Confinement : « On sent une tension très forte partout dans le pays » alerte Sophie Primas

Confinement : « On sent une tension très forte partout dans le pays » alerte Sophie Primas

La présidente LR de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, pointe le manque de dialogue et d’anticipation de l’État, qui a conduit selon la sénatrice des Yvelines à « une réaction épidermique des élus, des maires, des parlementaires et des commerçants », qui dénoncent leur fermeture pendant le confinement. « Je ne comprends pas cet […]
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La présidente LR de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, pointe le manque de dialogue et d’anticipation de l’État, qui a conduit selon la sénatrice des Yvelines à « une réaction épidermique des élus, des maires, des parlementaires et des commerçants », qui dénoncent leur fermeture pendant le confinement. « Je ne comprends pas cet esprit jacobin qui décide depuis Bercy si un magasin est sécurisé » ajoute Sophie Primas. Elle met en garde face à « une tension sur le territoire, une colère, car il y a une incompréhension totale » des décisions de l’exécutif. Entretien.

Depuis le début du confinement, la fermeture des petits commerces fait polémique. C’est le symptôme de quoi ?

C’est symptomatique d’un total manque d’anticipation et de concertation. Concerter, ça ne veut pas dire recevoir les gens la veille pour leur annoncer les décisions. C’est travailler en amont pendant des mois. Sur le petit commerce, dès l’été, les épidémiologistes, le Conseil scientifique faisait état d’une deuxième vague. On aurait pu anticiper que les commerces allaient devoir fermer leurs portes à un moment. Il aurait pu être nécessaire de parler avec les commerçants, voir comment on fait si on est obligé de fermer. Et on voit que les décisions sont prises dans tous les sens et ne satisfont personne.

Je ne sais pas comment on peut, depuis Bercy, dire à un fleuriste ou à un petit commerce d’une commune de 5.000 habitants, qu’il ne peut ouvrir, alors qu’il a mis en place les conditions sanitaires.

Au Sénat, jeudi dernier, un amendement a été adopté à l’unanimité, contre l’avis du gouvernement, pour permettre aux préfets de rouvrir les petits commerces localement, si la situation sanitaire le permet (voir ici). En quoi serait-ce la bonne solution ?

On est toujours dans la lutte contre la recentralisation. Je ne sais pas comment on peut, depuis Bercy, dire à un fleuriste ou à un petit commerce d’une commune de 5.000 habitants, qu’il ne peut ouvrir, alors qu’il a mis en place les conditions sanitaires dans son magasin. Je ne comprends pas cet esprit jacobin qui décide depuis Bercy si un magasin est sécurisé. Je comprends la volonté d’éviter les brassages de population. Mais là aussi, on aurait pu, avec le préfet et les commerçants, voir comment éviter un brassage trop important.

Mais est-ce qu’on n’oublie pas le sens du confinement, c’est-à-dire réduire les contacts pour désengorger les hôpitaux et limiter le nombre de morts ? Si on rouvre les petits commerces, il y aura plus de contacts et de propagation du virus…

Bien sûr qu’on ne l’oublie pas. Mais comme on n’a rien anticipé, il y a une réaction épidermique des élus, des maires, des parlementaires et des commerçants. Quand rien n’est anticipé, tout semble injuste. Or si on avait anticipé, pour éviter le brassage et permettre à l’économie de continuer, on aurait pu travailler à des scénarios. Ces décisions vont nuire gravement à l’économie et auront des conséquences importantes pour financer le système de santé à terme. On aurait pu réfléchir à ça pour ne rien sacrifier à la santé et sacrifier le moins possible à l’économie. C’est pour ça que le Sénat a dit non au discours du premier ministre la semaine dernière.

Avec la commission des affaires économiques du Sénat, vous avez auditionné hier Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises. Vous a-t-il convaincue ?

J’ai le sentiment de quelqu’un qui est extrêmement contraint par des décisions qui ne lui appartiennent pas. Quand il nous dit qu’on ne pourra pas dépenser 15 milliards d’euros chaque mois pour soutenir le commerce, c’était un cri du cœur qui voulait tout dire…

On observe sur les réseaux sociaux des commerçants qui appellent à la mobilisation dans les villes, ou à la désobéissance en ouvrant leur magasin (voir ici). Ne peut-on pas y voir une forme de retour potentiel des gilets jaunes, mais dans une version avec les commerçants ?

Oui, je pense. La supplique que le Sénat a faite au ministre, c’est d’apporter des éléments d’apaisement. Tout le week-end, avec le Président Larcher (sénateur des Yvelines comme Sophie Primas, ndlr), avec des sénateurs, on a senti une tension sur le territoire, une colère car il y a de l’incompréhension totale. Les gens trouvent que c’est injuste, ce n’est pas compris. On sent une tension très forte partout dans le pays. C’est comme le Covid et son embrasement, on sent qu’il y a un tison très important.

On arrive à voir des maires qui prennent des arrêtés qui sont interdits. Ça arrive que certains prennent ce genre d’arrêté, mais là, ça se répand. Ou des curés qui prennent des référés pour faire des messes, des commerçants qui ouvrent et vont avoir des amendes. Et des gens à Bercy réfléchissent si le bâton de rouge à lèvres est un élément essentiel ou pas… Là, on voit quelque chose qui ne fonctionne pas dans le fonctionnement de l’État. Il y a une crise dans le fonctionnement de l’État.

Quand des gens qui sont dépositaires de l’ordre prennent ces arrêtés, c’est bien le symptôme qu’il y a une incompréhension totale des décisions du gouvernement.

Mais dans ce texte de tension sur l’acceptation des mesures sanitaires, est-ce responsable de la part de certains maires de prendre des arrêtés pour rouvrir les petits commerces ?

Je ne vais pas dire ça, mais ça n’ira pas au-delà de l’arrêté lui-même, car ils vont être déclarés illégaux. Mais c’est un cri que doit entendre le gouvernement. Quand des gens qui sont dépositaires de l’ordre prennent ces décisions, c’est bien le symptôme qu’il y a une incompréhension totale des décisions du gouvernement. C’est symptomatique de quelque chose de beaucoup plus profond.

La situation de ces élus qui défendent les petits commerçants rappelle au président du groupe RDPI (LREM) du Sénat, François Patriat, interrogé hier par publicsenat.fr, « le poujadisme à sa première heure ». Que lui répondez-vous ?

Je réponds que c’est une version symptomatique d’une maladie plus importante. Je préfère cette expression-là. La concentration, le jacobinisme et le manque d’anticipation ont créé dans le pays un malaise vis-à-vis du fonctionnement de l’État. Je ne sais pas si c’est poujadiste mais c’est un cri au Président pour changer son mode de gouvernance.

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