Crimes sexuels sur mineurs : le Sénat est satisfait de la version issue de l’Assemblée nationale 

Crimes sexuels sur mineurs : le Sénat est satisfait de la version issue de l’Assemblée nationale 

A 48 heures de l’examen en seconde lecture de la proposition de loi sur les crimes sexuels sur mineurs, la commission des lois du Sénat a adopté la version de l’Assemblée nationale avec quelques modifications à la marge.
Public Sénat

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

« La première proposition de loi c’était : crimes sexuels contre mineurs de 13 ans. Maintenant, c’est crimes contre mineurs de 15 ans, délit et inceste. La proposition de loi a été considérablement enrichie, remaniée et changée même complètement », affirme Marie Mercier, rapporteure LR de la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels.

Adopté à l’unanimité du Sénat et de l’Assemblée nationale, le texte revient devant la Haute assemblée jeudi 25 mars pour une seconde lecture. En commission des lois, ce matin, les sénateurs n’ont modifié que très marginalement les apports des députés. « La rapporteure Marie Mercier a déposé quelques amendements qui ne remettent pas en cause le texte issu de l’Assemblée nationale. C’est une grande satisfaction », se félicite Annick Billon, sénatrice centriste auteure de la proposition de loi.

Le texte a effectivement été considérablement modifié par les députés. Les vagues de témoignages de victimes d’agressions sexuelles incestueuses ou non, ont poussé le gouvernement a utilisé ce véhicule législatif pour changer le droit.

Dès le mois de novembre, Annick Billon annonçait vouloir poser « un interdit clair » sur les relations sexuelles entre adultes et mineur en instaurant un seuil de non-consentement fixé à 13 ans. Le seuil était alors jugé par les associations, insuffisamment protecteur des 13-15 ans, mais justifié par le Sénat pour des raisons de constitutionnalité (voir notre article). Lors des débats au Sénat, le garde des Sceaux reconnaissait un « consensus sur l’idée générale », tout en demandant aux sénateurs de revoir leur copie sur certains points.

« L’Assemblée nationale nous propose un dispositif différent qui n’était pas envisageable le 21 janvier lorsque nous avons voté ma proposition de loi puisqu’il était question d’inconstitutionnalité. Le garde des Sceaux et le ministre Adrien Taquet ont travaillé avec le Parlement à une écriture différente, avec un seuil d’âge à 15 ans. Mais bien entendu, il y a les relations sexuelles consenties entre adolescent dont on doit tenir compte avec cette clause dite Roméo et Juliette (un écart d’âge de 5 ans entre le mineur de moins de 15 ans et le majeur ) »,  explique Annick Billon.

« L’écart d’âge de 5 ans protège le jeune majeur qui commet des agressions », regrettent les associations

Si pour Pascal Cussigh, avocat et secrétaire du Collectif pour l’enfance, « le texte va dans le bon sens », cette condition d’écart d’âge amènera toujours la question du consentement à être examinée dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs. « Il y a des trous dans la raquette à cause de cet écart d’âge de 5 ans […] On nous annonce une protection des amours adolescentes, mais ce qui nous est proposé ce n’est pas une clause Roméo et Juliette […] Elle ne fait aucunement référence à un amour entre adolescents qui aurait commencé lorsque les deux étaient mineurs et poserait problème au moment où le plus âgé atteindrait ses 18 ans. On n’est pas dans ce cas de figure là. L’écart d’âge de 5 ans protège le jeune majeur qui commet des agressions », estime-t-il.

Cécile Mamelin, vice-présidente de l’Union syndicale des Magistrats estime quant à elle qu’il « ne faut pas inverser le balancier de façon trop importante. Il ne faudrait pas non plus ignorer que dans certaines situations particulières, une relation amoureuse existe […] entre un mineur de 14 ans et demi et un très jeune adulte […] instaurer un écart d’âge est une prudence qu’il faut plutôt saluer ».

Débattue au Sénat mais adopté par l’Assemblée nationale, la proposition de loi fixe un seuil de non-consentement à 18 ans pour les relations sexuelles incestueuses. « L’Assemblée nationale créée deux nouvelles infractions que sont l’agression sexuelle incestueuse et le viol incestueux. Ce n’est pas une mince à faire que d’écrire dans la loi ces deux infractions », salue Marie Mercier. Pour mémoire, jusqu’à présent, l’inceste ne constitue qu’une circonstance aggravante d’un délit ou d’un crime.

« Le champ d’application de l’inceste est rétréci »

La difficulté de ces nouvelles incriminations réside dans la définition des auteurs, les députés ont retenu les ascendants ou les personnes disposant d’une autorité de droit ou de fait. Une liste trop restrictive pour certaines associations. « On a un texte écrit par l’Assemblée nationale qui rétrécît le champ d’application de l’inceste en ajoutant une condition d’autorité de droit ou de fait pour les frères, les sœurs, les oncles, les tantes. Ça ne correspond pas à la définition de l’inceste que l’on connaît dans notre code pénal depuis 2016 », observe Pascal Cussigh.

Une référence à la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance qui introduit une qualification spécifique de l’inceste dans le Code pénal de la manière suivante : « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis sur la personne d’un mineur par : 1° Un ascendant ; 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ; 3° Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s’il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. »

« Le délit préexistant de corruption de mineurs ne suffisait plus »

Les amendements adoptés ce matin en commission touchent à l’harmonisation des peines de deux délits ajoutés par les députés : La prostitution des mineurs et la « sextorsion », une nouvelle infraction spécifique qui consiste, pour un majeur d’inciter un mineur à se livrer à des pratiques sexuelles sur internet sera « de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ». « C’est une bonne chose d’avoir profité de ce véhicule législatif pour introduire ces formes d’abus sexuels sur les jeunes sans qu’ils en aient véritablement conscience. Le délit préexistant de corruption de mineurs ne suffisait plus. Internet est vraiment un royaume sans loi, sans roi, sans frontière. Il faut, autant que nous pouvons, protéger nos jeunes de ces abus sur Internet », explique Marie Mercier.

Le texte sera examiné en séance publique jeudi 25 mars à partir de 16 heures 30.

Dans la même thématique

Weekly cabinet meeting at Elysee Palace, Paris, France – 12 Jan 2024
5min

Société

Prostitution : un nouveau plan de lutte présenté ce jeudi, huit ans après la loi pénalisant les clients

Alors que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, peine encore à produire ses effets, le gouvernement a annoncé la présentation d’un nouveau plan pour lutter contre la prostitution, à l’aube d’une augmentation inquiétante des chiffres chez les mineurs. Selon les associations, ils seraient entre 7 000 et 10 000 à être aujourd’hui prostitués, un chiffre qui a doublé ces dernières années.

Le

Enfants et ecrans
4min

Société

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».

Le

A national gendarmerie van entering the Paris courthouse
7min

Société

Meurtre de Matisse à Châteauroux : qu’est-ce que l’excuse de minorité, que le gouvernement souhaite réformer ?

Alors que de multiples faits divers concernant des mineurs font l’actualité ces dernières semaines, le dernier en date, le meurtre de Matisse, 15 ans, poignardé à mort, samedi dernier à Châteauroux, par un mineur afghan âgé lui aussi de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire, cinq jours avant le meurtre, Gabriel Attal a annoncé, le 18 avril dernier, souhaiter « ouvrir le débat » sur l’excuse de minorité. Mais au fait, à quoi fait référence cette qualification pénale, qui revient régulièrement dans les discussions ?

Le