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Corse: un petit groupe clandestin annonce la “reconstitution” d’un FLNC
Par Maureen COFFLARD
Publié le
Interdiction d'achat immobilier aux "Non-Corses", "corsisation" des emplois, limitation du tourisme... : un petit groupe a annoncé la reconstitution d'un FLNC lors d'une conférence de presse clandestine, une déclaration qui a entraîné mardi l'ouverture d'une enquête par le parquet national antiterroriste.
"Nous, patriotes corses, avons décidé de nous unir pour reconstituer le FLNC", écrit le groupe dans un communiqué consulté par l'AFP et remis à Corse-Matin lors de ce point presse, sans question, organisé dans la région de Castagniccia (Haute-Corse).
Une vidéo de 34 secondes diffusée sur le site du quotidien montre, dans un sous-bois et de nuit, cinq individus cagoulés, silencieux et vêtus de noir, derrière une banderole sur laquelle est écrit FLNC. Plusieurs serrent le poing et au moins un brandit un fusil. Le Front de libération nationale de la Corse (FLNC) avait annoncé en 2014 qu'il déposait les armes, après quatre décennies marquées par plus de 4.500 attentats revendiqués.
Cette "reconstitution", annoncée dans un contexte marqué depuis plusieurs mois par de nombreux actes de violence en Corse, où élus et personnalités de la société civile ont dénoncé au cours des derniers jours une "emprise mafieuse" sur l'île, a entraîné dès mardi matin la saisine du parquet national antiterroriste (PNAT). Une enquête a été ouverte pour "association de malfaiteurs terroristes et infraction à la législation sur les armes en relation avec une entreprise terroriste", a précisé ce dernier.
"Cette action a été prise au sérieux, même s'il est possible qu'on ait affaire à des +petits+, même si on n'a pas d'armes de guerre apparentes sur les images. On a une revendication claire et qui fait référence à un mouvement de mai 1976, dont on a connu les conséquences", a précisé une source proche de l'enquête à l'AFP.
"Et puis ce qui est important ce sont les tensions que l'on a en ce moment, y compris chez les nationalistes. Tout cela rend les choses un peu sérieuses", a-t-on ajouté de même source.
- "Mystique de la cagoule" -
Parmi les "interdictions" et "préconisations" émises par le groupe figurent les interdictions "pour les Non-Corses d'acheter des biens fonciers ou immobiliers" et de créer toute nouvelle enseigne de grande distribution, ou des appels à remplacer les "étrangers" par des Corses dans tous les emplois, à la mise en oeuvre de quotas pour limiter le tourisme, ou à la mise en place d'un enseignement du corse d'une heure par jour de la maternelle au CM2.
Le groupe appelle aussi à "combattre idéologiquement" les forces politiques de droite et de gauche et assure ne pas douter "de la sincérité et de l'engagement patriotique des élus de la majorité territoriale" au pouvoir dans l'île tout en jugeant qu'ils "continuent de s'égarer sur un chemin qui conduit à l'intégration définitive du peuple corse dans la société française".
Et s'il assure que ses membres "ne porteront jamais atteinte aux personnes, mais seulement aux biens", il prévient: "Nous veillerons, par la force si nécessaire, à ce que les interdictions et les préconisations indiquées ci-dessus soient appliquées car elles sont seules en mesure de sauver le peuple corse d'une disparition programmée".
Pour Xavier Crettiez, professeur à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, la résurgence de cette "mystique de la cagoule" n'est pas une surprise après la série d'attentats contre des résidences secondaires et des trésoreries qui avait touché l'île au printemps: "L'Etat n'étant pas extrêmement réactif par rapport à l'exécutif corse, on se dit qu'en montrant les poings, on pourrait obtenir plus", explique-t-il à l'AFP.
Les "logiques internes au nationalisme" jouent également et cette action vise "à faire pression sur cet exécutif", alors qu'il y a chez certains "une sorte de nostalgie de cette violence politique", alternative au "nationalisme gestionnaire".
En jeu également, le "climat ambiant en Corse et en particulier les menaces de la criminalité organisée" pointées du doigt ces dernières semaines par des membres de la société civile corse et des élus. "Renouer avec la lutte armée permet de passer un message aux bandes criminelles" et en quelque sorte de "menacer les menaçants", estime aussi l'expert.