Compensation de l’augmentation du RSA par l’Etat : un camouflet « prévisible » pour le gouvernement

Compensation de l’augmentation du RSA par l’Etat : un camouflet « prévisible » pour le gouvernement

Un revers pour le gouvernement, une victoire pour les départements. Samedi 23 juillet, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, les députés ont voté la compensation à l’euro près des dépenses liées à l’augmentation du RSA. Une enveloppe de 120 millions d’euros attendue avec soulagement par les collectivités.
Public Sénat

Par Samia Dechir

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A 125 voix pour, 98 contre, le gouvernement a été battu… par sa propre majorité. Samedi 23 juillet, les députés de gauche, de droite et d’extrême-droite ont uni leurs voix à ceux du groupe Horizons, membre de la majorité présidentielle, pour modifier le projet de loi de finances rectificative. L’exécutif devra financer lui-même l’augmentation de 4 % du RSA qu’il a prévue pour améliorer le pouvoir d’achat des Français les plus modestes. L’amendement prévoit une compensation à l’euro près pour les départements en charge de son versement, non prévue dans le texte initial.

« On ne peut pas faire que du social »

Une mesure « plus que nécessaire, indispensable » se félicite Sylvie Lachaize, Vice-Présidente (LR) du Conseil Départemental du Cantal. Sur un budget annuel de 150 millions d’euros, sa collectivité a consacré 13 millions d’euros au RSA en 2021. « Une augmentation de 4 % ça ferait 520 000 euros par an en plus, c’est énorme. C’est une réforme proposée par l’Etat et supportée par les départements, ce n’est pas juste. Les départements ne peuvent pas faire que du social, on finance aussi des routes et plein d’autres choses » prévient l’élue cantalienne.

Même soulagement dans le Lot, où le département assure le versement du RSA à un peu moins de 4 000 foyers. « Je n’ose pas trop y croire » se réjouit Serge Rigal, le Président du Département. « C’est une bonne chose que les députés aient eu cette attention à l’égard des collectivités, ce dont on n’avait pas trop l’habitude sous le quinquennat précédent » ironise l’élu Divers gauche. Pour financer l’augmentation de 4 % du RSA, le Lot devra débourser 400 000 euros.  « Oui, on aurait pu supporter cette dépense, mais au détriment d’autre chose. C’est ce qu’on fait à chaque fois, on n’a pas le choix » explique Serge Rigal.

Combler le trou dans la raquette

Tous les présidents de départements applaudissent la mesure. Même Bertrand Bellanger, le seul soutien d’Emmanuel Macron dans un océan de départements aux mains des oppositions. « Lorsque je considère que le compte n’y est pas, je le dis. Il y avait de mon point de vue un trou dans la raquette, cet amendement vise à réparer ce trou. Ça va dans le bon sens », juge le Président de Seine-Maritime.

Réduction des dépenses : l’heure des choix

Dans les rangs de la majorité présidentielle, on s’étrangle de voir les députés du groupe Horizons voter une enveloppe de 120 millions d’euros supplémentaires après avoir appelé à réduire les dépenses publiques. « C’est une mesure purement électoraliste. Beaucoup ne sont pas élus locaux, ne connaissent pas forcément la situation des collectivités territoriales » s’agace Didier Rambaud, sénateur de l’Isère. « La situation financière des départements est plutôt bonne. Les dépenses du RSA [ont baissé] dans tous les départements sauf un. Il n’y avait pas urgence à déposer un tel amendement. La situation financière des communes est beaucoup plus préoccupante » juge le sénateur.

» Lire aussi : Les collectivités territoriales touchées de plein fouet par la spirale inflationniste

Dans son dernier rapport sur les finances publiques locales, la Cour des comptes juge en effet que « la situation financière des départements s’améliore nettement en 2021. Elle s’avère même meilleure que celle d’avant crise ». Une embellie qui s’explique en partie par une baisse de 0,1 % des dépenses liées au RSA. Pour l’élu isérois, la compensation intégrale de l’augmentation du RSA par l’Etat risque de mettre en péril l’assainissement des finances publiques. La France s’est engagée auprès de la commission européenne à ramener son déficit à 2,9 % du PIB en 2027, en réduisant les dépenses de l’Etat et celles des collectivités territoriales. « Tout parlementaire devrait avoir cela en tête avant de déposer un amendement » prévient Didier Rambaud.

Mais à droite, on estime que la réduction des dépenses publiques ne peut pas se faire sur le dos des collectivités. « C’est un objectif fondamental. Mais il y a d’autres marges de manœuvre, comme la réduction des dépenses de fonctionnement [de l’Etat] » juge Agnès Canayer. « Il est normal que l’Etat compense, puisque c’est lui qui a décidé de l’augmentation du RSA » renchérit la sénatrice apparentée LR. Une position largement partagée au Sénat. « Le premier principe que l’on a au Sénat, c’est « qui décide paie ». On ne peut pas avoir un Etat qui impose des dépenses aux collectivités locales », s’inquiète Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales.

Pour elle, le revers du gouvernement était prévisible. « Ce vote un peu étrange montre que tout ça n’a pas été anticipé. Le gouvernement aurait gagné à travailler davantage en amont avec les associations de collectivités territoriales. [Il] se retrouve un peu piégé parce qu’il agit sujet par sujet. Il faut garantir aux collectivités territoriales de la prévisibilité et de la stabilité, je n’aime pas cette méthode » ajoute la sénatrice (UDI) d’Ille-et-Vilaine. Examinée à partir du 1er août au Sénat, la compensation de l’augmentation des dépenses du RSA a toutes les chances d’être adoptée par la chambre haute.

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