Constitution : faut-il supprimer le premier ministre ?
François Hollande a proposé sur Public Sénat de supprimer la fonction de premier ministre. Mais son idée, qu’il avait déjà dans ses cartons, ne semble pas faire mouche. Emmanuel Macron ne compte pas la proposer. Au Sénat, elle n’est pas plus populaire.

Constitution : faut-il supprimer le premier ministre ?

François Hollande a proposé sur Public Sénat de supprimer la fonction de premier ministre. Mais son idée, qu’il avait déjà dans ses cartons, ne semble pas faire mouche. Emmanuel Macron ne compte pas la proposer. Au Sénat, elle n’est pas plus populaire.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Lui Président, il n’a pas réformé la Constitution. François Hollande propose pourtant aujourd’hui une modification en profondeur de la Ve République, dont on fête ce jeudi le 60e anniversaire. Invité spécial de la matinale de Public Sénat, l’ancien chef de l’Etat a proposé de supprimer le poste de premier ministre.

« Je pense qu’il faut couper le nœud gordien. Il faut aller jusqu’au bout. Le président de la République doit être le seul chef de l’exécutif. Donc plus de premier ministre, plus de responsabilité devant le Parlement, plus de droit de dissolution » a défendu l’ex-locataire de l’Elysée (voir la vidéo). « Il faut un Parlement qui ressemblera au pouvoir du Congrès américain et un président de la République qui est forcément le chef de la majorité » imagine François Hollande.

Hollande y pensait pour la présidentielle de 2017

L’idée n’est pas nouvelle. En 2007, le comité Balladur de réflexion sur les institutions avait ouvert la porte. Il préconisait de clarifier le rôle respectif du premier ministre et celui du président de la République. Le comité conseillait de « prendre acte de la prééminence que son élection au suffrage universel direct confère au chef de l’Etat, qui serait chargé de "déterminer la politique de la nation" » disait le rapport. En 2014, le président PS de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, va plus loin : il propose de supprimer la fonction de premier ministre.

En réalité, l’idée de supprimer le poste de premier ministre était dans les cartons de François Hollande quand il était encore à l’Elysée. Il en aurait fait sa proposition… s’il avait été candidat en 2017, comme l’avait révélé Europe 1.

Invité à réagir depuis Colombey-les-Deux-Eglises, Emmanuel Macron a semblé s’amuser de l’idée, pour mieux la rejeter. « Je n’annoncerai pas la suppression du poste de premier ministre, si c’est votre question » a-t-il lâché en souriant, alors qu’il est attendu aujourd’hui sur sa réforme de la Constitution. Selon un journaliste présent sur place, Jean-Louis Debré, ancien président de l’Assemblée et du Conseil constitutionnel, a lui ironisé sur la proposition de François Hollande : « Hollande a eu deux premiers ministres et ça lui a bien servi… »

L’idée a même fait réagir le conseiller d’Edouard Philippe à Matignon, Gilles Boyer, dans un tweet non dénué d'humour…

« Une façon de faire le buzz »

Au Sénat, l’idée ne convient pas plus au sénateur LR François Pillet. Il avait été le rapporteur du groupe de travail transparaissant du Sénat qui a présenté 40 propositions sur la réforme constitutionnelle. « C’est une très mauvaise idée » tranche le sénateur du Cher. Il souligne au passage que « l’idée n’a jamais été étudiée par le groupe de travail ».

François Pillet s’étonne de la sortie de François Hollande, le jour anniversaire de la Ve République : « Venir donner des leçons de réforme de la Constitution, c’est une façon de faire le buzz ». « Je trouve singulier qu’il propose un bouleversement de la Constitution, alors que le Sénat avait proposé d’instaurer l’indépendance du parquet dans la Constitution, dans des termes acceptés par l’Assemblée. Et Monsieur Hollande ne nous a pas amenés à Versailles » pour reprendre cette réforme, regrette le sénateur.

