Crise à la frontière Bélarus-Pologne : « Une traite d’êtres humains utilisée comme outil de guerre »
La pression migratoire aux portes de la Pologne se poursuit. L’Union européenne s’apprête à frapper la Biélorussie de nouvelles sanctions, pour avoir orchestré cette crise migratoire. Jean-François Rapin (LR), président de la commission des affaires européennes du Sénat, et le sénateur Rachid Temal (PS) soutiennent le message de fermeté des Européens.

Crise à la frontière Bélarus-Pologne : « Une traite d’êtres humains utilisée comme outil de guerre »

La pression migratoire aux portes de la Pologne se poursuit. L’Union européenne s’apprête à frapper la Biélorussie de nouvelles sanctions, pour avoir orchestré cette crise migratoire. Jean-François Rapin (LR), président de la commission des affaires européennes du Sénat, et le sénateur Rachid Temal (PS) soutiennent le message de fermeté des Européens.
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La Biélorussie est sous la menace de nouvelles sanctions européennes, alors que deux à trois mille migrants restent massés à la frontière polonaise, sous un froid glacial. Réunis ce lundi à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères s’apprêtent à entériner de nouvelles sanctions vis-à-vis des autorités biélorusses, et ce, pour la cinquième fois. Elles seront adoptées « dans les prochains jours », selon Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union.

Bruxelles accuse le régime du président Loukachenko d’avoir orchestré cet afflux de migrants du Moyen-Orient pour se venger des sanctions occidentales introduites après la répression de manifestations contre le régime biélorusse. Le nouveau cycle de mesures punitives devrait cette fois s’élargir aux compagnies aériennes - dont la compagnie nationale Belavia - et aux différents acteurs impliqués dans ces transferts migratoires. La fermeté de l’Union européenne est saluée par le président de la commission des affaires européennes au Sénat, Jean-François Rapin (LR). « Il faut vraiment agir sur le régime de Loukachenko, car cette façon de faire du trafic d’êtres humains, d’utiliser leur misère, pour faire pression sur les pays de l’Union européenne, c’est scandaleux », explique-t-il à Public Sénat. Le discours de sévérité des Européens pourrait payer, selon lui. « Je pense que cela s’avère être efficace, car les compagnies aériennes semblent attentives à qui elles embarquent dans les avions. » Le 11 novembre, l’Irak a annoncé un premier vol de rapatriement de volontaires. La Turquie a également interdit de vols vers le Bélarus les passagers syriens, irakiens ou encore afghans.

Le socialiste Rachid Temal approuve également le principe de monter d’un cran supplémentaire les sanctions. « Il faut sanctionner un Etat et ses dirigeants qui sont en train d’utiliser une traite d’êtres humains comme outil de guerre. Ce n’est pas juste un problème d’immigration », s’indigne le parlementaire, qui s’était rendu en Pologne le mois dernier, dans le cadre d’une délégation de la commission des affaires étrangères.

« On va avoir besoin d’aide humanitaire »

En parallèle, les Européens devront, selon le sénateur du Val-d’Oise, répondre à l’urgence de ces milliers de personnes à la frontière, « qui sont entre, les fusils dans leur dos, et les barbelés en face ». « On ne peut pas les laisser », insiste-t-il. « On va avoir besoin d’aide humanitaire », constate également Jean-François Rapin, qui plaide pour des moments européens « plus forts » dans un premier temps. Comme le candidat à l’investiture LR qu’il soutient, Xavier Bertrand, mais aussi Valérie Pécresse, le sénateur du Pas-de-Calais jugerait aussi une intervention du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies bienvenue, « par la suite ».

L’un et l’autre regrettent les moyens limités de l’agence européenne Frontex, chargée de la surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne. La délégation, à laquelle a participé Rachid Temal en octobre, a d’ailleurs rencontré au siège de l’agence à Varsovie, son président Fabrice Leggeri. « Ce qui me pose problème, c’est que je considère que l’Union européenne ne lui donne pas toutes ses armes pour assumer ses missions. Il faut assumer une politique publique sur ces questions », demande-t-il. Par ricochet, la crise à l’Est de l’Union pourrait être abordée lors du débat convoqué ce 16 novembre au Sénat sur les priorités de la France, lors de sa présidence du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022. « Je crains que le pacte migratoire ait beaucoup de plomb dans l’aile, avec toute cette actualité », redoute Jean-François Rapin. Début octobre, un rapport sénatorial avait averti qu’un accord sur de nouvelles règles communes en matière de gestion des flux migratoires entre les Etats membres, serait hautement improbable début 2022.

« Il faudra demander à Moscou de trancher sa position », estime Jean-François Rapin

Loin de se réduire à un bras de fer entre les Européens et le Bélarus, la crise actuelle pose par ailleurs la question du rôle de la Russie. Paris considère qu’elle constituera « une partie de solution », quand Varsovie voit dans le grand voisin et allié du président Loukachenko le véritable instigateur des tensions actuelles. De par ses accords avec la Biélorussie et sa proximité géographique immédiate, la Russie devra sortir du bois, estime Jean-François Rapin. « Il faudra demander à Moscou de trancher sa position sur cette situation migratoire intenable. » « L’Union européenne doit être ferme avec la Russie. Il faut qu’elle assume sa part de responsabilité, car on sait qu’elle soutient le régime », plaide quant à lui Rachid Temal.

Moscou a rejeté les accusations polonaises et ce lundi encore, le Kremlin a jugé « erroné » d’imputer à la Biélorussie la responsabilité de la crise. Les assurances du régime biélorusse de vouloir rapatrier les migrants n’y auront rien changé : la Pologne a annoncé ce lundi qu’elle commencerait en décembre le mur à sa frontière avec le Bélarus.

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