Constitution de 1958 : un président toujours plus fort ?

Constitution de 1958 : un président toujours plus fort ?

Alors que l'on célèbre les 60 ans de la Constitution de la cinquième République, sa légitimité, pourtant confirmée par le temps, a tendance à être remise en question. Parfois dépeinte comme « l’affaire d’un seul homme », car elle tend à renforcer de plus en plus le pouvoir du président, la Cinquième République pose la question de sa réelle portée démocratique au fil du temps. Emblème de la solidité des institutions ou porte ouverte à l’hyper présidentialisation ? Les invités d’Un monde en doc en débattent.
Public Sénat

Par Marie Oestreich

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L’« extraordinaire souplesse et capacité d’adaptation » de la Constitution

La Constitution de 1958 qui fête aujourd’hui ses soixante ans peut sembler encore loin du record de longévité des lois constitutionnelles de la IIIe République qui ont perduré pendant plus de 69 ans. Cependant, symbole de longévité et preuve de robustesse et de résistance aux différentes crises qu’a pu traverser le système institutionnel des soixante dernières années, la Constitution a su s’adapter. Révisée 24 fois via l’article 89, cette Constitution, qui a profondément modifié le système de fonctionnement des institutions par le passage à l’élection du président de la République au suffrage universel direct, depuis décembre 1965, elle a donc démontré sa capacité d’adaptation. Pour autant, le journaliste et essayiste Alain Duhamel, souligne bien « la présidentialisation croissante en continu d’étapes en étapes » du pouvoir en France depuis 60 ans, sujet qui peut poser la question de la réelle portée démocratique des institutions de la Ve République. L’instauration du quinquennat de par la révision du 2 octobre 2000 et l’alignement des élections législatives sur l’élection présidentielle a changé la donne en attribuant d'autant plus de pouvoir au président de la République et en éloignant notre système institutionnel encore plus du précédent.

Ve République : « Un régime robuste, pragmatique, évolutif » pour Hervé Gaymard #UMED
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Démocratie représentative en crise : peu importe l’homme, la Constitution le légitime

L’évolution d’un pouvoir parlementaire vers un pouvoir présidentiel est pour Alain Duhamel « tout à fait correspondante à la conception qu’en avait le Général de Gaulle pour lui-même, mais qui ensuite et avec chaque révision constitutionnelle et à cause de la pratique, a été dans un sens de plus en plus clairement présidentialisé. ». Après 60 ans, où en est-on ?

L’insuffisance de la capacité d’opposition des parlementaires par rapport au gouvernement dans ce système institutionnel, est pour Hervé Gaymard, membre du conseil d’administration de la Fondation Charles de Gaulle, une situation cohérente : « Où est le scandale dans le fait que des parlementaires soutiennent une majorité à laquelle ils appartiennent et un président qu’ils ont appelé de leurs vœux ? ». Pour le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, c’est une constitution « profondément démocratique », dans le sens où les électeurs choisissent véritablement la politique qui sera menée en votant au suffrage universel direct pour un homme qui leur propose un programme contrairement à des systèmes fondés sur une coalition dans lesquels les choix politiques ont lieu après coup. Le constitutionnaliste insiste aussi sur le fait que « La Constitution est le squelette qui nous protège » de la crise de la démocratie représentative puisqu’elle permet d’en limiter les effets.

Ve République : « C’est une constitution profondément démocratique » pour le constitutionnaliste Bertrand Mathieu #UMED
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Cette constitution « explicitement thérapeutique » pour Alain Duhamel permet au président de présider et gouverner quelle que soit l’opinion publique dans un contexte où la popularité du président de la République tend à se réduire de plus en plus rapidement avec la démocratisation de l’opinion et les réseaux sociaux. Le sénateur Jean-Yves Leconte plaide plutôt pour une parlementarisation du régime, car en dehors du fait que les pouvoirs lui semblent assez peu balancés, « On ne peut pas aller dans le sens d’un régime contraire à nos partenaires européens », pour lui, il existe une incohérence avec les autres pays européens en termes de système de représentation qui met à mal la place de la France dans les débats européens. En effet, la plupart des pays européens ont un régime parlementaire.

 

Le sénateur Leconte plaide pour une parlementarisation du régime « On ne peut pas aller dans le sens d’un régime contraire à nos partenaires européens » #UMED
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Montée des contre-pouvoirs : la Constitution comme amortisseur ?

La crise de la démocratie représentative s'explique en partie par l'évolution des modalités et des cadres de cette représentation. Pour Bertrand Mathieu « Les personnes qu’on élit ne sont pas vraiment celles qui ont le pouvoir », ce qui revient à dire que de plus en plus de contre-pouvoirs apparaissent à mesure que le président de la République fait pencher la balance. On pourrait voir cet accroissement des pouvoirs du président comme un rétablissement de l’équilibre dans le débat politique. Pourtant, les contre-pouvoirs sont nombreux, avec par exemple l’évolution du rôle du Conseil constitutionnel, la décentralisation des pouvoirs au niveau local, l’indépendance toujours prégnante du Sénat, ou encore le juge européen.

En cause aussi, le côté direct des réseaux sociaux qui permet aux individus de s’exprimer librement sur Internet et l’information en continu qui permet d’être au fait des événements politiques beaucoup plus rapidement qu’à l’époque du Général de Gaulle. Internet, contrairement à la radio ou à la télévision, met en situation d’égalité l’émetteur et le récepteur, c’est donc, à première vue, l’outil idéal pour une démocratie participative où le citoyen pourrait intervenir très régulièrement dans le débat public. On peut donc se poser la question de la confusion entre véritable débat politique et prise de position spontanée.

Finalement face aux changements et aux difficultés on peut aussi voir comme Alain Duhamel la Constitution comme un « amortisseur » aux différents chocs et crises que traverse notre époque.

Retrouvez « Un monde en docs » le samedi 6 octobre à 21h, le dimanche 7 octobre à 10h sur Public Sénat.

 

 

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