Concertation sur le nucléaire : « Un des objectifs est de fournir des éléments précis au Parlement », précise Michel Badré

Concertation sur le nucléaire : « Un des objectifs est de fournir des éléments précis au Parlement », précise Michel Badré

La construction de six nouveaux réacteurs nucléaires annoncée par Emmanuel Macron en février ne pourra pas voir le jour avant une modification de la loi de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Avant son examen par le Parlement en 2023, la CNDP (Commission nationale du débat public) organise quatre mois de débat public pour permettre au plus grand nombre de s’exprimer. Entretien avec Michel Badré, président de la commission chargée d’animer ce débat. 
Public Sénat

Par Clara Robert-Motta

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C’est censé être la première pierre du renouveau nucléaire français promis par Emmanuel Macron en février 2022 : la construction de six réacteurs nucléaires EPR2, dont deux à la centrale de Penly, en Normandie. Avant même un vote du Parlement pour la loi pour la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ces questions sont mises à l’ordre du jour de quatre mois de concertations menées par la Commission nationale du débat public (CNDP). A mi-chemin, un point sur les enseignements de ces discussions avec Michel Badré, le président de la commission spéciale chargée d’organiser ce débat public.

Cet ingénieur, vice-président du Conseil économique social et environnemental (CESE) de 2015 à 2021, a aussi été membre de la Commission particulière du débat public sur le Plan de gestion des matières et déchets radioactifs en 2019 dont il préside désormais la commission des orientations.

 

Pourquoi lancer ce type de débat alors que le président a déjà annoncé la construction des nouveaux réacteurs ?

Ce débat est obligatoire dans l’état actuel de la législation. Pour le moment, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne permet pas l’installation de nouveaux réacteurs nucléaires. Le maître d’ouvrage, EDF, a été obligé de saisir la CNDP et les résultats de ces débats seront transmis au Parlement, l’entité qualifiée, afin qu’ils puissent saisir les enjeux, savoir quel est l’avis des Français sur ce sujet et finalement légiférer en connaissance de cause.

» Lire aussi : Nucléaire : la question des déchets cristallise le débat public

 

Comment les Français peuvent-ils participer à ces concertations ?

Le débat public dure quatre mois (du 27 octobre au 27 février), et se décline sous la forme de dix réunions plénières qui, chacune, aborde une question structurante. Entre 200 et 300 personnes ont fait le déplacement à chaque fois, et de nombreuses autres ont suivi les débats en ligne.

Il y a aussi d’autres rendez-vous qu’on organise avec des publics spécifiques - dans les marchés et les lycées - pour aller chercher des gens qu’on ne trouve pas forcément dans les réunions.

 

Justement, qui participe à ces réunions ?

Dans les réunions plénières, il y a beaucoup de personnes qui connaissent bien le sujet, soit parce qu’ils travaillent dans la filière, soit parce qu’ils sont engagés politiquement pour ou contre le nucléaire. L’équilibre est d’ailleurs très variable entre les pro et les anti selon les réunions. Dans les autres cadres, c’est moins le cas.

Comme souvent, le socle minimum de connaissances est conséquent car le sujet est complexe. Mais l’organisation de ce débat public est aussi un outil pour permettre à des non-experts d’arriver à saisir les enjeux et s’approprier le sujet. Dans la loi, tout citoyen a le droit d’accéder aux informations dont dispose le gouvernement et a le droit de participer à l’élaboration des décisions. Ce débat donne un cadre pour participer à cette discussion.

 

De quoi parle-t-on pendant ces débats ?

Du plus de choses possible ! La CNDP est une instance indépendante. Contrairement à la concertation organisée par le gouvernement sur la politique énergétique française, nous sommes concentrés sur un sujet très précis : la construction des six réacteurs EPR2. Ainsi, nous posons des questions plus approfondies sur la réalisation ou encore la rentabilité.

La première réunion était centrée sur l’utilité de ce débat et la deuxième sur la nécessité ou non d’engager un nouveau programme nucléaire. Les prochaines ont des thèmes aussi divers que les conséquences sur l’environnement, la gestion des déchets, le financement ou les questions géopolitiques. Il faut bien comprendre que nous allons au fond des choses, car un des objectifs est de fournir des éléments précis au Parlement.

 

Qu’observez-vous deux mois après le début de ces débats ? Quelles sont les principales inquiétudes des participants ?

Le clivage pro et anti nucléaire est évident mais ce qui est frappant c’est la transversalité de certains sujets. La sobriété énergétique, un sujet qui n’était que peu présent sur la scène publique auparavant, est apparue en force. Quel que soit le scénario, qu’on fasse ou non du nucléaire, tout le monde s’accorde sur la question de la réduction de notre consommation énergétique.

Les retours d’expérience de Flamanville - auxquels nous avons consacré une pleine réunion plénière le 1er décembre - et des autres EPR2 dans le monde reviennent régulièrement. Tout le monde se demande comment s’assurer que cette technologie est crédible à la fois en termes de sûreté mais aussi de rentabilité et d’investissement. Ce sont des questions auxquelles il faut apporter des réponses.

Nous avons également réalisé deux réunions avec les habitants de Penly. Lors de ces débats, les questions étaient plus ciblées, moins idéologiques et sur des points plus pratiques : quelles seront les embauches, quel sera l’impact du chantier, combien de temps, etc. C’est aussi important pour nous de faire remonter ces questions au Parlement.

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