Covid-19 en Outre-mer : des disparités et une « grande inquiétude » pour Mayotte

Covid-19 en Outre-mer : des disparités et une « grande inquiétude » pour Mayotte

Dans la plupart des territoires ultramarins français, la situation est « «pour l'instant sous contrôle » selon les sénateurs locaux. Mais l'inquiétude est grande à Mayotte, département le plus pauvre de France et sous-équipé. Des élus y réclament l'intervention de l'armée.
Public Sénat

Par Jérôme Rabier

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« Mayotte ce n'est pas un désert médical, c'est le néant médical ». Les mots de Thani Mohamed Soilihi, vice-président du Sénat et sénateur LREM de Mayotte, ne sont pas nouveaux. Il se bat depuis des années et alerte sur le manque de médecins sur l'île. Mais en ces temps de pandémie, ils prennent une importance toute particulière. « Nous avons 28 médecins libéraux sur l'île, soit 18 équivalents temps plein, puisque certains sont des retraités qui acceptent de dépanner. Et cela pour officiellement 250 000 habitants, mais 400 000 ou 450 000 officieusement » s'alarme-t-il. En dix jours, le nombre de cas diagnostiqué est passé de 1 à 30. Pour Thani Mohamed Soilihi, « il y a une grande inquiétude, cela se propage à vitesse grand V, en raison de la forte promiscuité dans ce département, le plus pauvre de France. Et la population a du mal à souscrire aux gestes barrières. Alors que la seule solution est le confinement strict ».

« Tous les ingrédients pour que cela se passe mal » à Mayotte

Pour faire respecter ces mesures, le sénateur se joint aux voix qui s'élèvent pour réclamer l'intervention de l'armée. « C'est une option qu'il faut regarder de près. À la fois pour envoyer un signal d'urgence à la population et se donner toutes les chances au vu des nombreux handicaps du territoire. Ici il y a tous les ingrédients pour que cela se passe mal, il faut donc sortir l'artillerie lourde pour obliger les gens à respecter ce confinement» insiste le sénateur. Avec seulement 16 lits en réanimation, les services d'urgences pourraient être rapidement débordés en cas de propagation. « À proportion du nombre d'habitants, ce sont 100 médecins supplémentaires d'urgence qu'il nous faudrait » se désespère-t-il. Revenu à Paris après le premier tour des municipales, il posera d'ailleurs une question d'actualité au gouvernement ce mercredi et espère des mesures d'urgence pour son territoire.

Sur l'île de la Réunion, 75 cas sont pour l'instant diagnostiqués et « pour une fois, notre retard sur la métropole est un avantage » estime Michel Dennemont, sénateur LREM de l'île et lui-même confiné à son domicile. « Nous avons 10 jours d'avance sur la métropole en matière de propagation et donc le confinement imposé au même moment devrait être bénéfique » détaille-t-il. En revanche, il déplore le manque de préparation en matière d'approvisionnement en masques : « L'agence régionale de santé est un organisme coupé de la réalité. S'il parvient à enfin équiper les médecins, il n'y a pas qu'eux. Les infirmières libérales comme ma femme et ma fille n'ont pas assez de masques. Idem pour les aides à domicile pour les personnes âgées, les éboueurs, tous ces métiers essentiels » déplore le sénateur lui-même ancien infirmier libéral. S'il estime que la Réunion est plutôt bien équipée, il craint un afflux extérieur qui pourrait créer une saturation des services. « Nous sommes le seul endroit de la zone correctement doté. Si Mayotte déborde par exemple, nous devrons accueillir des patients et là il y a un risque » prévient-il.

Dans les Antilles, l'expérience des catastrophes

« La situation en Martinique est pour l'instant sous contrôle » rassure de son côté la sénatrice PS Catherine Conconne. « Nous avons la particularité d'être une zone à risques en matière de cyclones et autres catastrophes naturelles. Nous avons des équipes dédiées qui se sont donc mises rapidement en place. Et le préfet a installé une cellule de crise en lien avec les élus » précise-t-elle. Toutefois, la Martinique a dû gérer « un gros coup de chaud avec les croisiéristes. Ici c'est une activité populaire à cette période. 800 personnes, principalement des croisiéristes martiniquais, ont donc été confinées à leur domicile avec un contrôle strict. Ils sont appelés deux fois par jour pour donner leur température et on leur rappelle l'interdiction de sortir ». Ces vacanciers locaux devraient bientôt voir leur quatorzaine s'achever, limitant le nombre de cas à pour l'instant 53 cas.
La situation est quasiment la même en Guadeloupe où 62 cas ont été diagnostiqués. « Avec un confinement de plus en plus respecté » se réjouit Victoire Jasmin ,sénatrice socialiste. Seule différence, les soignants semblent ici particulièrement touchés. Le directeur général du CHU, la présidente de la commission médicale de l’établissement et le chef de service de la réanimation, tous trois au premier rang de l'organisation sur le territoire sont touchés. « «Leur état n'inspire pas d'inquiétude particulière » selon un communiqué du CHU de Guadeloupe. Et pour Victoire Jasmin, « cela contribue à la prise de conscience de la population car ce sont des personnes connues et reconnues au niveau local. Cela a servi d'électrochoc » estime-t-elle.

En Guyane, « les gens respectent à la lettre le confinement » selon Antoine Karam, sénateur LREM du territoire. « Des maires ont pris des arrêtés de couvre-feu de 20 heures à 6 heures du matin comme à Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni. Et la vente de l'alcool est interdite à partir de 14 heures » précise l'ancien président du conseil régional. Seul problème selon lui, « les masques qui sont en nombre insuffisants comme partout. On déplore même le vol d'un stock au centre spatial de Kourou qui est pourtant presque mieux gardé que l'Élysée » plaisante tout de même l'élu. Enfin les producteurs de rhum ont livré aux hôpitaux de l'alcool à 90 degrés pour fabriquer du gel hydroalcoolique, preuve que toutes les forces vives sont mobilisées.

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