Constitution : une nouvelle réforme compatible avec le Sénat

Constitution : une nouvelle réforme compatible avec le Sénat

La nouvelle version de la réforme de la Constitution, probablement présentée en Conseil des ministres le 26 juin, devrait faciliter la recherche d’un accord entre l’exécutif et le Sénat, sans qui la réforme est impossible. Sur la baisse du nombre de parlementaires, Emmanuel Macron a mis de l’eau dans son vin. Et la partie sur la procédure parlementaire est supprimée.
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Le nouveau projet de loi de révision de la constitution se précise. La nouvelle mouture de la réforme, qui sera très probablement présentée le 26 juin en Conseil des ministres, selon les informations de publicsenat.fr, ou au plus tard le 3 juillet, sera à nouveau composée de trois textes : un projet de loi constitutionnel, un projet de loi organique qui porte sur la réduction du nombre de parlementaires et un projet de loi ordinaire pour la proportionnelle. C’était déjà le cas de la première version de la réforme, dont l’examen avait été stoppé net par l’affaire Benalla, l’été dernier.

Avant sa présentation en Conseil des ministres, le gouvernement organise la consultation, comme nous l’expliquions. Le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, reçoit cette semaine dans son ministère, avec la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, les présidents de groupes parlementaires. C’est le président du groupe UDI, Agir et Indépendants, Jean-Christophe Lagarde, qui ouvre le bal ce lundi. Le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, sera reçu jeudi, à 10h30 et celui du groupe Union centriste, Hervé Marseille, vendredi à 10h30. Leurs voix comptent. Les groupes LR et UC forment la majorité sénatoriale. Or sans accord du Sénat, toute révision de la Constitution est impossible.

Patrick Kanner (président du groupe PS du Sénat) a rendez-vous jeudi à 19h30, Eliane Assassi (PCF) jeudi à 18 heures, Claude Malhuret (Les indépendants) jeudi à 11h45 et Jean-Claude Requier (RDSE) a priori jeudi à 11 heures. La semaine dernière, Gérard Larcher s’était entretenu avec le premier ministre Edouard Philippe et son homologue de l’Assemblée, Richard Ferrand.

Selon Le Monde, qui a eu accès aux trois projets de loi, la réforme a été simplifiée et expurgée des points de blocage avec les sénateurs. De quoi ouvrir la voie à une convergence entre l’exécutif et le Sénat. Comme nous l’expliquait mercredi dernier un sénateur LR bien introduit, un « deal » entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher est même dans les cartons : « On a les clefs de la réforme. Ils ont peur qu’on les attire dans la nasse. Mais notre intention est chimiquement pure. On veut se caler avec eux, avec toutes les garanties nécessaires pour les territoires. C’est le deal. Mais ils veulent être certains qu’on ne les lâche pas au milieu du gué ».

S’il reste cependant des détails importants encore à discuter, un accord permettrait à chacun de garder la face. Les sénateurs pourront estimer avoir eu gain de cause et avoir fait reculer l’exécutif sur une série de lignes rouges – défense des territoires, droits du Parlement. Pour le gouvernement, une réforme qui va au bout sera à mettre à son actif et permettrait à Emmanuel Macron de respecter sa promesse de réduire le nombre de parlementaires et d’introduire une dose de proportionnelle à l’Assemblée. L’opinion ne retiendrait pas les concessions faites aux sénateurs.

Voici les principaux points de la réforme :

Une Constitution repeinte en vert

Emmanuel Macron a décidé de verdir son acte II du quinquennat. La réforme de la Constitution n’y coupera pas. Le gouvernement a décidé de reprendre un amendement déjà adopté il y a près d’un an à l’Assemblée, lors de l’examen de la première version de la réforme. Dès son article 1er, la Constitution inscrira la « préservation de l’environnement et de la diversité biologique » et la lutte « contre les changements climatiques ».

