Conseil national de la refondation : la fin de non-recevoir de Gérard Larcher

Conseil national de la refondation : la fin de non-recevoir de Gérard Larcher

Le lancement du Conseil national de la refondation, le 8 septembre, se fera sans le président LR du Sénat. Il dénonce « une forme de contournement du Parlement » et un manque « clarté ». Une démarche appuyée par le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, pour qui Emmanuel Macron « gagne du temps et amuse la galerie ».
François Vignal

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La place sera vide. Le président du Sénat, Gérard Larcher, ne participera pas au Conseil national de la refondation (CNR), voulu par Emmanuel Macron. Il a fait part de son intention au chef de l’Etat dans un courrier envoyé le 26 août dernier. Gérard Larcher y affirme que « les mécanismes de démocratie participative peuvent contribuer à éclairer la représentation nationale, mais ils ne peuvent en aucun cas s’y substituer », écrit-il dans cette lettre révélée par Le Figaro, que Public Sénat a pu consulter. Une nouvelle qui tombe à quelques jours du lancement du CNR, prévu le 8 septembre.

Annoncé par Emmanuel Macron début juin, le CNR est censé mettre tout le monde autour de la table – partis politiques, parlementaires, syndicats, citoyens – pour discuter en amont de sujets de société. C’est le « changement de méthode », promis par le Président. Emmanuel Macron a fixé le 17 août dernier les premiers thèmes : « La santé et l’école ».

« Cette instance ne peut parvenir à une rénovation de notre démocratie » selon Gérard Larcher

Si la lettre de Gérard Larcher est complétée d’un « cher », écrit à la main devant « Monsieur le président de la République », il s’agit bien d’une mise en garde. Le sénateur LR des Yvelines appelle Emmanuel Macron « à la clarté » et au « respect des prérogatives institutionnelles de chacun ». Dénonçant « le risque de confusion » et « les incertitudes qui demeurent sur son rôle véritable », Gérard Larcher soutient que le CNR « est perçu comme une forme de contournement du Parlement ». Refusant ce qui s’apparente selon lui à « un exercice indéterminé de co-construction de la loi en dehors du Parlement », il prévient : « La loi ne se vote qu’au Parlement ».

Emmanuel Macron avait invité le président du Sénat à participer au CNR « par courrier du 11 août », rappelle Gérard Larcher dans sa lettre. Mais « votre lettre ne donne pas précisions sur la composition exacte que vous entendez donner » au CNR, pointe le sénateur. Gérard Larcher souligne par ailleurs qu’il avait déjà prévenu le Président le 22 juillet, lors d’un entretien, que « cette instance ne peut parvenir à une rénovation de notre démocratie ».

Le président de la Haute assemblée souligne au passage « la récente réforme du Conseil économique, sociale et environnementale (qui) en fait certainement l’instance habilitée pour accueillir un tel exercice et expérimenter cette nouvelle méthode à laquelle vous appelez ».

« Chien échaudé craint l’eau froide. Le grand débat a donné quoi ? » demande Patrick Kanner

Pour appuyer son opposition au CNR, Gérard Larcher évoque la « réticence » de « la grande majorité » des présidents des groupes politiques du Sénat sur le sujet. Illustration avec le patron des sénateurs socialistes, Patrick Kanner. « Il faut arrêter de vouloir contourner les institutions avec un Président dont on se demande s’il a une boussole », commence d’entrée le sénateur PS du Nord. « Quand on n’a pas les moyens de sa politique, on respecte les institutions. Et c’est le Parlement, le CESE, les corps intermédiaires, pas un outil à la gloire du Président, qu’est le Conseil national de la refondation », lance Patrick Kanner, selon qui « il n’y a que de la com’ » dans cette idée. Pour l’ancien ministre, « le Président doit redescendre. Il a pris un coup de foudre en juin dernier. Il ne doit pas oublier que s’il a été élu Président, c’est par défaut ». Il ajoute :

Ce conseil, c’est de la procrastination. Il gagne du temps et amuse la galerie. Je ne suis pas là pour ça.

Patrick Kanner ne croit pas aux bonnes intentions du Président, qui assure vouloir gouverner autrement. « Chien échaudé craint l’eau froide. Le grand débat a donné quoi ? On a passé des centaines d’heures et on n’a toujours pas les conclusions définitives. Le Président est gardien des institutions, il n’est pas là pour les affaiblir au travers de machins, qui sont des objets politiques non identifiés », tranche le président du groupe PS.

« Bien sûr que ça va se faire. Il ne fera pas capoter le CNR »

Des fins de non-recevoir qui ne surprennent pas vraiment François Patriat, président du groupe des sénateurs macronistes, au Sénat. « C’est une décision qui était attendue. Lors du repas des présidents (de groupe), les présidents de la majorité du Sénat, comme celui du PS, avaient fait part de leur intention de ne pas participer. Bruno Retailleau avait dit non », se souvient le président du groupe RDPI. « C’est dommage », selon un François Patriat qui se montre diplomate, « faire participer les partis politiques et les groupes au dialogue avec la société civile me paraissait intéressant. Je le regrette ». « Au moment où les Français ont besoin de participation citoyenne, quand on ouvre un débat de cette ampleur, je ne trouve pas de bon aloi que les hommes politiques n’y soient pas », ajoute encore le sénateur Renaissance (nouveau nom de LREM) de la Côte-d’Or.

Même ton plutôt policée pour Olivia Grégoire, ministre chargée des PME. « Je trouve ça dommage, peut-être changera-t-il d’avis dans les prochains jours. […] Il n’a jamais été question de retirer du pouvoir parlementaire. […] J’ai bon espoir que Gérard Larcher rejoigne ces réflexions d’avenir. On a besoin des sénateurs », a réagi la ministre sur LCI. Moins magnanime, Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, et encore délégué général de LREM, juge l’annonce « irresponsable, au moment où notre pays a un si grand besoin de concorde pour relever les lourds défis auquel il fait face. Le CNR n’a jamais été pensé comme un substitut au Parlement. Mauvaise politique que de faire semblant de ne pas le comprendre ».

Mais le refus de Gérard Larcher ne change rien, selon François Patriat. « Bien sûr que ça va se faire. Il ne fera pas capoter le CNR. Il n’y participera pas ». Nuance. Reste que la décision du président du Sénat, révélée quasiment au moment de lancer le CNR, tombe quand même mal pour le chef de l’Etat. Déjà critiqué pour le flou qui entoure la nouvelle instance, Emmanuel Macron n’aura pas d’autres choix que de faire avec l’absence de Gérard Larcher. Elle ne facilitera pas la volonté du Président de mettre en œuvre, et d’incarner dans les faits, son changement de méthode.

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