Comment des adolescents ont ruiné un meeting de Donald Trump grâce à TikTok
Lors de son meeting samedi, Donald Trump a dû se contenter d’une salle clairsemée. Un flop qui peut s’expliquer (en partie) par la campagne de mobilisation effectuée sur le réseau social TikTok. Des utilisateurs ont appelé à réserver des billets gratuits... pour finalement ne pas venir.

Comment des adolescents ont ruiné un meeting de Donald Trump grâce à TikTok

Lors de son meeting samedi, Donald Trump a dû se contenter d’une salle clairsemée. Un flop qui peut s’expliquer (en partie) par la campagne de mobilisation effectuée sur le réseau social TikTok. Des utilisateurs ont appelé à réserver des billets gratuits... pour finalement ne pas venir.
Public Sénat

Par Ariel Guez

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Ils devaient être un million, mais par prompt renfort, ils ne furent que 6.200 en arrivant au BOK Center de Tusla. Samedi, le meeting de Donald Trump, organisé dans l’Oklahoma au centre des Etats-Unis, a fait flop. Sur Twitter, le locataire de la Maison-Blanche, en campagne pour sa réélection en novembre, avait pourtant annoncé qu’un million de personnes avaient demandé des tickets pour y participer. La déconvenue a été telle qu’une intervention de Donald Trump prévue à l’extérieur de la salle de 19.000 places, pour ceux qui n’auraient pas pu entrer, a été annulée à la dernière minute.

Faire gonfler l’affluence attendue et ne pas venir

Derrière cette humiliation du candidat républicain pourrait se cacher Mary Jo Laupp, une femme d’une cinquantaine d’années, qui a travaillé avec l’ex-candidat démocrate Pete Buttigieg. Le 12 juin, choquée par la date choisie par le locataire de la Maison-Blanche ; qui organisait son premier meeting post-coronavirus le jour anniversaire de l’abolition de l’esclavage, Mary Jo Laupp a lancé une incroyable campagne sur les réseaux sociaux. « Je recommande à tous ceux qui veulent voir cette salle de 19.000 places vide ou à moitié remplie d’aller réserver des tickets maintenant et de le laisser (Trump, ndlr) seul sur scène ».

 

Une campagne qui n’a pas été vue par « l’internet mainstream »

Très vite, la mayonnaise a pris. Lundi 22 juin, deux jours après le meeting, la vidéo comptait plus de deux millions de vues pour plus de 700.000 « j’aime » (après avoir été citée dans de nombreux médias américains dimanche, ndlr). Pourtant, l’équipe de Donald Trump n’a pas relevé ce qui se passait. Brad Parscale, le directeur de campagne du président américain, se réjouissait même qu’autant de personnes demandent des places pour assister au meeting. « Nous venons de passer le cap des 800.000 tickets réservés, dimanche va être incroyable ! », tweetait-il.

Car l’opération a été dissimulée de « l’internet mainstream », expliquait au New York Times le youtubeur Elijah Daniel. Principalement menée par des jeunes utilisant Alt-TikTok, (un TikTok « alternatif », qui trolle les utilisateurs de TikTok grand public, ndlr), mais aussi des fans de K-POP (genres musicaux originaires de Corée du Sud, ndlr), cette incroyable campagne de « trolling » n’a pas été aperçue par les équipes de Donald Trump, peu coutumières du réseau social. Surtout, les posts étaient supprimés 24 à 48 heures après leur publication, pour ne pas laisser de trace, raconte Elijah Daniel au quotidien américain. Certaines vidéos, toutefois, ont été enregistrées et postées sur Twitter dimanche et lundi. Elles sont devenues virales.

 

L’opération est aussi passée inaperçue... pour certains parents de jeunes utilisateurs du réseau social, à l’image de cette mère de famille, qui raconte dans un tweet un échange avec son fils. « J’ai expliqué à mon fils, 14 ans, comment sa génération avait trollé Donald Trump en jouant sur la réservation de tickets via TikTok et Instagram. Lui, sur son téléphone, parcourant TikTok : « Oui, je sais Maman. J’ai commandé un des tickets, le plan a fonctionné » ».

« Des adolescents sur TikTok se sont joués de vous »

 

Forcément, l’équipe de Trump a vu rouge. Le locataire de la Maison-Blanche, selon plusieurs sources, s’est dit « furieux » qu’une telle situation puisse se produire. Dans un communiqué lapidaire, Brad Parscale a dénoncé une fausse polémique après le meeting. « Les gauchistes et les trolls en ligne célèbrent une victoire, pensant qu'ils ont eu un impact sur la participation à notre meeting. Ils ne savent pas de quoi ils parlent ni comment nos événements fonctionnent », a-t-il écrit.

L'élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez lui a répondu sur Twitter : « En réalité, des adolescents sur TikTok se sont joués de vous en inondant la campagne de Trump de fausses réservations de tickets pour vous faire croire qu'un million de gens voulait voir votre suprémaciste blanc et vous forcer à réserver un stade pendant le COVID ».

 

« Ça a surtout permis de ridiculiser Trump »

Pour autant, même si la mobilisation sur TikTok a été très importante et que l’humiliation de Trump est cuisante, remplir un formulaire d’inscription sur le site de Donald Trump ne donnait pas accès à des tickets nominatifs, relève le journaliste Vincent Glad. « L’équipe de Donald Trump voulait juste récupérer des numéros de téléphone pour la campagne », expliquait-il dans un tweet. « Le rapport entre ce trolling et la salle vide n'a vraiment rien d'évident. Ça a surtout permis de ridiculiser Trump qui avait annoncé à grand renfort de tambour un million d'inscrits », affirme-t-il.

Certains jeunes ayant rempli le formulaire pour se préinscrire au meeting à Tusla ont par ailleurs continué à recevoir des messages des équipes du candidat républicain. Avec désormais plusieurs dizaines de milliers de numéros de téléphone, cette opération pourrait, sur le long terme, peut-être aussi profiter à Donald Trump, qui dispose maintenant d’une importante base de données de nouveaux contacts.

Aussi, si les images de la salle vide du BOK Center de Tusla ne vont pas lui servir, le président américain peut tout de même se targuer d’avoir rassemblé plusieurs millions de personnes pour suivre en direct son meeting sur les réseaux sociaux. Le live de son discours était disponible sur Facebook, sur Twitter.... mais pas sur TikTok.

[ À LIRE AUSSI : Twitter modère les propos de Trump : une bonne nouvelle pour la démocratie ? ]

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