Réduction du nombre de parlementaires : une baisse limitée

Ce point nécessitera encore certainement des discussions. A l’origine fixé à 30%, Emmanuel Macron a déjà accepté de réduire la baisse du nombre de parlementaires, en avançant un nouveau chiffre de 25%, lors de sa conférence de presse. Pour Gérard Larcher, le bon seuil serait à 20%, soit 278 sénateurs au lieu de 348 actuellement. Pour le président LR du Sénat, c’est celui qui permet de conserver une bonne représentativité des territoires, en conservant au moins un sénateur par département.

La dose de proportionnelle fera sans aucun doute objet de débats. Dans la V1 de la réforme, le taux était fixé à 15% de députés élus avec ce mode de scrutin. Lors de sa conférence de presse, le chef de l’Etat a évoqué le chiffre de 20%. Un pas en direction de son allié du Modem, François Bayrou, et vers les centristes en général. Mais les LR, surtout les députés, veulent eux le moins possible de proportionnelle.

Suppression de la partie sur la procédure parlementaire

Avec le nombre de parlementaires, c’était l’autre gros point de blocage. Toute la partie sur les droits du Parlement a tout bonnement été supprimée. Sur beaucoup de sujets, les sénateurs ont vu rouge : encadrement du droit d’amendement, ordre du jour du Parlement et surtout, en cas d’échec de la commission mixte paritaire, les apports du Sénat passaient à la trappe. Un sérieux casus belli pour les sénateurs. Tous ces sujets sensibles n’existent plus.

Un référendum d’initiative partagée facilité… mais encadré

C’est l’effet gilet jaune. Le référendum d’initiative partagée, déjà existant dans la Constitution, sera assoupli. Il faut actuellement un cinquième des parlementaires et un dixième du corps électoral (4,7 millions de personnes) pour lancer le processus. Le gouvernement est prêt à baisser ces seuils à un dixième des membres du Parlement et un million d’électeurs. Mais pour éviter un cas de figure particulier, comme le RIP lancé sur la privatisation d’Aéroports de Paris, l’exécutif entend empêcher qu’un RIP vise l’abrogation d’une disposition promulguée « depuis moins de trois ans », contre un an actuellement. Il ne sera plus possible non plus de lancer un RIP tant que le Parlement n’a pas terminé l’examen. Ce qui a été fait sur Aéroports de Paris. Gérard Larcher est d’accord sur ce point.

Sur le référendum, le président LR de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, a déjà sous le coude un amendement, comme il nous l’expliquait la semaine dernière. Son objectif : « Qu’un référendum décidé par le chef de l’Etat ne puisse pas mettre en péril les droits fondamentaux ». Dans l’esprit du sénateur de la Manche, il s’agirait, en cas d’arrivée au pouvoir d’un parti extrémiste, d’empêcher de soumettre à référendum une question comme la peine de mort. Selon Philippe Bas, il suffirait de dire que « le Conseil constitutionnel valide tout projet de référendum », comme il le fait pour un référendum d’initiative partagée.

Un CESE transformé en Conseil de la participation citoyenne

C’est là aussi une conséquence des gilets jaunes. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dont les membres passeront de 233 à 155 membres, sera transformé en Conseil de la participation citoyenne (CPC). La première version de la réforme prévoyait déjà de renforcer son rôle de recueil des pétitions. Mais la crise des gilets jaunes a renforcé cette évolution. Il devra à l’avenir organiser les consultations du public et les nouvelles conventions de citoyens tirés au sort.

Les mesures conservées : la différenciation locale, la Corse inscrite dans la Constitution, la fin de la présence des anciens Présidents au Conseil constitutionnel

Le gouvernement a maintenu une disposition qui permettra aux collectivités locales de se différencier en exerçant des compétences spécifiques ou de déroger à certaines règles. La reconnaissance du statut spécifique de la Corse est aussi toujours au programme. Elle sera inscrite dans la Constitution.

Autres réformes conservées : la suppression de la Cour de justice de la République, la fin de la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel et la nomination des magistrats du parquet avec avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Autant de sujets consensuels.

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