Covid-19 : « Si on ne règle pas la question des tests, on reconfinera »

Covid-19 : « Si on ne règle pas la question des tests, on reconfinera »

La commission d’enquête du Sénat sur la pandémie de Covid-19 s’interrogeait, ce jeudi, sur la stratégie de tests de dépistage massif mise en place cet été. Lors d’une table ronde, les experts scientifiques appellent à prioriser les cibles, à raccourcir les délais des résultats.
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« Après les masques, nous assistons, avec les tests, au deuxième grand fiasco de cette crise » a résumé en préambule de l’audition le vice-président LR de la commission d’enquête du Sénat sur la pandémie de Covid-19. Une affirmation que la table ronde sur la politique de dépistage organisée, ce jeudi, n’a pas vraiment contredite.

Lors de son interview du 14 juillet, Emmanuel Macron avait encouragé les Français à se faire dépister « même sans prescription médicale et en cas de simple doute ». « Nous en réalisons 370 000 par semaine alors que notre capacité est de 700 000 » avait-il détaillé.

Deux mois plus tard, alors l’épidémie repart de plus belle en France, la stratégie pose questions. Pour y répondre, trois experts ont répondu à la commission d’enquête : François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes médicaux, Bruno Lina, virologue, laboratoire de virologie des hospices civils de Lyon – laboratoire associé au centre national de référence (CNR) des virus respiratoires et membre du conseil scientifique et Philippe Froguel, endocrinologue et généticien à l’Inserm Lille.

« Les violences se multiplient aux accueils des laboratoires »

Dépistage Covid: « Les violences se multiplient aux accueils des laboratoires » rapporte , François Blanchecotte
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D’abord, en ce qui concerne la capacité des laboratoires privés à réaliser ces tests, François Blanchecotte reconnaît : « Nous n’étions pas prêts (…) Nous sommes dans une démarche française d’accréditation dans laquelle nous n’avons que 120 plateaux techniques qui sont accrédités sur 900 » a-t-il expliqué.

Les difficultés des laboratoires français dans les commandes de réactifs et des machines dans un marché mondial saturé, entraîne « un allongement de la prise en charge des patients ». C’est vrai que les délais (de résultats) se sont allongés. Mais les fournisseurs mondiaux ont des quotas par pays (…) les délais de nos commandes sont de trois à quatre semaines » a-t-il exposé. « Aujourd’hui nous n’avons pas suffisamment de matériels pour répondre à la demande mais on a surtout des publics incessants qui viennent nous voir (…) les violences se multiplient aux accueils des laboratoires » a-t-il rapporté.

 Il faut qu’on priorise les patients et les contacts »

Dépistage Covid-19 : « Il faut qu’on priorise les patients et les contacts » affirme Bruno Lina
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L’objectif d’un million de tests par semaine est en passe de se réaliser mais pour le président du syndicat des biologistes médicaux, « ce qui manque ce sont les cibles ». « Aujourd’hui un Français sur quatre qui vient dans les files d’attente, c’est pour se rassurer. Il y a des Français qui viennent plusieurs fois par semaine » (…) « Il faut remettre les médecins au centre du jeu. Pour qu’on puisse faire correctement notre métier » a-t-il demandé.

Même constat de la part du virologue, membre du conseil scientifique, Bruno Lina. « On est aujourd’hui à la croisée des chemins. On a une puissance analytique qui est quand même considérable. Mais il faut qu’on l’organise. Il faut qu’on priorise les patients et les contacts ».

« Les masques sont que des retardateurs de contaminations »

Faut-il alors revenir à une interdiction des tests Covid-19 en accès libre ? « Je crois que ce droit est irréversible et que le gouvernement n’y arrivera pas » a jugé Philippe Froguel, endocrinologue et généticien. « Je pense que les grands groupes de laboratoires privés doivent travailler avec des experts de la génomique à très haut débit pour créer ses grandes plateformes (de tests) dont nous avons besoin (…) Les masques sont portés par tous et vous avez remarqué, il n’y a aucun résultat magique sur l’épidémie. Ce ne sont que des retardateurs de contaminations (…) Si on ne règle pas la question des tests en France : plus de tests, là où il en faut, plus rapide, mieux fait (…) on va progressivement remplir nos réas comme à Marseille et on reconfinera à nouveau » a-t-il prédit.

Quels tests privilégier ?

Faut-il persévérer dans les tests PCR (nasal). « Pour avoir les prélèvements les plus sensibles, ce sont les prélèvements rhino-pharyngés qu’il faut faire. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas faire d’autres prélèvements. Mais c’est la référence » a expliqué le professeur Lina.

Les tests salivaires permettent une bonne collecte des pathogènes, s’ils sont faits le « matin au réveil », donc peut envisageable dans une stratégie de dépistage de masse a-t-il poursuivi. Reste alors les tests antigéniques. Ce sont également des prélèvements rhino-pharyngés mais les résultats sont beaucoup plus rapides : 30 minutes, après un mélange avec un réactif. Des travaux sur ces tests sont également en cours. « On commence à savoir où se positionne la sensibilité de ces tests antigéniques par rapport à la référence PCR. Ça va permettre de nous positionner pour savoir comment on va les utiliser en vie vraie et potentiellement de réduire les délais d’attente ». Mais « on a tendance à ne pas croire les fournisseurs qui nous vendent du rêve » a commenté Bruno Lina.

« Les tests sérologiques que nous avons aujourd’hui, sont défaillants »

Les tests sérologiques (prélèvement d’une goutte de sang). « Leur développement est indispensable (…) si on veut pouvoir évaluer une immunité collective (…) Ces tests, on ne les a pas. Les tests sérologiques que nous avons aujourd’hui sont défaillants » a-t-il reconnu. Actuellement ces tests se font sur des patients hospitalisés et donc biaisés car leur réponse anticorps est plus élevée que dans le reste de la population.

Dépistage Covid: "il n’y a toujours pas de doctrine, c’est ce que vous êtes en train de nous dire ?" demande Bernard Jomier à Bruno Lina
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Médecin de formation, le sénateur membre du groupe socialiste, Bernard Jomier a mis les pieds dans le plat en interpellant le professeur Lima. « Clairement, il n’y a toujours pas de doctrine, c’est ce que vous êtes en train de nous dire ? »

Le membre du conseil scientifique a alors jugé bon de résumer son propos : « Le dépistage doit être fait différemment du diagnostic. Il doit y avoir des filières de diagnostic dédiées. Point. Deuxièmement, le dépistage doit se faire en lien direct avec le médecin ou avec le service hospitalier où se trouve le patient (…) Il faut qu’on classe par ordre ce qu’on fait et quand on voudra monter en puissance (dans les dépistages) il faut regarder où est la ressource pour monter en puissance ».

Ce à quoi, René-Paul Savary a réagi : « Pourquoi ça n’a pas été fait avant puisque ça fait des semaines qu’on est sur cette stratégie de dépister tout le monde ? ». « C’est une décision de l’exécutif » rappelle le professeur.

Sur twitter, le sénateur LR des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi a livré son sentiment sur ces trois heures de table ronde. « Exaspéré de constater, encore aujourd’hui, les lourdeurs, les incohérences et retards de tous nos comités et structures administratives ».

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