Autre raison : « Il serait extrêmement difficile d’établir un équilibre des pouvoirs entre un exécutif, qui les concentre tous, et un Parlement chargé de contrôler ou de limiter les éventuels excès ». Le sénateur LR ajoute que supprimer le premier ministre, « c’est faire disparaître la possibilité de sanctionner le gouvernement par la motion de censure. Ce n’est pas bon ». Autrement dit, il faut conserver la fonction de fusible que peut jouer le premier ministre pour protéger le Président.

Même opposition pour l'ancien premier ministre et ex-sénateur LR, Jean-Pierre Raffarin.

« Rôle d’amortisseur »

Le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, qui a planché pour son groupe sur la révision constitutionnelle, ne croit plus aujourd’hui à l’idée proposée par François Hollande. « J’ai longtemps pensé que c’était une bonne solution. Ça consiste à aller vers un régime présidentiel qui, paradoxalement, donnerait plus de pouvoirs au Parlement, puisque finalement, le Président, comme celui des Etats-Unis, serait tenu de cohabiter avec une Assemblée qui ne pourrait pas être dissoute » explique le sénateur du Loiret.

Mais Jean-Pierre Sueur avait été « marqué » par des propos du constitutionnaliste Guy Carcassonne, décédé en 2013. « Il disait que le dispositif actuel jouait un rôle d’amortisseur et que, d’une certaine façon, le système avait fonctionné. Il s’est révélé efficace ». Pour le co-rapporteur de la commission d’enquête Benalla, il convient avant tout de renforcer les pouvoirs du Parlement. C’est ce qu’il attend de la réforme d’Emmanuel Macron.

Partager cet article

Dans la même thématique

PARIS , LES CANDIDATS REMI FERAUD ET EMMANUEL GREGOIRE
8min

Politique

« Force du dégagisme », « fin de cycle » et « bataille de chiens » à venir : les socialistes font le bilan, après la victoire d’Emmanuel Grégoire face à Rémi Féraud

La victoire d’Emmanuel Grégoire, dès le premier tour, lors de la primaire PS qui l’opposait au sénateur Rémi Féraud s’explique notamment par « la volonté de tourner la page Hidalgo » chez les militants, mais aussi le poids des rapports de force issus du congrès PS ou la « dérive clanique » autour de la maire sortante.

Le

SIPA_01206229_000010
6min

Politique

Programmation de l’énergie : en commission, les sénateurs ne reprennent pas le moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque

En commission des affaires économiques, les sénateurs ont adopté la proposition de loi sénatoriale, dite Gremillet, qui avait été passablement dénaturée par des amendements des députés LR et RN, puis finalement rejetée par l’Assemblée nationale. Le moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque ou encore la réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim ne figurent plus dans le texte adopté en commission pour une deuxième lecture prévue la semaine prochaine.

Le

Constitution : faut-il supprimer le premier ministre ?
3min

Politique

Loi Duplomb : un texte qui permet « de mettre les agriculteurs français au même niveau que les agriculteurs européens », assure son auteur

Ce mardi, Laurent Duplomb, sénateur LR de Haute-Loire, auteur du texte « visant à lever les contraintes sur le métier d’agriculteur », était invité sur la matinale de Public Sénat. Il a évoqué l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur sa proposition de loi, ainsi que les critiques qu’elle suscite, notamment en ce qui concerne la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide interdit en France depuis 2018.

Le

Constitution : faut-il supprimer le premier ministre ?
2min

Politique

Canicule : « La vigilance rouge ne concerne pas que les publics les plus fragiles, elle concerne tout le monde », déclare François Bayrou

Alors que la France fait face à un épisode caniculaire, François Bayrou, accompagné de Catherine Vautrin, Agnès Pannier-Runacher et Bruno Retailleau s’est rendu ce mardi au centre opérationnel de gestion des crises du ministère de l’Intérieur. L’objectif était de faire état de l’ensemble des mesures prises pour faire face à cette vague de chaleur.

Le