d’exploration avant tout

Celle qui, à trois reprises, a effectué des missions spatiales longues, dans la station russe Mir en 1996 et 1999, puis dans la station spatiale internationale en 2001, continue de croire que l’espace n’a pas tout révélé de ses secrets. Aussi continue-t-elle de penser qu’il doit d’abord rester un champ d’investigation scientifique, égratignant au passage les milliardaires qui font du tourisme spatial : « Peut-être que pour certaines de ces personnes c’est un terrain de jeu ! Moi je ne le considère pas comme ça ! Pour moi, c’est un terrain d’exploration, un terrain de sciences, de progrès technologiques pour faire avancer nos connaissances. Après, c’est vrai que ces 30 années, 40 années de maîtrise de l’espace ont donné la possibilité d’ouvrir l’espace, de démocratiser son accès, grâce aux réductions des coûts […] Je pense que ces personnes peuvent apporter leur regard, qui n’est pas un regard de professionnel, et que ça peut être différent et intéressant. »

Pas de tourisme spatial de masse

« Par contre, voilà, je ne suis pas quelqu’un qui va souhaiter voir se développer un tourisme de masse dans l’espace bien évidemment. Parce que cet environnement autour de notre planète il faut le préserver. Il n’y a pas que l’environnement sous atmosphérique, celui qui est au-delà de l’atmosphère, il faut aussi le préserver. On parle de débris spatiaux, on parle de constellation de satellites pour lesquels il faut réguler un petit peu cet accès. Donc pour moi un tourisme de masse dans l’espace, ça ne fait pas partie du tout ce de ce que j’envisage. »

Pour revoir l’intégralité de l’émission c’est ici

Dans la même thématique

Claudie Haigneré : l’espace ne doit pas devenir un terrain de jeu pour milliardaires
6min

Société

Antisémitisme : la radicalisation d’une partie de la jeunesse, première inquiétude du gouvernement et des associations

Le gouvernement a lancé lundi 6 mai des « assises de lutte contre l'antisémitisme » pour renforcer les moyens de lutte contre un phénomène en pleine expansion depuis l’embrasement de la situation au Proche Orient, et qui touche notamment la jeunesse. Selon une enquête Ifop, 35% des 18-24 ans estime qu'il est normal de s'en prendre à des juifs en raison de leur soutien à Israël.

Le

Fresnes, Prison, Centre penitentiaire, Penitentiary center
6min

Société

Drogues en prison : 52% des détenus ont déjà consommé une substance illicite en prison

L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a publié ce lundi 6 mai, sa première enquête sur l’usage des drogues dans le milieu carcéral. Zoom sur des résultats inquiétants, qui « interrogent une éventuelle adaptation des politiques sanitaires en matière de prévention et de traitement des addictions à la réalité des consommations observées ».

Le

Weekly cabinet meeting at Elysee Palace, Paris, France – 12 Jan 2024
5min

Société

Prostitution : un nouveau plan de lutte présenté ce jeudi, huit ans après la loi pénalisant les clients

Alors que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, peine encore à produire ses effets, le gouvernement a annoncé la présentation d’un nouveau plan pour lutter contre la prostitution, à l’aube d’une augmentation inquiétante des chiffres chez les mineurs. Selon les associations, ils seraient entre 7 000 et 10 000 à être aujourd’hui prostitués, un chiffre qui a doublé ces dernières années.

Le

Enfants et ecrans
4min

Société

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».

Le