Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat n’a pas adopté le seuil de non-consentement à 15 ans ?

Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat n’a pas adopté le seuil de non-consentement à 15 ans ?

Après l’adoption de la proposition de loi de la sénatrice centriste Annick Billon visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, beaucoup de personnes s’interrogent sur le seuil d’âge retenu en dessous duquel un mineur est considéré comme non consentant à une relation sexuelle avec un adulte : 13 ans. Pourquoi pas 15 ans comme le demandait le groupe PS ? Retour sur ce débat au Sénat.
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La proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels crée une nouvelle infraction dans le Code pénal, qui punit de vingt ans de réclusion criminelle « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ». Ainsi, « le comportement de l’enfant ne sera plus interrogé, on ne questionnera plus le consentement d’un mineur de moins de 13 ans », expliquait, jeudi lors des débats en séance publique, la sénatrice centriste Annick Billon.

Mais ce week-end, l’adoption du texte a entraîné une polémique sur les réseaux sociaux sous le hashtag #avant15anscestNON. Pourquoi ne pas avoir retenu le seuil d’âge de 15 ans ? s’interroge-t-on en substance.

« Ce que nous voulons pour les moins de 13 ans, nous devons le vouloir pour les moins de 15 ans »

Si le texte a été adopté à l’unanimité du Sénat, le groupe Socialiste, dont la sénatrice de l’Oise et ancienne Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol souhaitait rehausser le seuil d’âge à 15 ans de façon à protéger également les mineurs âgés entre 13 et 15 ans.

« Je crains qu’en fixant un seuil d’âge à 13 ans, on fragilise les 13-15 ans pour lesquels on admettrait en fin de compte, un éventuel consentement, qu’il n’y aurait pas viol systématiquement. Ce que nous voulons pour les moins de 13 ans, nous devons le vouloir pour les moins de 15 ans », a-t-elle argué lors de la présentation de son amendement qui n’a pas été retenu.

Pour mémoire au moment de l’examen de la loi Schiappa en 2018, l’âge de non-consentement, fixé à l’époque à 15 ans, était une promesse de l’ancienne ministre en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, avant de reculer suite à un avis du Conseil qui soulevait l’inconstitutionnalité d’une telle mesure. En effet, avec un seuil d’âge inscrit dans la loi, l’âge de la victime devenait alors un élément constitutif du crime de viol ou du délit d’agression sexuelle : au même titre que la contrainte, la surprise, la menace, la violence (article 222-23). De ce fait une présomption dite irréfragable de culpabilité aurait été inscrite dans la loi, ce qui est inconstitutionnel en droit pénal.

C’est pour contourner cet écueil qu’Annick Billon a fait le choix de créer dans le Code pénal une infraction autonome du viol, intitulé crimes sexuels sur mineurs. Ce nouveau crime a pour but de vider des prétoires les débats sur le consentement lorsque la victime a moins de 13 ans. Et ainsi poser un « interdit clair », et ne plus voir des décisions de justice comme en 2017, où la cour d’assises de Seine-et-Marne avait acquitté un homme de 30 ans jugé pour le viol d’une fillette de 11 ans.

La position du gouvernement : « Un vrai risque constitutionnel inhérent au seuil de 15 ans »

Jeudi, au Sénat, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a demandé le retrait de l’amendement de Laurence Rossignol. « Je veux vous indiquer qu’il y a un vrai risque constitutionnel inhérent au seuil de 15 ans déjà identifié par le Conseil d’Etat dans son avis du 15 mars 2018. Un mineur de 17 ans et demi qui aurait eu des relations sexuelles avec un mineur de 14 ans deviendrait de facto un criminel le jour de ses 18 ans. Ce n’est pas une question tranchée, elle est difficile, elle est délicate. Ça mérite une vraie réflexion, un approfondissement de nos travaux », a-t-il fait valoir.

Annick Billon avait par la suite pris la parole. « J’entends les débats sur 13 ou 15 ans mais il ne faut pas oublier qu’il y a deux ans, il n’y avait aucun seuil possible à inscrire dans la loi. Donc déjà inscrire 13 ans, c’est un progrès […] la création d’une infraction autonome balaye les réserves du conseil d’Etat », assurait-elle.

« C’est inconstitutionnel is the new je ne suis pas d’accord »

« C’est inconstitutionnel is the new je ne suis pas d’accord », avait fini par railler Laurence Rossignol avant d’ajouter : « Moi, je ne connais qu’une seule façon de savoir si c’est inconstitutionnel ou pas, c’est que le Conseil Constitutionnel se prononce ».

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