Concurrence : le Sénat fait 12 propositions pour «moderniser» les règles européennes

Concurrence : le Sénat fait 12 propositions pour «moderniser» les règles européennes

Contrôle des investissements étrangers, prise en compte des données personnelles dans le calcul des seuils de concentration, création d’un Observatoire… Moins d’un mois après la publication du livre blanc de la commission européenne, le Sénat rend, ce mercredi, son rapport sur l’avenir de la politique européenne de concurrence.
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Confié conjointement par les commissions des affaires économiques et des affaires européennes du Sénat, le rapport « sur l’avenir de la politique européenne de concurrence » fait 12 recommandations pour moderniser les règles européennes. Pour mémoire, le marché intérieur de l’Union repose sur trois piliers : l’interdiction des aides d’État, la lutte contre les ententes et abus de position dominante, et le contrôle des concentrations.

Mais, notent les rapporteurs Alain Chatillon (LR) et Olivier Henno (Centriste), « la montée en puissance d’une économie digitale a rebattu les cartes en donnant naissance à de nouveaux acteurs au pouvoir de marché désormais considérable, qui échappent en partie aux concepts et instruments historiques de la politique de concurrence ».

Le 16 juin dernier, la veille de la publication du livre blanc de la concurrence, auditionnée par le Sénat, Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne, indiquait qu’il était « très important de bénéficier d’un outil robuste de filtrage des investissements étrangers pour nous assurer qu’il y a véritablement une équité ». En effet, le livre blanc fait des propositions afin de contrôler les subventions ou aides étrangères (notamment chinoises). Au-delà d'un certain seuil, les États étrangers seraient obligés de notifier leur entrée au capital d’une entreprise. Dans le cas contraire, la Commission y verrait une absence de bonne foi et une procédure de sanction serait engagée. Les sénateurs demandent une mise en œuvre rapide de ces propositions « afin de limiter les pratiques déloyales qui minent la compétitivité des entreprises de l’Union, notamment en matière d’acquisition d’entreprises européennes ou d’accès à la commande publique ».

Il y a quelques jours, Margrethe Vestager, épaulée dans ce dossier par Thierry Breton, son homologue au Marché intérieur, a espéré pouvoir « aboutir à une proposition législative en 2021 ».

Les rapporteurs recommandent également à la Commission de clarifier sa doctrine d’interprétation du « marché pertinent », trop souvent limité « au marché intérieur » alors que les entreprises évoluent à « l’échelle internationale ».

Alors que la Commission européenne travaille à mettre en place une législation relative aux services numériques (Digital Services Act) pour réguler les plateformes numériques, les rapporteurs proposent de faire évoluer la notion « de bien-être du consommateur » « qui se limite en pratique au seul critère du prix ». « L’importance du critère prix dans l’appréciation de la concurrence (…) se trouve relativisée dans une économie du gratuit, grâce notamment au recours à la publicité, et de la donnée, qui permet notamment de cibler les consommateurs » notent les rapporteurs.

Les sénateurs proposent « d’intégrer d’autres critères comme la compétitivité, l’emploi, la protection de l’environnement ou des données personnelles, ou encore l’autonomie stratégique de l’Union ».

De même, le Sénat déplore que les données personnelles ne soient pas prises en compte dans le calcul des seuils de contrôle de concentrations, lesquels reposent actuellement uniquement sur le chiffre d’affaires. « Or, les volumes de données sont majoritairement contrôlés par les entreprises dominantes sur le marché, qui tendent à en restreindre l’accès, empêchant ainsi le développement de concurrents potentiels ».

« En 2014, Facebook a ainsi racheté WhatsApp pour 19 milliards de dollars, alors que son chiffre d’affaires était estimé à une vingtaine de millions de dollars seulement, sans qu’aucun contrôle préalable ne soit mis en œuvre, faute d’atteindre le seuil de notification, alors que WhatsApp avait 450 millions d’utilisateurs, dont 300 millions se connectant chaque jour, soit l’une des plus grandes bases de données d’utilisateurs quotidiens » rappelle le rapport.

Enfin, dans « un objectif de plus grande transparence », les sénateurs proposent la création d’un Observatoire européen d’évaluation de la politique de la concurrence. « Il aurait pour mission de collecter toutes informations relatives à l’état de la concurrence, de tenir une base de données des décisions, et de réaliser une évaluation de leur pertinence, au vu notamment de leur impact sur les prix, la concentration, la compétitivité ou l’emploi. Il pourrait transmettre annuellement ses conclusions au Parlement européen.

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